Presse: Témoins de Jéhovah: le crime parfait

ÉDITORIAL / Si un groupe, religieux ou autre, faisait pression sur ses membres, disons de jeunes mères qui viennent d’accoucher, pour qu’elles entreprennent une grève de la faim au péril de leur vie, que pourrait-on faire pour l’empêcher?

 PIERRE ASSELIN / LE SOLEIL

La réponse est:

rien. Une fois que la personne a adopté ces valeurs, l’État n’a aucun recours pour l’empêcher de passer aux actes, si telle est sa « volonté ».

Les Témoins de Jehovah sont responsables de la mort d’Éloïse Dupuis. C’est leur enseignement, leur prosélytisme, leurs pressions morales qui ont créé les conditions ayant mené à ce tragique cul-de-sac et fait en sorte que la jeune mère refuse la simple transfusion sanguine qui lui aurait sauvé la vie. «La seule solution médicale qui existait pour Mme Dupuis afin de recouvrer la santé consistait à recevoir des produits sanguins…», a conclu le coroner Luc Malouin dans le rapport qu’il vient de rendre public.

La mort de cette jeune mère, qui avait toute la vie devant elle, est le crime parfait dont tout le monde se lave les mains.

Pendant qu’on déchire nos chemises sur le port d’un foulard par des employés de l’État, au nom de la neutralité religieuse, un groupe religieux peut empêcher des médecins de poser les gestes qui empêcheraient une mort aussi évitable qu’inutile. C’est absurde et aberrant.

Le rapport en décevra plusieurs, non sans raison, mais la faute n’en revient pas au coroner. Ses conclusions sont conformes à l’état actuel du droit, et pas seulement au Canada. Il ne lui revenait pas de remettre en question des droits fondamentaux, comme le droit à l’intégrité physique ou celui de refuser un traitement, qui ont été reconnus par tous les tribunaux.

Le droit à l’avortement et le droit à l’aide médicale à mourir reposent sur ces mêmes bases, et il serait irresponsable de mettre en danger ces acquis pour régler un problème créé par les croyances irrationnelles d’une organisation religieuse.

Mais devons-nous pour autant en rester là?

Une étude réalisée en 2008 aux Pays-Bas, sur la mortalité et la morbidité (complications médicales) en santé maternelle, concluait que les femmes membres des Témoins de Jehovah étaient six fois plus à risque de mourir de complications dans la grossesse ou l’accouchement que la population en général.

Et le risque devient exponentiel dans les cas où la mère se voit prescrire une transfusion sanguine. Les femmes membres des témoins de Jehovah sont 130 fois plus à risque de mourir que les autres – oui 130 fois – lorsqu’une transfusion sanguine est requise pendant un accouchement, ont constaté les auteurs.

Ce n’est sûrement pas le plan de traitement suggéré par le coroner qui va corriger un déséquilibre aussi écrasant. Il faut chercher une autre solution, sans mettre en danger les droits reconnus de la personne.

La véritable question c’est: est-ce qu’un groupe, en vertu d’un statut religieux ou autre, peut se voir conférer un droit de vie ou de mort sur ses membres?

Il faudrait peut-être faire en sorte que l’organisation qui créé un tel problème de toutes pièces soit aussi imputable pour ses conséquences. Un groupe qui véhicule de la fausse information, qui exerce des pressions morales ou psychologiques, menant à une situation qui provoque directement la mort d’une personne, devrait en répondre devant la loi.

Puisqu’on ne peut agir pour contraindre la personne qui a adopté ces croyances, il faut alors se tourner vers l’organisation qui en a fait la promotion. Cela passe par une loi et c’est le rôle des élus d’explorer cette voie. Peut-être n’est-elle pas la seule, ou la meilleure, mais on doit au moins à Éloïse Dupuis et à son enfant de faire cet exercice.

Oui, il y a bien sûr la liberté de religion, mais le droit à la vie doit prévaloir. Les morts, après tout, se voient privés de leur droit à toute religion…

Une loi ne pourrait-elle pas être envisagée si son application est limitée aux seuls cas qui obligent à choisir entre la vie et la mort? Il ne s’agit aucunement de dicter des croyances. L’État doit plutôt se donner des outils législatifs pour amener un groupe à prévoir, et promouvoir, des dérogations lorsqu’un membre est confronté à une décision entre la vie et la mort, au seul nom de ses croyances.

C’est pourtant simple. Aucun groupe ne devrait avoir le pouvoir d’exiger un sacrifice humain pour satisfaire sa foi.

www.lesoleil.com/opinions/temoins-de-jehovah-le-crime-parfait-9bf8343be454c589dd668f0a6480b09b

Presse: L’association des Travailleuses missionnaires mise en examen pour travail illégal

Par Le figaro.fr  AFP agence le 15/11/2017

L’association catholique est accusée d’avoir employé des centaines de femmes étrangères – venues d’Afrique ou d’Asie – dans ses restaurants en France en dehors de tout cadre légal. Huit plaintes ont, pour l’heure, été déposées.

L’association catholique des Travailleuses missionnaires a été mise en examen à Épinal, dans les Vosges, pour avoir employé dans des restaurants des centaines d’étrangères en dehors de tout cadre légal, a indiqué ce mercredi le parquet, confirmant une information du quotidien La Provence. L’inculpation, qui remonte au 9 novembre, porte sur l’«emploi d’étrangers démunis d’une autorisation de travail» et le «recours à personnes exerçant un travail dissimulé», a indiqué dans un communiqué le procureur de la République à Épinal, Étienne Manteaux.

Les Travailleuses missionnaires de l’Immaculée (TMI), dans le collimateur depuis plusieurs années de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), sont des «vierges chrétiennes» affectées à des restaurants de sanctuaires. Elles appartiennent à la Famille missionnaire Donum Dei (FMDD), association reconnue par le Saint-Siège et rattachée à l’ordre des grands carmes. Une enquête préliminaire avait été ouverte en octobre 2015 par le parquet d’Épinal après un signalement de l’inspection du travail visant un établissement à Domrémy-la-Pucelle, dans les Vosges.

Les investigations, conduites par l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), ont abouti au regroupement à Épinal d’autres procédures ouvertes à Lisieux, dans le Calvados, et Marseille en 2016 pour les mêmes faits.

Toutes les femmes ne souhaitent pas porter plainte

Au total, la Miviludes a comptabilisé huit plaintes, dont une émanant d’une femme décédée depuis, en 2016, à 38 ans, alors que, menacée d’expulsion, elle avait refusé d’être hospitalisée. La dernière plainte a été déposée en juillet dernier pour «exploitation d’une personne réduite en esclavage». Ces TMI, formant une main-d’œuvre recrutée très jeune au Burkina Faso, au Cameroun, au Vietnam, aux Philippines ou encore au Pérou, œuvraient le plus souvent dans des restaurants de la chaîne L’Eau vive sans être déclarées ni toucher de salaires ou de pourboires.

«C’est une association dont tous les membres, en apparence, faisaient partie d’un ordre religieux, mais cette structure n’est jamais devenue un ordre religieux», a indiqué le procureur. «Toutes les femmes entendues faisant partie de l’association ne souhaitent pas porter plainte. Le discours c’est: “On ne touche pas de salaire, on est heureuses, on donne notre vie au Seigneur”», a constaté le magistrat. L’association Aide aux victimes des dérives de mouvements religieux et à leurs familles (Avref) avait consacré à cette association un «livre noir» en 2014.

Après avoir auditionné d’anciennes TMI, la Miviludes avait relevé en 2015 «des éléments qui caractérisent la déstabilisation mentale», pointant «la diabolisation du monde extérieur, les ruptures avec l’environnement d’origine, l’absence de soins et les atteintes à l’intégrité physique».

www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/11/15/01016-20171115ARTFIG00373-l-association-des-travailleuses-missionnaires-mise-en-examen-pour-travail-illegal.php

Presse: Canada: Endoctrinement des sectes: Maltais veut une commission parlementaire

24 novembre 2017

IAN BUSSIÈRES

Le Soleil

La députée péquiste Agnès Maltais demande à la Commission des institutions de se saisir d’un mandat d’initiative sur les méthodes d’endoctrinement de sectes structurées et de leurs impacts sur leurs membres. Il s’agit d’une première étape en vue d’une éventuelle commission parlementaire sur la question.

C’est la publication du rapport du coroner Luc Malouin sur la mort d’Éloïse Dupuis, une jeune Témoin de Jéhovah décédée une semaine après son accouchement et qui avait refusé une transfusion sanguine, qui a poussé la députée de Taschereau à agir.

La lettre envoyée au vice-président de la Commission des institutions, le député de Verchères Stéphane Bergeron, mentionne précisément les membres de sectes qui sont en situation médicale d’urgence, en particulier les femmes.

Même si le Parti libéral est majoritaire à la Commission des institutions, Mme Maltais a bon espoir de réussir à convaincre une majorité des députés membres d’étudier la question en commission parlementaire. «Des Témoins de Jéhovah, d’anciens Témoins de Jéhovah, des représentants des hôpitaux et de la santé publique pourraient témoigner. L’idée, c’est de comprendre, parce que les rapports des coroners vont toujours dire que toutes les règles ont été respectées. Cependant, on est en droit de se demander à quel point un consentement est libre et volontaire quand une personne est dans une secte depuis des années et qu’elle subit des pressions», explique Mme Maltais.

La députée ajoute cependant qu’il faut aussi pouvoir aller au-delà de la question des Témoins de Jéhovah et de leurs positions concernant les transfusions sanguines. «Il y a [des sectes] où les gens se marient très jeunes, par exemple. Et si on en avait su davantage, peut-être qu’on n’aurait pas accepté une secte comme Lev Tahor (qui a fui le Canada en 2014 après des décisions des tribunaux supérieurs du Québec et de l’Ontario concernant le traitement des enfants)» résume-t-elle.

