Le Qur’ān expliqué: Séquence chronologique du Qur’ān

” Coran, Ecrits Naskh. Signé par Ahmad al-Neyrizi, Datation : 1716.”
Musée national d’Iran. Photo Vigi-Sectes

L’une des difficultés auxquelles se heurte l’étudiant du Qur’ān est que son ordre ne repose pas sur le principe de la séquence chronologique. En raison de sa relation avec les questions théologiques, les savants musulmans ont accordé une attention particulière à la question de l’arrangement du texte du Qur’ān. Par exemple, dans le domaine de l’abrogation, on ne peut pas déterminer le verset qui en abroge un autre sans préciser l’ordre chronologique des versets.

La plus ancienne tentative d’enchaînement chronologique est attribuée à Ibn ‘AbbāsN (m. 68 H./ 688 J.-C.), le père traditionnel de l’exégèse. Al-Bayd. āwi (d. 716 H./ 1316 J.-C.) a souligné ce point dans son commentaire. La recherche islāmique sur le Qur’ān a atteint l’apogée de son développement entre les mains d’al-Suyūtī (m. 911/AD 1505) dans son livre al-Itqān fī ‘Ulùm al-Qur’ān, qui est devenu le point de départ de l’étude occidentale en ce qui concerne l’arrangement du Qur’ān. 1

À l’époque moderne, un savant musulman nommé Muḥammad al-Ṭāhir Ibn ‘Āshūr, dans son commentaire al-Taḥ rīr wa al-Tanwīr, reprit la question du classement des textes en tentant de régler le problème de la séquence chronologique au début de chaque surā.

L’étude de l’agencement des textes coraniques s’inscrit dans un champ de recherche de l’étude du Qur’ān connu sous le nom de M’arifat al-Makkī wa al-Madanī ( « Connaître le Mecquois et le Médinois » ). Les spécialistes musulmans du Qur’ān ont inventé les termes Mecquois et Médinois et leur ont donné trois définitions distinctes2.

  1. Mecquois : La partie du Qur’ān révélée à la Mecque avant et après l’Hégire. Médinoise : La partie du Qur’ān révélée à Médine.
  2. La Mecque : Chaque discours adressé aux habitants de la Mecque. Médinois : Chaque discours adressé aux habitants de Médine.
  3. Mecquois : La partie du Qur’ān révélée à la Mecque avant la migration. Médinois : La partie du Qur’ān révélée après la migration, que ce soit à Médine, ou à la Mecque, ou dans tout autre endroit pendant les raids de Muḥammad.

Cette dernière définition (numéro trois) est la plus populaire et est adoptée par la majorité des spécialistes musulmans du Qur’ān, ainsi que par les orientalistes, les spécialistes occidentaux des études du Moyen-Orient. Nous utiliserons donc cette dernière définition parce qu’elle permet de définir la succession chronologique, contrairement aux deux premières définitions qui ne comportent pas de séquence chronologique. Nous avons également choisi cette troisième définition parce que la première définition n’est liée à la révélation qu’en termes de géographie, et que la deuxième ne concerne que l’identité de l’auditoire de Muḥammad.

Lorsque l’on examine l’agencement du Qur’ān, trois questions majeures doivent être prises en compte : l’agencement des sūras, l’agencement des versets à l’intérieur des sūras, et la datation du texte coranique. La maîtrise de ces trois questions est cruciale pour comprendre la discontinuité du Qur’ān. Il est également important d’examiner le manque d’arrangement des versets à l’intérieur d’une même surā, l’entremêlement des versets qui appartiennent à des périodes différentes, et l’incohérence de la succession des versets à l’intérieur du texte ‘Utḥmānic, comme l’ont noté les savants chiites.

Disposition des Sūras

Selon un récit attribué à Ibn ‘Abbās, la partie mecquoise du Qur’ān comprend quatre-vingt-cinq sūras, tandis que la partie médinoise en compte vingt-huit. 3 Il est à noter que le total d’Ibn ‘Abbās n’est que de 113 et non de 114 sūras. Il se peut que la source de ce point de vue ait laissé tomber al-Fātiḥa (Q 1) de son décompte, ou que son décompte se soit appuyé sur une certaine copie qui combinait deux sūras. Dans certains codices, les sūras al-Ḍuḥa (Q 93) et al-Sharh. (Q 94) sont combinées en une seule surā. 4 En fait, il y a encore aujourd’hui un débat sur les origines mecquoises ou médinoises de dix-sept sūras:5

