Encyclopédie des sciences religieuses: Andreæ / Confrérie de la Rose-Croix

Article de l’Encyclopédie des sciences religieuses de 1877


ANDREÆ (Jean-Valentin), petit-fils de Jacques Andreæ, dont il vient d’être parlé. Né en 1586 à Herrenberg, dans le Wurtemberg, il devint en 1614 diacre de Vaihingen. En 1620, il fut appelé comme pasteur à Calw, où il resta jusqu’en 1639; il y montra, pendant les misères de la guerre de Trente ans, un courage et un dévouement dignes des plus grandes éloges. Depuis 1639 prédicateur de la cour, en 1650 prélat à Bebenhausen, et en 1654 à Adelberg, il mourut en cette dernière année à Stuttgard. Il s’est distingué, autant par son activité pastorale que par quelques ouvrages, destinés à dévoiler et à combattre les rêveries des alchimistes, si nombreux en Allemagne à la fin du seizième et au commencement du dix-septième siècle. Le scolasticisme qui s’était introduit dans la théologie protestante avait provoqué une réaction mystique, qui s’était manifestée sous des formes diverses:

Chez Valentin Weigel et chez Jacques Bœhme le mysticisme était devenu une théosophie, dont beaucoup de personnes se servaient pour chercher la pierre philosophale et les moyens de faire de l’or; d’autres étaient revenus à Theophraste Paracelse.

Andreæ, qui à des connaissances très variées, joignait infiniment d’esprit, se proposa de se railler de ces superstitions.

Dans sa jeunesse, il écrivit un livre intitulé: Die chymische Hochseit Christiani Rosenkreutz, anno 1459 (les noces chimiques de chrétien Rose-Croix en 1459), sorte de roman, racontant les aventures d’un personnage fictif nommé Rose-Croix, qui est invité, aux noces d’un roi inconnu et qui là est initié aux mystères d’une société de magiciens et d’alchimistes; c’est dans ce livre que paraît pour la première fois le nom de Rose-Croix, emprunté sans doute à deux des principaux symboles des adeptes de la philosophie hermétique.

Cet ouvrage ne circula d’abord qu’en manuscrit. Vers 1610 il s’en répandit un autre:  Allgemeine und General Reformation der ganzen weiten Welt beneben de Fama fraternitatis des læblichen Ordea des Rosenkreutz: Ce fut encore une mystification; le livre fut imprimé en 1614;

la seconde édition, 1615, est augmentée d’une Confession oder Bekanntnusz der Societæt Rosenkreutz, an die Gelehrten Europa’s. La Hochzeit ne parut qu’en 1616 à Strasbourg. Dans la Réformation générale, les sept sages de la Grèce et quelques philosophes romains délibérant sur les moyens d’améliorer le monde; la Confession expose les principes de la soi-disant société.

Ces livres, dont le but était de persifler les amateurs de la magie et de la théosophie, produisirent un effet immense (NDLR inverse?).

  • Tout le monde les prit au sérieux;
  • les mystiques et les alchimistes se mirent à la recherche de l’ordre des Rose-Croix, qui n’existait nulle part;
  • des théologiens luthériens soupçonnèrent une manœuvre calviniste contre l’orthodoxie.

La nouvelle se répandit aussi en France; en 1623 on afficha à Paris un placard, annonçant l’arrivée des Rose-Croix, sauveurs du monde; Gabriel Naudé, qui à cette occasion se montra sceptique au bon endroit, se railla de la chimère importée d’Allemagne, dans une brochure pleine de sens: Instruction à la France sur la vérité de l’histoire des frères de la Rose-Croix.

Andreæ lui-même, voyant qu’au lieu de faire disparaître la superstition, il l’avait alimentée , publia divers écrits où, tout en conservant parfois la forme allégorique et satirique, il exhortait ses contemporains à renoncer « à cette curiosité dangereuse» qui veut sonder tous les mystères, à sortir de « ce chaos, » à renverser « cette tour de Babel élevée contrairement à la volonté de Dieu. »

Comme quelques enthousiastes fondèrent en effet un ordre de Rose-Croix, il lui opposa une Société évangélique, ayant pour objet de « remettre Jésus-Christ en son lieu et de détruire les idoles. »  En général, il fit des efforts pour relever dans son pays la vie religieuse; adversaire aussi décidé du formalisme de l’orthodoxie du temps que des extravagances des théosophes, il chercha à rétablir un christianisme plus vivant et plus simple.

On lui a reproché différentes hérésies, mais sa mémoire n’a pas souffert de ces reproches.

V. Burk, Verzeichniss aller… Schriften … J. V. Andreæ, Tubing. 1793 (catalogue de cent numéros mais incomplet); Hossbach, Andreæ umd sein Zeitalter, Berlin, 1819.

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