Si la Commission des institutions décide d’accepter sa demande, Agnès Maltais indique que ce sera la première fois qu’elle se penche sur la réalité des sectes. «Car il y en a, des sectes, au Québec. Est-ce qu’on peut regarder le mécanisme qui mène à l’endoctrinement?» Mme Maltais fait d’ailleurs remarquer que la question fait déjà débat dans la société, surtout depuis le décès très médiatisé d’Éloïse Dupuis. «J’interpelle les députés, car il y a un profond malaise. Les rapports des coroners nous disent toujours que les règles ont été suivies, mais, malgré tout, le malaise persiste», conclut-elle.

Rendu public la semaine dernière, le rapport du coroner Malouin déclarait que c’est de façon autonome et sans influence indue de sa communauté religieuse qu’Éloïse Dupuis avait refusé une transfusion sanguine en octobre 2016. La jeune femme de 27 ans résidente de Sainte-Marguerite, en Beauce est décédée à l’Hôtel-Dieu de Lévis une semaine plus tard.

www.lesoleil.com/actualite/endoctrinement-des-sectes-maltais-veut-une-commission-parlementaire-b31f81f04836e15f62f17bbbc6d522c2

Presse: Le Centre d’information sur les sectes plaide pour une nouvelle approche du phénomène

Belga, 24 November 2017

Il faut investir davantage dans la prévention contre les sectes, recommande le Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN) dans son rapport d’activités couvrant la période 2015-2016. Le centre plaide également pour une plus grande implication des administrations locales.
Le centre constate que la Cellule de coordination “n’a pas pu remplir sa mission légale”. Le CIAOSN recommande dès lors une nouvelle approche qui serait plus administrative que pénale. Un grand nombre de phénomènes sectaires passent en effet “sous le radar” si l’approche est “purement pénale”, poursuit le centre.
Par ailleurs, les sectes n’ont pas disparu. “Nous constatons que les groupements sont devenus plus petits”, explique Kerstine Vanderput, la nouvelle directrice du CIAOSN. Là où par le passé, l’attention se focalisait plutôt sur les groupes à l’échelon mondial et qui s’organisait comme des multinationales, il s’agit plutôt désormais d’individus qui se réunissent localement.
La lutte contre ces petits groupes est plus compliquée. S’ils échappent aux radars, ils peuvent constituer un danger. Surtout s’ils s’intéressent à la médecine.
La nomination d’un nouveau directeur en remplacement d’Eric Brasseur, fondateur du centre, s’est ainsi fait attendre. A cela s’ajoute un manque de personnel côté néerlandophone. Des solutions sont toutefois attendues, signale Kerstine Vanderput. Le centre devrait en effet bientôt recevoir le renfort de deux analystes supplémentaires.

www.rtbf.be/info/societe/detail_le-centre-d-information-sur-les-sectes-plaide-pour-une-nouvelle-approche-du-phenomene?id=9771900

 

Presse: Les «dérives sectaires» sous-«  l’œil de députés (Au Canada)

Article de: Le Soleil. 7 décembre 2017 Mis à jour le 6 décembre 2017

De JEAN-MARC SALVET

EXCLUSIF / Des députés de l’Assemblée nationale se préparent à former un groupe de travail pour se pencher sur le phénomène des sectes — ou des «groupes à dérive sectaire».

La députée péquiste Agnès Maltais et le libéral Pierre Reid réfléchissent très sérieusement à cette possibilité. D’autres élus se montrent aussi intéressés.

Le groupe pourrait se constituer formellement en début d’année prochaine.

Une réunion à huis clos a été convoquée ce mercredi sur le sujet à la demande d’Agnès Maltais. Les libéraux et péquistes présents ont discuté de la possibilité qu’une commission de l’Assemblée nationale se penche «sur les méthodes d’endoctrinement de sectes structurées» et leur impact «sur leurs membres, notamment quand ceux-ci sont en situation médicale d’urgence, en particulier les femmes». Une demande que Mme Maltais formule depuis le dévoilement le mois dernier du rapport du coroner sur le décès d’Éloïse Dupuis, membre des Témoins de Jéhovah.

C’est de cette discussion à huis clos de mercredi qu’est née l’idée de constituer un groupe de travail. Mme Maltais se dit satisfaite de l’évolution des choses et de la perspective qui s’ouvre soudainement.

«Le courant a passé», confirme de son côté Pierre Reid. Jusqu’ici, les libéraux avaient dit non à la demande de la députée de Taschereau.

Mme Maltais dit avoir changé son angle d’approche. Elle l’a élargi: «Sous couvert de liberté de religion, est-ce qu’on n’accepte pas des actes qui autrement seraient considérés illégaux?» a-t-elle soumis aux élus présents.

Ce groupe de travail formé de députés devra d’abord s’entendre sur son mandat précis, précise Pierre Reid. Il faut respecter les gens qui ont des croyances religieuses, dit-il avant d’ajouter que la réflexion à venir «dira s’il y a des choses qu’on peut réglementer».

Un long processus

À la lumière du document de réflexion qui pourrait être produit, dans plusieurs mois, l’Assemblée nationale jugera s’il convient de convoquer une commission parlementaire spéciale sur le sujet. C’est une tâche qui reviendrait à l’Assemblée nationale de la prochaine législature — celle qui naîtra des prochaines élections générales, le 1er octobre prochain.

C’est donc un long processus qui pourrait s’ouvrir. Agnès Maltais et Pierre Reid évoquent celui sur l’aide médicale à mourir. Il a duré des années. Et il a fallu de très nombreuses réunions préparatoires avant que son mandat soit circonscrit.

À l’époque, on parlait de «mourir dans la dignité». Le processus a démarré avec la présentation, par la députée Véronique Hivon, d’une résolution parlementaire en décembre 2009 et a abouti — deux gouvernements plus tard — à l’adoption d’une loi au printemps 2014.

Aucun caquiste n’était présent à la réunion de mercredi. Mme Maltais et M. Reid ne doutent toutefois pas que la Coalition avenir Québec et d’autres voudront s’associer à l’exercice.

https://www.lesoleil.com/actualite/les-derives-sectaires-sous-lil-de-deputes-21337a634cf7c9663ff36cbfdc095680

 

Presse: Le pastafarisme, fake cult et vrais enjeux

Observatoire des Religions et de la Laïcité

Auteur: Vincent Vilmain

Mercredi 24 Mai 2017

Lorsqu’en 2005, Bobby Henderson affirme dans une lettre ouverte au comité d’État à l’éducation du Kansas que l’univers a été créé par un monstre en spaghettis volant, il est sans doute loin d’imaginer que les dix millions de fidèles qu’il revendique alors constitueront douze ans plus tard une prophétie auto-réalisatrice. Présents dans le monde entier – jusque dans la Syrie en guerre –, les pastafariens constituent une communauté dont la raison d’être ne se limite pas à parodier la religion.

En 2005, un jeune professeur de physique et « citoyen préoccupé » – Bobby Henderson – se fend d’une lettre ouverte aux autorités scolaires du Kansas. Ces dernières viennent d’acter qu’en cours de biologie les théories de l’évolution, d’une part, et du dessein intelligent (intelligent design), d’autre part, seront enseignées à part égale afin de laisser l’élève exercer son libre arbitre. Dans sa lettre, Bobby Henderson présente une autre « théorie alternative » affirmant que l’univers a été créé par un monstre en spaghettis volant (MSV).

La conclusion de la missive ne laisse aucun doute sur les intentions ironiques de l’auteur: « Je pense que nous pouvons nous réjouir à l’idée qu’un jour ces trois théories aient une part de temps égale dans les cours de sciences de notre pays mais aussi du monde entier: un tiers du temps pour le dessein intelligent ; un tiers du temps pour le MSV, et un tiers du temps pour une conjecture logique fondée sur une masse écrasante de preuves irréfutables et observables ». A ce stade, le MSV n’est rien d’autre qu’une nouvelle théière de Russel. Pourtant en quelques mois, celui-ci va devenir sur Internet un véritable phénomène viral – que l’anthropologue des religions Lionel Obadia a étudié dans un des premiers articles scientifiques consacrés au pastafarisme en 2015 –, le support d’une religion parodique dont la popularité surpasse rapidement les autres « fake cults » présents sur la toile.

Si Bobby Henderson, prophète autoproclamé publie en 2006 L’Évangile du MSV, il est, semble-t-il, rapidement dépassé par l’imagination fertile des premiers pastafariens. En quelques mois, ces derniers, glosant à partir de la lettre de Bobby Henderson, construisent une cosmogonie, un enseignement et une liturgie qu’ils accompagnent d’un art parodique tout aussi original. Selon les pastafariens, le MSV a créé le monde en quatre jours et en état d’ébriété, ce qui en explique les imperfections, puis il s’est ensuite reposé trois jours. Les pastafariens « croient » en l’existence d’un monde au-delà de la mort, composé d’un paradis – des volcans de bières et des boites de strip-teasers et de strip-teaseuses en fonction des goûts de chacun-e – et d’un enfer – la même chose avec les maladies vénériennes en plus. Le MSV s’est manifesté aux hommes pour leur remettre son enseignement.

Ce sont les pirates – dont Bobby Henderson affirme dans sa lettre que le déclin sur les mers explique le réchauffement climatique – qui l’ont reçu via le capitaine Mosey, sous la forme de dix tables de la loi. Mosey en brise malencontreusement deux, ce qui laisse au pastafarisme huit commandements tous introduits par la formule: « Je préférerais que vous évitiez de… », qui témoigne de leur flexibilité. À cela s’ajoute une liturgie dotée d’un calendrier précis (Pastaover, Ramendan, Nouillel) où, pour l’essentiel, les prescriptions convient les fidèles à faire la fête en mangeant des pâtes arrosées de bière, si possible vêtus d’un costume de pirate. La passoire, utilisée comme couvre-chef, est également devenue un symbole de ralliement planétaire.

Des prières sont en outre conçues d’où émergent quelques formules rituelles plagiées à l’instar de « R-Amen » (les ramens sont des nouilles japonaises servies dans un bouillon) ou de « Puisse son appendice nouilleux vous toucher ». Internet et les nouveaux outils numériques facilitent grandement les détournements de symboles (Ichtus) et d’œuvres d’art (voûtes de la chapelle Sixtine). À noter aussi l’existence de pseudo-scissions et de tendances occultistes, les pastafariens s’amusant en particulier à placer aussi bien sur la pierre de Rosette que dans le code d’Hammourabi ou encore sur des photos du sol de Mars des représentations du MVS, attestant ainsi de son omniscience dans le temps et dans l’univers.

Le pastafarisme cible enfin les logiques de marchandisation du religieux. Sur le site lancé par Bobby Henderson, vous pouvez acheter pour 25$ un certificat de prêtrise pastafarienne ainsi que tout un arsenal de propagande (T-shirts, autocollants…). D’autres que Bobby Henderson se sont saisis de l’opportunité que présente le succès du pastafarisme pour enclencher des logiques marchandes sans doute moins parodiques. D’abord autoproduit, L’Évangile du MSV a ainsi ensuite été publié et traduit notamment en français (aux Éditions le Cherche-midi), en allemand et en japonais. Le MSV fait donc l’objet de multiples recette(s).

Pour autant, le pastafarisme n’est-il qu’une parodie virale de religion ? Sans doute pas. L’énergie déployée par les pastafariens dans leurs différents engagements, le recrutement toujours croissant et la fécondité du mouvement sur Internet et de façon croissante dans l’espace public nécessitent de porter un regard attentif à ce que cette communauté représente, y compris à travers les divergences observées dans ses différents contextes d’expression.

Si le décorum pastafarien marque largement l’imaginaire de ceux qui l’abordent, il n’en reste pas moins qu’en contexte étasunien en particulier, l’Église du MSV est au cœur d’un combat pour la promotion de la science. C’est la lutte contre le dessein intelligent et son enseignement à l’école qui est à l’origine de la lettre de Bobby Henderson et celle-ci se poursuit après 2005. Les productions pastafariennes étasuniennes continuent de parodier le scepticisme des milieux intégralistes chrétiens. Récemment, le 25 avril, Bobby Henderson, dont l’activité sur tweeter est modeste, y remerciait les participants de la marche pour la science, organisée en réaction aux propos du président Donald Trump sur les alternative facts.

La cause de la science mobilise moins dans une Europe, pour le moment encore relativement épargnée par le militantisme pro-dessein intelligent. Le pastafarisme y constitue davantage le lieu d’un athéisme joyeux et mobilisateur. Les pages facebook des différentes Églises nationales relaient et encouragent les différentes initiatives. Pourtant, si la parodie reste sur le devant de la scène, quelques réactions aux événements récents témoignent d’un positionnement bien spécifique. Ainsi le(s) responsable(s) du compte de l’Église pastafarienne de Belgique refuse-nt d’adhérer au slogan « Pray for… », largement relayé sur Internet lors des dernières attaques terroristes d’Orlando ou d’Istanbul, préférant promouvoir le slogan « Fight hateful religious ideology ». Un autre post ainsi que plusieurs réactions montrent également une focalisation plus spécifique de ces pastafariens anti-religion sur l’islam.

Cependant, la principale activité mobilisant les pastafariens du monde entier consiste à défier les relations États-religions en s’efforçant de faire reconnaître leur communauté comme culte et en en revendiquant les droits afférents. En 2011, après une longue bataille procédurière, l’Autrichien Niko Alm parvient à obtenir de l’administration de son pays le droit d’utiliser, sur ses papiers officiels, une photo d’identité où il apparaît coiffé d’une passoire. Dans la foulée, de nombreux pastafariens conquièrent ce droit aux États-Unis, en République tchèque, en Australie, etc.

En avril 2016, Karen Martyn, ministeroni de l’Église du MSV de Nouvelle-Zélande célèbre le premier mariage pastafarien ; l’union est valide au regard de l’État puisque la ministeroni est reconnue depuis février comme officiante. Le pastafarisme est reconnu comme religion en Pologne en 2014 — avant que la décision ne soit révoquée — et aux Pays-Bas en 2016. Les enjeux sont loin d’être mineurs puisque dans plusieurs pays d’Europe, le statut de religion ouvre, en fonction des contextes, la possibilité d’obtenir un statut fiscal avantageux, un accès à l’enseignement, voire un financement de l’État. Ainsi, en 2015, l’Église pastafarienne du Luxembourg, alors que le pays renégocie ses conventions avec les cultes reconnus, adresse une missive au Premier ministre du Grand-Duché. Ses dirigeants y revendiquent le statut de première religion du pays au regard du nombre de « likes » de sa page Facebook, supérieur à celui de l’Église catholique. Ils y exigent par conséquent un financement annuel de 7,5 millions d’euros – l’Église catholique obtenant chaque année 6,75 millions d’euros.

Les démarches ne sont cependant pas toujours couronnées de succès. En décembre 2016, la justice bulgare a refusé d’accorder au pastafarisme le statut de religion, dénonçant le mouvement comme délibérément antireligieux et pouvant constituer une menace pour la concorde entre religions. Quelques mois plus tôt, en avril, la cour de justice fédérale du Nebraska déboutait un prisonnier – Stephen Cavanaugh – de sa plainte contre le personnel de la prison accusé de l’empêcher de pratiquer sa religion – i.e. porter un costume de pirate et manger des pâtes. Loin de prendre l’affaire à la légère, le juge John M. Gerrard livre un jugement de seize pages qualifiant le pastafarisme de « satire à visée politique », remettant en question la sincérité de la foi de Stephen Cavanaugh et affirmant que toute fiction ne saurait revendiquer le statut de doctrine religieuse.

Les considérations du juge Gerrard pourraient probablement occuper un colloque de spécialistes en sciences des religions pendant plusieurs journées. Les pastafariens continueront certainement de porter le débat devant les instances compétentes et ces dernières trancheront, sans réduire les oppositions ; depuis la fin des années 1970, la Cour européenne des Droits de l’Homme a ainsi reconnu comme religions entre autres le druidisme, la conscience Krishna, la secte Moon, le mouvement Osho, le veganisme, le pacifisme… et la liste n’est pas exhaustive, sans faire taire les polémiques. En revanche la question des motivations de l’engagement pastafarien reste ouverte et nécessitera sans doute que des chercheur-se-s s’y attachent plus profondément dans les années à venir.

Vincent Vilmain (Université du Maine, Le Mans).

www.o-re-la.org/index.php?option=com_k2&view=item&id=1910:le-pastafarisme-fake-cult-et-vrais-enjeux&Itemid=85&lang=fr

Presse: Homéopathie: le scandale Boiron

Article repris avec autorisation de l’auteur (01/2018) Athéenuation IV (twitter: @AtheeIV)

Les laboratoires Boiron, spécialisés dans l’homéopathie, voulant éviter les effets négatifs d’une critique sur Internet et la faire taire, ont au contraire donné une résonance particulière aux propos qui les gênaient, comme souvent en pareil cas.

 



Que s’est-il passé ?

Un blogueur italien, Samuele Riva, a publié sur son site blogzero.it des propos peu amènes pour l’homéopathie et pour les laboratoires Boiron, en particulier sur son produit Oscillococcinum, vendu en masse pour contrer les « états grippaux » avec force publicité télévisée. C’est bientôt la rentrée, vous n’échapperez pas à ces charmants petits spots: « aussitôt oscillo » ! Riva disait en substance sur son blog:

« Il n’y a aucune molécule active dans le produit »
« L’homéopathie est une insulte à l’intelligence»

Ces propos n’ont pas plu aux labos susnommés, qui se sont fendus d’un courrier rageur et menaçant parlant de diffamation, exerçant des pressions sur l’hébergeur pour qu’il supprime le blog. Rappelons qu’ils y a diffamation si les propos incriminés sont infondés. Ces pressions sont un scandale que je dénonce ici, car malheureusement pour Boiron, les propos en question de Riva sont non seulement parfaitement justifiés, mais encore bien en dessous de la réalité. Voyons pourquoi.

L’homéopathie c’est quoi ?

Pour la plupart des gens, les produits homéopathiques sont des « médicaments à base de plante », « produits naturels », ce qui est totalement faux. De plus ils sont vendus en pharmacie, et même en partie remboursés pour certains par l’assurance maladie. Dans ces conditions et avec ces cautions, pourquoi douter de leur sérieux ?

En réalité, ces médicaments n’en sont pas: ils sont totalement inefficaces, ce qui n’a rien de surprenant puisqu’ils ne contiennent absolument rien. Bien sûr, il ne faut pas compter sur les laboratoires comme Boiron pour diffuser ce genre d’information, qui risquerait de mettre à mal leur très juteux business, consistant principalement à vendre de la poudre de perlimpinpin.

Ça vous semble outrancier ? C’est que vous ne savez pas ce qu’est vraiment l’homéopathie. Alors accrochez-vous au pinceau et lisez la suite, je vous assure que ça en vaut la peine.

L’homéopathie ça vient d’où ?

Les produits homéopathiques ont été inventés par un certain Hahnemann, né en 1755, selon le principe du « soigner le mal par le mal ». Ce principe est souvent nommé « loi de similitude ». Il consiste à administrer au malade, en petite quantité, une substance qui produit les mêmes symptômes que la maladie à soigner, ce qui devrait soigner le mal à la source. Et pour éviter tout problème prévisible d’empoisonnement, Hahnemann a prévu de diluer la substance « active », et même, tant qu’à faire, à la diluer beaucoup, car plus grande serait la dilution, plus actif serait le médicament obtenu !

Poser ces hypothèses, pourquoi pas ? Toute hypothèse, aussi farfelue soit-elle, peut-être formulée. Le tout est ensuite de la confronter correctement à la réalité afin de la valider ou de l’infirmer. Sinon, vous, moi, n’importe qui, peut proclamer avoir inventé un nouveau médicament miracle et le faire gober aux personnes crédules moyennant finances. N’oublions jamais qu’un esprit ouvert c’est bien, mais que cela doit toujours s’accompagner d’esprit critique, si l’on ne veut pas se faire bouffer tout cru par le premier charlatan venu.

Malheureusement, comme cela a trop souvent été le cas en matière de médecine jusqu’au milieu du vingtième siècle, poser le principe de l’homéopathie, c’est le rendre « vrai », au sens performatif du terme. Dites n’importe quoi, mais dites-le avec assurance: voilà la clé du succès ! Donc de validation, point. Pourquoi faire ? Quelques expérimentations faites sur lui-même par Hahnemann lui suffirent pour conclure hâtivement à l’efficacité du procédé, ce dont on pouvait se douter. Sûr de lui, il réussit ensuite à convaincre d’autres personnes. Il donne le nom de « lois » à ses inventions, et cela fait, par enchantement, que ces lois existent. Ces prétendues « lois » donc, inventées il y a 200 ans, bien qu’elles ne soient étayées ni confirmées par strictement rien de probant, contraires à toutes nos connaissances actuelles en physique et en biologie, président encore maintenant à la production et la vente de millions de « médicaments ».

La dilution extrême

Tout élève de lycée le sait bien, la matière, formée de molécules et d’atomes, n’est pas infiniment sécable. Cela veut dire qu’au-delà d’un certain taux de dilution, la probabilité pour qu’il reste dans le résultat de cette dilution une seule malheureuse molécule de la substance initiale devient très, mais alors vraiment très proche de 0. Cela découle de la loi d’Avogadro, loi qui n’a rien d’imaginaire, elle.

Jetez dans la mer à Brest un dé à coudre de votre substance, disons de l’arsenic, laissez s’écouler quelques mois pour un bon mélange, puis sautez dans un avion pour aller prélever un nouveau dé à coudre d’eau de mer en Nouvelle Zélande. Vous obtiendrez alors une dilution d’environ 12CH (voir plus loin), c’est à dire sensée être encore des milliards de fois plus concentrée que certaines utilisées par Boiron.

Reprenons le cas d’Oscillococcinum. La dilution est ici de 200K. Le K, ou le CH, c’est à dire Centésimale Hahnemannienne, presque identique, correspondent au type et degré de dilution. 1CH signifie que le principe actif est dilué 100 fois, c’est à dire un volume de cette substance dans 100 volumes d’excipient, généralement de l’eau. On fait une petite agitation spéciale (on dit une succussion dans le rite de la magie homéopathique inventée par Hahnemann), essentielle puisqu’elle conditionne la réussite de la préparation en la “dynamisant”, puis on prélève un volume du résultat. Et on recommence, pour obtenir 2CH, 3CH, etc. Dans le cas du 200CH ou 200K, on procède donc successivement à 200 fois cette opération.

Pour comprendre pourquoi cette technique vaut vraiment son pesant de cacahouètes, imaginons un volume initial de 1 cm3 d’arsenic. 1CH correspond donc à une dilution d’un centième: un cm3 d’arsenic pour 99 cm3 d’eau. 2CH correspond maintenant à un centième de centième, soit un dix-millième. A 3CH, on arrive déjà à un millionième, c’est à dire, si on le faisait en une seule opération, la dilution de notre cm3 initial d’arsenic dans un mètre cube d’eau. Ça reste encore raisonnable.

Mais comme vous le voyez, cela progresse très vite: 4CH, c’est un cm3 dans 100m3 d’eau, une bonne piscine… 5CH, dans 10000m3 d’eau, un beau petit lac… continuons… A 12CH, on arrive grosso-modo au volume total des océans terrestres…

Un petit calcul simple montre alors que le résultat final pour 200CH est identique à celui que vous obtiendriez en diluant 1cm3 d’arsenic dans un volume d’eau de 100x100x100x…x100 cm3 (avec cette multiplication faite 200 fois), soit 100 puissance 200 cm3, soit encore 10 puissance 400 (c’est à dire un 1 suivi de 400 zéros). Les mots me manquent pour commencer à rendre intelligible le volume d’eau que cela représente. Même exprimé en milliards de milliards d’années-lumière au cube (donc un cube dont l’arrête correspond à la distance parcourue par la lumière dans le vide en un milliard de milliards d’années, l’univers je le rappelle n’étant vieux que de 15 milliards d’années environ), le nombre s’écrirait encore avec une suite d’environ 300 chiffres… Ça fait quand même beaucoup d’eau pour diluer notre petit cm3 initial ! Notre préparation à 200K ou 200CH est cependant sensée être diluée à ce degré absolument pharamineux, tel que vous êtes absolument certain que votre prélèvement final ne contient aucune trace de votre ridicule petit cm3 initial. En réalité, avec Avogadro, le calcul montre qu’il n’y a plus rien du tout à partir de 12CH !

Conclusion: vous avez beaucoup plus de chances de gagner 50 semaines de suite à l’euromillion, que de trouver une seule molécule de principe actif dans l’Oscillococcinum 200K des laboratoires Boiron.

Mais au fait, c’est quoi le principe actif d’Oscillococcinum ?

Si vous n’êtes pas encore tombé de votre chaise, tenez-vous bien ! Car ce principe actif, c’est encore une pure invention, cette fois-ci d’un dénommé Joseph Roy, né en 1891. Ce monsieur voyait un microbe, qu’il a baptisé l’oscillocoque, absolument partout. Comme ces microbes étaient selon lui responsables de la grippe (mais aussi du cancer et d’une foule d’autres choses), il imagina donc de créer des préparations homéopathiques à partir, pourquoi pas, d’extraits de foie de canard de Barbarie, sensé en contenir. Pour quelle raison du foie de canard de Barbarie ? Mystère total. Personne ne le sait, ni ne s’en inquiète d’ailleurs. Une touche glamour peut-être, c’est important pour le marketing. Ou bien probablement Monsieur Roy avait-il sous la main ce jour d’illumination un foie de canard de Barbarie ? Allez savoir ! Et voilà, c’est la recette que continue de suivre Boiron. Mais il y a beaucoup mieux: ce fameux microbe, l’oscillocoque, qui vous l’avez compris donne son nom à Oscillococcinum, est absolument inconnu au bataillon ! Aucun bactériologiste ne l’a jamais vu ! Car Roy, évidemment, était complètement à côté de la plaque… Et comme ce microbe n’existe pas, il faut se lever de bonne heure pour en trouver dans du foie de canard, fut-il de Barbarie.

Oscillococcinum, qu’on le dise en latin ou dans n’importe quelle langue, ça n’existe pas !

Aussi totalement grotesque que cela paraisse, Oscillococcinum est donc une préparation faite à partir d’un principe actif complètement imaginaire, et tellement dilué que même s’il existait il ne pourrait plus en rester de toute façon ! Du « rien » dilué jusqu’à ce qu’il disparaisse, on pourrait appeler ça du « rien de rien »…

Et pourtant, d’après Boiron, ce produit agit pour lutter contre les « états grippaux ». Comment diantre est-ce possible ? Essayons d’être un peu logique…

1) L’hypothèse du foie de canard

Rappelons que ce produit est sensé agir selon les prétendues lois Hahnemanniennes, c’est à dire: similitude et haute dilution. Or on l’a vu, le principe actif de départ, l’oscillocoque, qui a haute dose devrait provoquer les symptômes grippaux, n’existe pas. On part donc d’une dilution de foie de canard vierge de toute contamination microbienne (il faut noter que, quand bien même l’oscillocoque existerait, Boiron ne pourrait partir d’un échantillon contaminé pour sa préparation: il faudrait pour cela une procédure d’autorisation du produit bien plus compliquée, comme pour les vaccins).

On pourrait donc considérer que c’est bien le foie de canard lui-même qui constitue le principe actif de départ. Mais dans ce cas, quid du principe de similitude ? Personnellement, le foie de canard, même à haute dose, ne m’a jamais provoqué de symptômes grippaux…  Mais peut-être est-ce le cas pour Monsieur Boiron ?
Bon, soyons honnête: le foie de canard que l’on déguste à Noël n’a pas grand chose à voir avec celui utilisé par Boiron, puisque ce dernier est en autolyse, c’est à dire qu’on le laisse se décomposer entièrement, et ce pendant 40 jours. Du foie de canard pourri, quoi.

2) L’hypothèse du médicament intentionnel

Il est bien sûr possible d’imaginer un nombre infini de produits comme Oscillococcinum: il suffit de choisir n’importe quel substance ou combinaison de substance dans la nature, puis de lui appliquer un nombre variable de traitements et de dilutions.

De la même manière, les symptômes grippaux constituent un simple échantillon parmi des milliers de symptômes potentiels recensés par la médecine.

Il faut donc constater que si Roy a effectivement « découvert » un médicament comme l’oscillococcinum qui fonctionne, il a eu beaucoup de chance: reposant sur une hypothèse fausse (l’existence de l’oscillocoque), ce produit a pour ainsi dire été conçu « par hasard », comme « tiré au sort » parmi des milliards de combinaisons possibles. Que ce produit s’avère ensuite efficace pile poil contre le mal ciblé au départ, commeRoy le conclut rapidement, voilà qui tient du miracle !

La raison se rebelle devant ce qui semble une si incroyable coïncidence. C’est pourquoi il faut aller plus loin.

On peut faire l’hypothèse d’une aide divine apportée à Roy: Dieu dans sa grande bonté aurait orienté Roy sur la voie de sa découverte, en faisant de fait une « eau de Lourdes », une « onction sainte ».

Pour ma part je propose aux homéopathes et à Boiron une autre explication: celle du médicament intentionnel. La voici: ce qui transforme Oscillococcinum de « rien » en médicament, pourrait être « l’intention » avec laquelle ce produit est fabriqué. Cette « intention », présente dans l’esprit du concepteur et du préparateur du médicament, imprègnerait les énergies sous-jacentes du substrat de dilution qui la mémoriserait grâce à des états quantiques dynamisés par les succussions du produit, puis la restituerait en agissant là aussi sur les états quantiques macroscopiques impliqués dans l’état de santé général du patient. Ainsi, le bruit fond quantique serait dirigé vers la cible, expliquant ainsi l’extraordinaire adéquation entre le produit et son action ciblée. Plausible, non ?

Conclusion définitive sur Oscillococcinum

Si à ce stade, concernant Oscillococcinum, votre esprit critique n’allume pas une grosse lampe rouge clignotante, c’est que vous n’en avez pas. Bonne nouvelle: vous pouvez aussi vous faire soigner par imposition des mains, par réflexologie plantaire, ou toute autre patalogie disponible à foison, cela fonctionnera sur vous sans aucun problème !

Avec ce produit on est, au mieux dans la magie et l’obscurantisme de bas étage, au pire dans l’escroquerie pure et simple. Dans les deux cas, ce produit est bel et bien une incroyable insulte à l’intelligence, comme le disait Riva. Sauf peut-être à l’intelligence commerciale, car pour fourguer ainsi de “l’inexistant imaginaire” à des millions de gens qui en redemandent, il faut quand même être fort, à défaut d’être honnête.

L’honnêteté voudrait que pareil élixir soit rejeté par les homéopathes eux-mêmes, puisqu’il ne cadre même pas avec leur doctrine. Mais pas du tout, bien au contraire. On se pince en lisant les propos effarants de tel homéopathe, qui prétend faire de cette soupe magique, attention accrochez-vous: “le chef de file de nouveaux remèdes élaborés sur le même modèle, pour lutter par une quelconque voie interféron-like plus spécifiquement contre d’autres maladies virales, hépatite, sida et certains cancers, et selon les dosages utilisés, favoriser une action activatrice ou inhibitrice des mécanismes immunitaires, ceci dans une optique curative ou préventive“. Là, on comprend vraiment que c’est grave, docteur.

Bien que l’Oscillococcinum soit fabriqué de manière totalement farfelue, gardons « l’esprit ouvert », comme disent les homéopathes, et demandons-nous si cela fonctionne quand même ? Eh bien non. Aucune étude indépendante sur le sujet ne montre un quelconque gain statistique de santé chez ceux qui en prennent comparé à ceux qui n’en prennent pas. Voilà par exemple, en termes nuancés comme à l’habitude, ce qu’en a conclu un article publiée dans la Cochrane Database en 2009 à partir des résultats de sept études:

« Les données ne sont pas suffisamment solides pour faire des recommandations générales sur une utilisation d’oscillococcinum pour traiter la grippe ni les syndromes de type grippal. Les preuves actuelles ne confirment pas d’effet préventif des produits homéopathiques de type oscillococcinum . »

Résumons: Oscillococcinum est constitué de « rien » extrêmenet dilué, et ne fonctionne pas. Comment appelle-t-on habituellement ce genre de produit ?

C’est pour avoir écrit sur ces faits bien connus (que bien sûr je ne fais que relayer ici, tellement ils sont déjà très abondamment commentés) que Boiron voudrait inquiéter ce blogueur italien, ne réussissant qu’à décupler la fréquentation de son blog. Remarquez, un chiffre d’affaire de plus de 500 millions d’euros avec des produits imaginaires, ça vaut le coup d’être défendu.

Argument de Boiron: cela marche, donc il y a des processus physiques encore inconnus à l’œuvre ?

Boiron, qui ne pousse pas la cuistrerie jusqu’à remettre en cause la loi physique d’Avogadro, et qui est donc bien obligé d’admettre l’absence de tout principe actif dans ses préparations, ne rend pas les armes pour autant. Le labo, qui pose contre toute raison comme vérité de départ que ses produits sont efficaces, est à l’affût de tout semblant d’explication qui rendrait plausible le fonctionnement de médicaments réduits à du simple sucre. Tout y passe: énergies vitales imaginaires, magnétisation, mémorisation du passage du principe actif par l’excipient, et autres billevesées encore et toujours invalidées par des expérimentations indépendantes. Il n’y a pas limite à l’imagination délirante des chercheurs marrons financés par Boiron, qui sont engagés dans une fuite en avant épuisante pour tout le monde. Hélas, à ce petit jeu, les scientifiques risquent fort de se lasser avant Boiron, qui lui a tout intérêt à prolonger la plaisanterie aussi longtemps que possible !

Mais le problème n’est pas là: car pourquoi vouloir trouver une explication à une action qui n’existe tout simplement pas ? Les expérimentations l’ont montré: les médicaments homéopathiques ne sont pas plus efficaces que des placebos « officiels »… Que du sucre, préparé selon une obscure tambouille imaginée à l’époque des saignées, ne soigne pas du tout, cela vous étonne vous ? Moi pas.

Mais vous me direz, si leurs produits se vendent, c’est que leurs clients en sont contents, non ?

Effectivement, certains patients, pas tous loin de là, sont satisfaits de l’homéopathie. Car l’homéopathie fonctionne exactement comme la radiesthésie, l’auriculothérapie, l’acupuncture, la chiropraxie, la psychanalyse, la magnétothérapie, la réflexologie, l’aromathérapie, le shiatsu et certainement quelques autres que j’oublie. Toutes ces pseudo médecines, toutes plus loufoques les unes que les autres dès lors qu’on observe de près leurs prémisses fondamentaux, souvent inventées en des temps obscurs par un père fondateur totalement dénué de méthode scientifique et même de connaissances médicales, opèrent quelques fois, et ce grâce à la suggestion. Dès lors que vous désirez être soigné, que le médecin en qui vous avez toute confiance vous donne un médicament en vous regardant droit dans les yeux, et en vous disant avec assurance « ceci va vous faire du bien », votre propre organisme, dopé par un regain d’optimisme salvateur, va faire tout le travail, à condition bien sûr d’y croire et surtout, surtout… que vous ne soyez pas trop malade ! L’homéopathie est une médecine pour gens bien portants, qui ne supportent pas de sortir du cabinet de leur médecin sans au moins quelques prescriptions médicamenteuses rassurantes… Et cet effet de guérison par suggestion porte un nom déjà cité: l’effet placebo.

Le placebo est le mètre-étalon du médicament dans les études menées de manière impartiale. Ces études sont assez compliquées, car il faut s’assurer de n’introduire aucun biais dans les résultats, dus par exemple aux convictions préexistantes des expérimentateurs (on comprend que des études bâclées faites sur soi-même, comme celles d’Hahnemann, n’aient strictement aucune valeur). Que votre produit ait alors une efficacité sensiblement supérieure statistiquement à un pur placebo utilisé en comparaison, et c’est le jackpot ! Qu’on soit proche du placebo au contraire, et c’est le flop. Car aussi étonnant que cela paraisse, quoi que vous donniez aux patients pour les soigner, il s’en trouvera toujours pour trouver que c’est efficace, et même beaucoup: environ 35 % en moyenne, jusqu’à 50 % parfois ! Pourcentage qui ne doit d’ailleurs pas être bien loin de celui des satisfaits de l’homéopathie, allez chercher pourquoi je dis ça… Attention, on parle évidemment ici de petites affections comme un rhume, et non de pathologie grave. En tout cas, impossible de se baser sur le témoignage de quelques personnes satisfaites pour conclure à l’efficacité d’un médicament quel qu’il soit.

Hélas pour Boiron, non seulement aucune étude sérieuse ne vient montrer une quelconque efficacité de l’homéopathie comparée aux placebos, mais c’est même exactement le contraire. Toutes les études effectuées indépendamment des laboratoires homéopathiques concluent immanquablement à l’égalité d’efficacité des produits homéopathiques avec des placebos. Les études commandées par les labos, elles, soit sont entachées d’erreur, de mauvais protocole, ou même de tricherie, et ne sont pas reproductibles ; soit elles sont carrément non publiées, les résultats n’étant pas ceux escomptés. Autrement dit, ces produits homéopathiques ne sont ni plus ni moins efficaces que les simples morceaux de sucre qu’ils sont d’ailleurs.

Découvre-t-on aujourd’hui cette situation ? Pas du tout: elle était déjà vigoureusement dénoncée en 1860 par le pharmacien inspecteur Poggiale dans un discours:

“Si vous, hommes éclairés, vous n’opposez pas une digue à ces théories incroyables, telles que celles d’Hahnemann, sur les effets des médicaments, je ne crains pas de le dire devant les médecins les plus illustres de l’Europe, la médecine sera avant peu la plus arriérée des sciences naturelles.”

L’homéopathie n’est donc finalement, pour le dire vite, qu’une vaste fumisterie, et voilà selon moi un autre scandale: la survivance anachronique à notre époque de cette patalogie et surtout des laboratoires Boiron eux-mêmes. Le fait que Boiron existe encore aujourd’hui et vende autant de produits homéopathiques montre dans quel état désastreux se trouve la recherche médicamenteuse et surtout la rationalité des méthodes de soin: on se moque aujourd’hui des clystères et saignées de l’époque de Molière ? Il ne faut pourtant pas chercher bien loin d’aussi misérables arriérations.

Un argumentaire typique des pires charlatanismes

Comme souvent dans les logiques charlatanesques bien huilées, le discours est rôdé, bien appuyé sur deux solides pivots:

1) Les produits sont très dilués, donc ne peuvent pas être dangereux: pas besoin donc d’autorisation compliquée de mise sur le marché. Ça on veut bien le croire, car si le « rien » était dangereux, ne parlons pas du « quelque chose » ! D’ailleurs on ne fait pas toute une histoire habituellement pour vendre du sucre…

2) Cependant, même dilués et non dangereux, les produits agissent quand même. Avec quelles preuves ? Là, aucune, il faut croire sur parole les affirmations des homéopathes. Et ils agissent comment ? Mais pourquoi poser cette question, on vous dit que ça agit, que voulez-vous de plus ?

Mais alors, s’ils agissent quand même, ils peuvent certainement agir autant en mal qu’en bien, non ? Ah non. Là encore, par la grâce de l’affirmation homéopathe, ils n’agissent qu’en bien, pour soigner pile poil votre petit bobo, donc sans effet secondaire. C’est comme ça. De preuve, aucun besoin: puisqu’on vous le dit que ça marche. Les preuves, c’est seulement pour les “fermés d’esprit”, les “obtus”, comprenez: ceux qu’on ne prend pas si facilement pour des gogos.

A écouter Boiron et les homéopathes, les « médicaments » homéopathiques constitueraient donc le graal de la médecine: ils ne sont pas toxiques même en quantité importante (il m’arrive pour rire de sucrer mon café avec un tube entier de granules), ils soignent exactement là où ça ne va pas (quand on y pense, les molécules, même absentes, sont quand même très fortes, à croire qu’elles sont téléguidées par l’esprit du patient, ou par « l’intention » du préparateur,  à moins qu’elles ne soient douées d’intelligence ?), et ils ne provoquent pas d’autre effet que celui désiré. On est plus près des potions d’Harry Potter que des découvertes de Pasteur ou Flemming !

Bien sûr tout est dans la suggestion du patient et dans sa relation avec le médecin. On entend dire que plus celui-ci est chaleureux, plus ses prescriptions sont efficaces ! Après tout pourquoi pas, mais pourquoi ne pas utiliser ces leviers puissants que permettraient peut-être la psychologie utilisée de manière transparente et honnête, plutôt qu’enrobés sous des faux-semblants magiques, et offrir une rente indue à Boiron et autres charlatans ?

On voit qu’on est dans un système de croyance typique, où tout repose sur la foi, autrement dit la crédulité, pour faire agir la suggestion salvatrice, et où les détracteurs doivent être soigneusement écartés (ce sont tous des esprits obtus à la solde de l’establishment pharmacologique). Sans parler de religion, on est très proche des dérives reprochées aux diverses sectes comme la scientologie, pour lesquelles les médecines dites douces constituent un formidable terrain de jeu, car la première qualité d’un adepte de secte, c’est d’être très crédule. Hélas, ce n’est pas en réduisant les moyens de la Mivilude, comme ce fut fait récemment, qu’on s’attaquera au problème.

Pourtant, quand on veut s’attaquer à un problème, on sait le faire. Souvenez-vous récemment du ménage effectué dans les fausses “allégations de santé” de divers produits alimentaires par la communauté européenne. On a bien été capable, là, de mettre fin à toute une série de charlatanismes commises pendant longtemps en toute impunité. Il est vrai que la même méthode appliquée aux produits Boiron, et c’est la fermeture immédiate…

Pourquoi une telle survivance ? Oh les raisons ne manquent pas…

Des patients rassurés par le médicament

Il faut convenir qu’il y a chez les patients, en même temps qu’un désir de soin, une demande pour une médecine sensée être moins agressive. D’où le florissant marché des médecines “douces”, qui doivent vous soigner efficacement mais sans vous faire de mal par ailleurs. Pour cela l’homéopathie semble parfaite: à chaque petite bobologie, elle apporte une réponse, sous forme de petites granules faciles à prendre et peu coûteuses. De plus, tout le monde le dit, ce n’est pas dangereux, et pour cause… Pour couronner le tout, ces préparations portent de jolis noms latins, du plus bel effet: il suffit au médecin de dire le nom du médicament au patient pour qu’il commence à agir ! Vous avez dit Molière ?

Cette idée est bien sûr séduisante, mais c’est hélas une utopie. On ne sait toujours pas, aujourd’hui, créer le médicament parfait, c’est à dire ayant une réelle action exclusivement positive et totalement dépourvu d’effet secondaire. C’est hélas un mythe, aussi inaccessible que la Toison d’Or, et ceux qui prétendent fournir ce mythe, ils sont légions, sont des charlatans qui abusent de la crédulité des patients. Si les produits homéopathiques n’ont pas d’effet secondaire, c’est parce qu’ils n’en ont pas plus de primaire. C’est pourquoi la meilleure alternative aux pseudo-médicaments homéopathiques ou autres est encore de ne rien utiliser du tout ! Car ces produits ne “soignent” de toute manière que des affections qui guérissent toutes seules, ou pour lesquelles on ne connaît aucun autre vrai remède…

De la même manière qu’on apprend aux patients que les antibiotiques, ce n’est pas automatique, il faudrait leur apprendre que parfois, il n’y a tout simplement pas de médicament efficace contre telle ou telle affection. Que l’on peut donc sortir de chez son médecin sans une ordonnance longue comme le bras, et que cela ne signifie pas que ce médecin est nul, mais simplement honnête: aucun médicament ne vous fera guérir plus vite. Pas besoin donc de courir chez un autre plus compréhensif qui, lui, vous fournira complaisamment la rassurante liste de produits attendue. Produits qui, s’ils sont homéopathiques, guériront en huit jours ce qui se guérit tout seul en une semaine.

Mais rien n’y fait, il faut du médicament, encore et toujours, même s’il n’y a rien dedans. Les adeptes de l’homéopathie crient à l’insulte lorsque l’on prononce le (gros) mot placebo. Pourtant personne ne remet en cause cet effet puissant et bien connu. Oui mais voilà: que cela marche chez le voisin, peut-être, mais chez moi, jamais de la vie ! Pour une raison toute simple: si on me prescrit un médicament, cela prouve que je suis vraiment malade. Or je veux que la planète entière sache, accepte, reconnaisse que je suis malade. Impossible d’admettre que tout se passe dans ma tête… Donc, si mon médecin me prescrit un médicament pour soigner un banal rhume, qu’importe que celui-ci guérisse tout seul en deux jours, la guérison est forcément le résultat de la prise de médicament, parce que je suis vraiment malade !

Si cela est aussi vrai pour beaucoup de médicaments non homéopathiques plus ou moins efficaces qui mériteraient parfois un bon coup de balai, cela l’est en tout cas pour tous les produits homéopathiques à haute dilution. Que la pommade d’arnica de Boiron agisse par le seul effet du massage, mais sûrement pas grâce à la quantité plus qu’infinitésimale d’arnica qu’elle contient, voilà une chose toute simple à comprendre mais manifestement hors de la portée intellectuelle de beaucoup de gens.

Le consumérisme médical a atteint un tel point aujourd’hui que beaucoup sont convaincus qu’il existe un médicament tout prêt sur l’étagère du pharmacien quelle que soit leur affection. Cette illusion, entretenue par les politiques commerciales de tous les labos pharmaceutiques dans le domaine de la bobologie (allez voir les pubs affichées dans une pharmacie !), trouve hélas vite ses limites. Si l’on prend l’exemple de l’Oscillococcinum, on serait bien en peine de produire un médicament ayant réellement les mêmes effets qu’annoncés, c’est à dire prévenir ou guérir les “états grippaux”, libellé d’ailleurs volontairement flou. Mais prendre un produit, même pas du tout actif, reste plus rassurant que ne rien prendre du tout…

Réduire les abus ne peut donc passer que par l’édification des patients, qui doivent être à même de comprendre la nature de ce qu’ils avalent et comment cela fonctionne. Sinon, pourquoi la majorité rejette-t-elle comme absurde la médecine maraboutique et accepte-t-elle d’autres incongruités comme l’homéopathie ? Trop compliqué pour la plupart des gens ? Vision pessimiste: quand on voit comment les mêmes s’intéressent au fonctionnement de leur voiture, téléphone portable, ordinateur ou autre objet techno, on se dit qu’avec quelques efforts minimes ces gens seraient tout aussi capables de comprendre le B-A-BA de ce qui les soigne.

Un business très lucratif qu’il faut protéger à tout prix

Un business comme celui-là, arrivé à une aussi grande échelle, s’auto-entretient. Un argument facile est en effet de dire: regardez le nombre de personnes satisfaites de ces médicaments, c’est pas une preuve ça ? Preuve de l’importance de l’effet placebo, en fait. Et le nombre de pharmacies affichant crânement « homéopathie » sur la devanture, avec d’ailleurs généralement du matériel marketing fourni par Boiron, c’est pas non plus une preuve ? Pourtant, n’importe quel pharmacien digne de ce nom sait parfaitement qu’en vendant de l’homéopathie, il vend du placebo sans en informer le client. Est-ce vraiment déontologique ? Pas sûr, mais lucratif ça oui.

Ensuite, sachant que Boiron, le plus gros labo homéopathique au monde, est français, et exporte une bonne partie de sa production, quelle est la meilleure conduite à tenir pour les autorités française ? Détruire ce business en le discréditant, ou bien le soutenir en continuant à rembourser ses médicaments, afin d’offrir un argument en or en dehors du pays: « regardez, en France, nos médicament sont remboursés par la Sécu, c’est pas une preuve de sérieux, ça ? » Que ne ferait-on pas pour soutenir notre balance commerciale… Comme c’est hélas souvent le cas en matière de santé publique, le pragmatisme économique prévaut. Rien donc à attendre du côté des autorités sanitaires, qui se discréditent depuis des années par leur silence complaisant sur ce dossier et sur d’autres pour des raisons purement politiques. Pire: les préparations homéopathiques sont dispensées d’Autorisation de Mise sur le Marché, une simple déclaration suffit. Aucun besoin donc de prouver que la préparation est efficace ! Cette procédure d’exception n’est ni plus ni moins que de la complicité de charlatanisme, et cela dure depuis la publication d’un decret de 1948 s’appuyant sur une loi de 1941, promulguée donc par le régime de Vichy !

Il faut quand même mettre au crédit de l’homéopathie, et c’est un argument souvent avancé en sa faveur, que ces produits ne coûtent pas très cher (ce serait un comble étant donné leur contenu). Donc, quitte à rembourser de pseudo-médicaments pour ceux qui ne peuvent pas s’en passer, autant que ce soit des placebos pas chers produits en France, plutôt que des placebos chers produits ailleurs… Effet pervers en retour: ces produits risquent de devenir les médicaments du patient pauvre ou non averti, ne disposant pas des moyens d’acheter des produits réellement efficaces, ou n’ayant pas de recul intellectuel critique face à la réalité homéopathique. C’est exactement ce qui s’est passé en Afrique, où l’homéopathie a été utilisée pour soigner le SIDA, avec les résultats absolument calamiteux qu’on imagine facilement.

Cependant cet âge d’or international pourrait bien avoir une fin proche, car le vent tourne. Des class-actions aux Etats Unis de clients qui se découvrent floués par Oscillococcinum, des procès au Japon suite à des morts, le scandale de l’utilisation de l’homéopathie contre le SIDA en Afrique, une rébellion de l’Association Médicale Britannique, une complaisance moindre de l’OMS, un recul généralisé des ventes dans le monde entier, tout cela sent fortement le roussi pour Boiron.

Nul doute que, protégé par les autorités françaises, Boiron le sera moins par les autorités européennes, qui tôt ou tard donneront un coup de pied dans la fourmilière. Je n’ose pas imaginer les sommes dépensées par Boiron en lobying à Bruxelles et à Strasbourg pour retarder l’inéluctable…

Car enfin, il faut aussi être conscient que Boiron, incapable de justifier ses produits par des études scientifiques sérieuses à l’instar des autres produits médicamenteux, compense cette faiblesse par une machine de guerre juridique visant à faire taire toute voix discordante pouvant troubler leurs ventes de granules magiques et à influer sur les décisions sanitaires qui les concernent. A défaut de chercheurs sérieux et qui trouvent, on paie des avocats qui attaquent.

Tiens au fait, serai-je attaqué à mon tour ? Je n’ose en rêver. Je voudrais bien, et beaucoup d’autres gens avec moi, voir Boiron prouver le caractère diffamatoire de mes propos tenus ici devant un tribunal, tous ces faits étant bien connus et facilement démontrables. Mais Boiron ne commettrait pas l’insigne erreur d’aller devant un tribunal où il perdrait à coup sûr: il préfère probablement utiliser ses moyens financiers considérables à intimider, influencer, soudoyer, diffamer, discréditer: c’est bien plus efficace.

Une poule aux œufs d’or pour les pharmaciens

Le métier de pharmacien de ville est avant tout un métier de vendeur. Certes il faut les connaissances de base, mais les jeunes diplômés qui veulent se faire embaucher dans une officine sont bien souvent sélectionnés sur leurs connaissances des gammes de produits de parapharmacie comme Yves Rocher ou autre Roche Posay, bien plus lucratifs, que sur la posologie ou les interactions des médicaments. Boiron constitue bien sûr l’un de ces gisements aurifères pharmaceutiques.

Si vous allez voir votre pharmacien pour lui demander conseil concernant un petit problème de santé bénin, que croyez-vous qu’il va faire ? Vous vendre un produit, quel qu’il soit. Essayer donc de sortir de la pharmacie sans rien acheter pour voir ! Mais peut-on reprocher à un vendeur de vendre quelque chose plutôt que rien ?

Et si votre affection n’est pas sérieuse, s’il n’existe pas grand-chose d’autre parce que ça ne se soigne pas vraiment et que ça guérit tout seul, vous aurez probablement droit à votre produit homéopathique. Le pharmacien ne risque absolument rien (vous ne pourrez jamais vous suicider avec un produit homéopathique, ni même vous surdoser, encore moins provoquer une interaction néfaste), et c’est toujours ça de pris dans le tiroir-caisse…

Evidemment, bien que cela soit de notoriété publique, hors de question de reconnaître publiquement que l’homéopathie n’est que du placebo, car alors sa vente ne serait plus autorisée par la déontologie. Un pharmacien dira donc toujours que cela « agit », ce qui est justement ce que veulent entendre les clients.

Des médias complices

On aurait du mal à trouver un média grand public qui aborderait de front le problème de l’homéopathie avec le courage nécessaire: sujet trop polémique qui heurterait le lectorat et le ferait fuir. Pire, l’homéopathie est souvent présentée comme une réalité évidente et incontournable dans la plupart des magazines, qui souvent, il est vrai, ne font pas non plus la fine bouche devant l’astrologie et autres fines fleurs intellectuelles. Après-tout ces magazines ne sont pas là pour faire l’éducation des lecteurs, mais pour vendre la soupe qui s’achète.

Même une revue de vulgarisation scientifique comme “Science et Vie”, un temps fer de lance de l’information sur la réalité homéopathique, semble avoir baissé les bras…

Gageons également que les millions de Boiron et son service juridique ne soient pas de nature à encourager une grande témérité éditoriale… Car on a beau avoir raison, les procès intentés par des procéduriers, même abusifs, même s’ils font de la bonne pub quand on les gagne, sont assez enquiquinants, surtout si les adversaires ont les moyens de se payer tous les avocats qu’ils veulent.

Charlatanisme et tromperie sur la marchandise

Aussi bien Boiron, bien sûr, que les pharmaciens qui vendent ses produits, savent parfaitement qu’ils ne contiennent rien et n’agissent pas plus que des placebos. N’est-ce pas une forme de charlatanisme et d’escroquerie ? Les Conseils de l’Ordre sont théoriquement intransigeants avec le charlatanisme, mais là, pschitt !

Ces produits ne contiennent rien, alors que leur étiquette annonce le contraire. N’est-ce pas également une forme basique d’escroquerie ? Si vous achetez de la confiture de myrtille, et qu’en fin de compte cette confiture ne contient pas la moindre trace de myrtille, ne vous sentez-vous pas grugé ? C’est pourtant ce qui se passe avec les médicaments homéopathiques.

Servier, Boiron, même combat

Evidemment, si l’on dit aux patients qu’on leur délivre un placebo, celui-ci perd une bonne partie de son effet. Est-il cependant honnête de lui mentir délibérément sur la nature du produit qu’on lui vend ? Faut-il infantiliser les patients en leur faisant croire à tort qu’on leur délivre un vrai médicament ? Si la réponse des autorités est oui, c’est la preuve que l’intérêt supérieur des patients n’est pas leur priorité. L’affaire récente du Mediator de Servier a rendu à juste titre la population très méfiante à l’égard des médicaments, en poussant d’ailleurs une partie dans les bras de l’homéopathie, qui présente l’avantage de ne pas avoir d’effets secondaires (d’effets primaires non plus hélas).

Servier a défendu bec et ongle son business et ses ventes, Boiron fait exactement la même chose, et de la même manière: en racontant des bobards. Ces laboratoires défendent évidemment leurs intérêts propres avant ceux de leurs clients. Qui donc en douterait ?

La leçon de l’affaire Mediator, qui est selon moi que les gens veulent de la vérité, de la transparence, de l’honnêteté pour tout ce qui touche aux médicaments, sera t-elle comprise et appliquée enfin à ce scandale permanent qu’est l’existence de l’homéopathie ?
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Vite ! une cellule de soutien psychologique !

Sources

Merci au site Charlatans.info pour ses articles excellents et très bien informés, qui ont fourni une part des informations publiées ici.

Sur l’affaire Riva:
http://charlatans.info/news/Boiron-veut-faire-taire-ses
http://www.rue89.com/2011/08/20/les-labos-boiron-menace-un-blogueur-antihomeopathie-218524

Sur les problèmes internationaux de Boiron:
http://charlatans.info/news/La-chute-de-l-homeopathie-devient
http://charlatans.info/news/L-OMS-dit-enfin-non-a-l

Un article déjà assez ancien sur Oscillococcinum (ce scandale dure depuis pas mal de temps !):
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article39

 

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur l’homéopathie en général:
http://www.zetetique.ldh.org/homeo.html

Sur les techniques des marchands d’attrape-nigauds dont Boiron est l’un de nos plus beaux fleurons:
http://attrape-nigauds.charlatans.info/lois.shtml
(où l’on constate que Boiron respecte à peu près toutes les « lois » citées ici !)

Article 496 du code pénal:
Quiconque, dans le but de s’approprier une chose appartenant à autrui, se sera fait remettre ou délivrer ou aura tenté de se faire remettre ou délivrer des fonds, meubles, obligations, quittances, décharges, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manoeuvres frauduleuses pour persuader l’existence de fausses entreprises, d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire, pour faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accident ou de tout autre événement chimérique, ou pour abuser autrement de la confiance ou de la crédulité, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende de 251 euros à 30.000 euros.”

Presse: Des activistes véganes attaquent un McDonald’s

La police est intervenue dans un fast-food, cible de militants antispécistes. Une jeune cliente a été blessée.

par Yannick Weber

Les clients qui prenaient leur repas au McDonald’s de la rue Saint-Laurent, vendredi dernier à Lausanne, ne s’attendaient sans doute pas à voir débarquer une dizaine de manifestants défendant la cause animale. C’est pourtant ce qui s’est produit à grand fracas, comme le relate «24 heures» sur son site internet mardi.

Habitués des actions choc

L’association n’en est pas à son coup d’essai en termes de manifestations spectaculaires. Son nom n’est d’ailleurs pas étranger chez McDonald’s. «Des activistes de 269Life se sont déjà rendus dans des restaurants de Lausanne et se sont adressés aux hôtes. Ils ne les ont cependant pas importunés et ont quitté les lieux à la demande du manager. L’action de vendredi était totalement différente», explique Deborah Murith.

A Pâques, déjà à la place Saint-Laurent à Lausanne, ils avaient représenté le dernier repas du Christ avec, sur les tables, des têtes d’animaux égorgés et baignant dans du sang.

Adepte des actions choc, l’association pro-végane «269Life Libération Animale» a diffusé son intervention en direct sur sa page Facebook. Sur la vidéo, on voit les militants entrer dans le fast-food et déverser des seaux remplis de faux sang sur le sol. Pendant ce temps, d’autres se tiennent debout près des tables occupées par les clients en brandissant des pancartes dénonçant l’exploitation animale à des fins alimentaires.

Ne parvenant pas à expulser les intrus, le personnel a fait appel à la police, qui a mobilisé 12 agents pour évacuer les fauteurs de trouble. «Le temps des gentilles manifestations est révolu», a ensuite écrit le groupuscule sur internet. Deborah Murith, porte-parole de McDonald’s, déplore en effet une «action violente». «Le franchisé du restaurant examine la possibilité d’une action en justice», poursuit-elle.

«Une plainte a été déposée par une maman dont la fille a été blessée dans des circonstances que l’enquête se chargera d’établir», indique de son côté Sébastien Jost, porte-parole de la police de Lausanne, contacté par «20 minutes». L’association a réfuté toute allégation de violence à l’égard de la personne blessée. «Il nous faut créer un choc culturel», a-t-elle encore précisé pour justifier son action.

Presse: La police de proximité serait moins efficace contre la radicalisation

Le Devoir: 11 mai 2017 | Lisa-Marie Gervais | Actualités en société

 

Très décentralisée en postes de quartier, axée sur les stratégies de proximité dans le but de créer des liens avec la communauté, la police montréalaise connaît de beaux succès. Mais dans un contexte de radicalisation, sa lutte pourrait s’avérer moins efficace avec une telle structure.

 

Dans le cadre de ses recherches exploratoires, Véronique Laprise, doctorante en études du religieux contemporain à l’Université de Sherbrooke, a comparé dans les grandes villes canadiennes les diverses stratégies des corps policiers qui doivent maintenant composer avec le phénomène montant de la radicalisation menant à la violence.

 

« En l’absence de perspectives communes en sécurité publique canadienne, les services policiers improvisent localement », a-t-elle observé.

 

Même si ces stratégies « maison » ne sont pas mauvaises en soi, elles constituent des obstacles lorsque surgit un cas réel d’individu qui se radicalise. « La lutte contre les extrémismes violents, c’est canadien. Il faut que l’enquêteur puisse sortir de son milieu et faire des liens avec d’autres corps policiers. Ce n’est pas le policier tout seul dans son poste de quartier qui va pouvoir le faire », soutient Mme Laprise, qui a agi comme officière des finances et conseillère-analyste en sécurité au sein des Forces armées canadiennes.

 

La diversité des stratégies peut compliquer la communication. « Regardons simplement le SPVM et la police de Longueuil: ils n’ont pas les mêmes postes de vis-à-vis qu’ils peuvent appeler. Ils n’ont peut-être même pas la même définition d’un individu qui se radicalise et la même vision de la prévention », explique-t-elle.

 

Cette différence s’accentue quand on compare les initiatives et les stratégies de lutte d’ici avec celles dans le reste du Canada. Et peut rendre moins efficace la lutte à l’échelle du pays, voire à l’échelle de la planète.

 

« Au Québec, c’est le Centre de prévention de la radicalisation [menant à la violence] qui gère les signalements. Ce n’est même pas la police », contrairement à ce qui se fait à Toronto.

 

Quelques incohérences

 

Au fil de ses recherches, la chercheuse a remarqué quelques incohérences dans la façon dont est organisé le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), très décentralisé et axé sur les relations avec la communauté pour prévenir et sensibiliser. « Mais est-ce que c’est suffisant pour lutter contre l’extrémisme violent ? C’est clair que non », soutient la chercheuse.

 

L’une d’elles vient du fait que les corps de police éparpillés géographiquement sur leur territoire sont certes très au courant des particularités de leur milieu, mais ratent à l’occasion des comportements de radicalisation. « La radicalisation, ça se fait beaucoup dans le virtuel, sur Internet. Ça dépasse les frontières du quartier », rappelle Mme Laprise.

 

Autre incohérence: la police de proximité qui base son intervention sur le dialogue ne peut rien contre un individu ou un groupe radicalisé qui est justement en rupture avec son milieu.

 

« Si tu es un policier habitué à être dans une logique de négociation avec la communauté, comment vas-tu ouvrir le dialogue avec une partie qui est rigide et comprendre son fonctionnement interne ? » demande la chercheuse. Elle propose l’introduction de chercheurs spécialistes du phénomène au sein du corps policier. Et encore beaucoup de recherche qu’elle se promet de mener.

 

www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/498460/la-police-de-proximite-serait-moins-efficace-contre-la-radicalisation

 

Presse: Le bouddhisme, une « philosophie non confessionnelle » ou une religion ?

La Croix, Claire Lesegretain, le 25/04/2017

Ces prochains mois, l’État belge devrait reconnaître le bouddhisme comme une « philosophie non confessionnelle ». Ce qui lui permettrait d’être enseigné à l’école.

En Belgique, six religions sont officiellement reconnues par l’article 181 de la Constitution de 1830: le catholicisme, le protestantisme, l’anglicanisme, l’orthodoxie, le judaïsme et l’islam. Ce même article reconnaît également la laïcité comme une « philosophie non confessionnelle ».

C’est cette appellation que réclame depuis presque dix ans l’Union bouddhique belge (UBB). « L’objectif n’est pas de nous mettre sur un pied d’égalité avec les six autres confessions ou religions officiellement reconnues », explique Carlo Luycks, son président. « C’est logique, puisque nous ne sommes pas une religion: nous n’avons pas un dieu créateur. Chez nous, tout être sensible est un bouddha en puissance. »

De fait, sur le site Internet de l’Institut d’études bouddhiques (IEB), centre francophone d’étude et d’enseignement sur le bouddhisme à Paris, on peut lire que « le bouddhisme n’est pas une religion puisqu’il ne s’appuie pas sur la croyance en l’existence d’un dieu créateur ».

Il n’est pas non plus un culte ou un système de foi. Le bouddhisme est plutôt défini comme un art de vivre qui apprend à assumer l’entière responsabilité de ses actions, de ses pensées et de ses émotions. Par bien des aspects, pourtant, le bouddhisme ressemble à une religion: il existe des temples, des rituels, des statues et des actes de dévotion.

« On a répondu à toutes les exigences »

Toujours est-il que ce statut de « philosophie non confessionnelle » pourrait bientôt être appliqué au bouddhisme belge. « Un projet de loi pour que le bouddhisme soit officiellement reconnu par l’État belge est en fin de rédaction au cabinet de Koen Geens, ministre de la justice (1) », affirme Carlo Luyckx. Selon lui, le cabinet de Koen Geens est « satisfait car on a répondu à toutes leurs exigences ».

Ce projet de loi « devrait passer devant le gouvernement avant l’été, puis être présenté au parlement et au Conseil d’État, si bien que, d’ici à la fin de l’année, ce statut devrait être entériné », poursuit Carlo Luyckx.

Déjà une aide de l’État

Cette reconnaissance officielle permettra aux « conseillers bouddhistes »(moines, lamas, bonzes…) en Belgique de percevoir un traitement de fonctionnaires, au même titre que les pasteurs, les prêtres ou les imams. « Actuellement, nous comptons une vingtaine d’aumôniers bouddhistes formés, tous bénévoles, dans les hôpitaux, les prisons et l’armée. Mais d’ici dix ans, nous souhaitons en avoir une centaine », précise encore Carlo Luyckx.

La nouvelle loi permettra aussi aux 28 associations bouddhistes membres de l’UBB d’être aidées financièrement, notamment pour l’entretien de leurs bâtiments. « Déjà depuis 2008, nous recevons 162 000 € par an pour nous aider à structurer le bouddhisme », ajoute le président de l’UBB.

Plus de cent enseignants du bouddhisme

Surtout, le bouddhisme pourra être enseigné dans les écoles publiques à raison de deux heures par semaine, selon les choix des parents, comme c’est le cas pour les autres religions reconnues par la Constitution belge. « Si des parents bouddhistes exigent que leur enfant reçoive un enseignement bouddhiste, c’est à l’école de trouver un professeur de bouddhisme », souligne Carlo Luyckx. Selon lui, l’UBB pourrait disposer rapidement de « plus de cent enseignants du bouddhisme francophones et néerlandophones ».

Autre avantage de ce statut: « une reconnaissance sociale et morale importante », selon Carlo Luyckx, et des facilités de visas pour les enseignants venant d’Asie. Enfin, des représentants bouddhistes seront désormais invités à la traditionnelle réception annuelle chez le roi de Belgique.

Si aucun chiffre officiel n’indique le nombre de bouddhistes en Belgique, l’UBB revendique 100 000 pratiquants et membres de ses 28 associations. Et en septembre, près de 10 000 personnes étaient venues au grand stade bruxellois du Heysel écouter une conférence du Dalaï-Lama.

Claire Lesegretain

(1) En Belgique, les ministres du culte dépendent du ministère de la justice, et non du ministère de l’intérieur comme en France.

www.la-croix.com/Religion/Bouddhisme/Le-bouddhisme-une-philosophie-non-confessionnelle-ou-une-religion-2017-04-25-1200842299