al-Ra’d (Q 13)al-Muṭaffifīn (Q 83)al-Takāthur (Q 102)
Muḥammad (Q 47)al-Tīn (Q 95)al-Mā’ùn (Q 107)
al-Raḥmān (Q 55)al-Qadr (Q 97)al-Ikhlā (Q 112)
al-Hādīd (Q 57)al-Bayyina (Q 98)al-Falaq (Q 113)
al-Ṣaff (Q 61)al-Zalzala (Q 99)al-Nās (Q 114)
al-Taghābun (Q 64)al-‘Âdiyāt (Q 100)
Dix-sept Sūras aux origines discutables.

En ce qui concerne la disposition du Qur’ān, les savants islāmic ont présenté deux opinions :

  • L’arrangement du Qur’ān est « institué », c’est-à-dire par l’ordre et la direction de Muḥammad.
  • L’arrangement du Qur’ān est « adaptable », en fonction des travaux des comités de compilation.

Un groupe de savants islāmic affirme également que l’arrangement de la plupart des sūras est institué. 6

Cependant, l’examen académique du Qur’ān révèle que le Qur’ān a subi un arrangement systémique simple. Après avoir rassemblé les versets dans une surā indépendante, les collecteurs ont décidé d’établir un arrangement simple basé sur une base quantitative – du plus long au plus court. La répartition actuelle du Qur’ān est basée sur quatre catégories:7

  1. Les sūras « longues » (al-ṭuwāl)-longues (plus de 100 versets).
  2. Les « cent » (al-ma’ūn) – qui suivent les sept sūras les plus longues, chacune contenant environ 100 versets.
  3. Les « doubles chiffres « (al-mathānī) – qui suivent les cent et contiennent moins de cent versets chacun.
  4. Les « sectionnés » (al-mufaṣṣal ) suivant les chiffres doubles. Ce sont les plus courtes des sūras. Les savants ont dit que cette partie est nommée al-mufaṣṣal pour les nombreuses divisions parmi les sūras. D’autres disent qu’elle a été nommée ainsi parce que ces sūras contiennent moins d’abrogations.

Arrangements coraniques alternatifs

Il est important de noter que la disposition actuelle du Qur’ān n’est pas la seule et que la disposition globale du Qur’ān – ses sūras, ses versets et parfois même la disposition des mots à l’intérieur des versets – semblait avoir peu d’importance pour Muḥammad.

En plus du texte adopté et arrangé par le comité de ‘Utḥmān, certaines références nous donnent une liste d’autres arrangements. Le tableau suivant présentera la séquence des quinze premières et des dernières sūras du Qur’ān telles qu’elles ont été arrangées par Ibn Mas‘ūd et Ibn Ka‘b :

Arrangements alternatifs des Sūra

Actuel
Qur’ūn
Codex (muṣḥāf)
d’Ibn Mas‘ūd*
Codex (muṣḥāf)
d‘Ubayy Ibn Ka‘b*
al-Fātiḥa (Q 1)al-Baqara(Q 2)al-Fātiḥ a(Q 1)
al-Baqara (Q 2)al-Nisā'(Q 4)al-Baqara(Q 2)
Āl-i ‘Imrān (Q 3)Āl-i ‘Imrān(Q 3)al-Nisā'(Q 4)
al-Nisā’ (Q 4)al-A’rāf(Q 7)Āl-i ‘Imrān(Q 3)
al-Mā’ida (Q 5)al-An’ām(Q 6)al-An’ām(Q 6)
al-An’ām (Q 6)al-Mā’ida(Q 5)al-A’rāf(Q 7)
al-A’rāf (Q 7)Yūnus(Q 10)al-Mā’ida(Q 5)
al-Anfāl (Q 8)al-Tawba(Q 9)Yūnus(Q 10)
al-Tawba (Q 9)al-Naḥ l(Q 16)al-Anfāl(Q 8)
Yūnus (Q 10)Hūd(Q 11)al-Tawba(Q 9)
Hūd (Q 11)Yūsuf(Q 12)Hūd(Q 11)
Yūsuf (Q 12)al-Isrā'(Q 17)Maryam(Q 19)
al-Ra’d (Q 13)al-Anbiyā'(Q 21)al-Shu’arā'(Q 26)
Ibrāhīm (Q 14)al-Mu‘minūn (Q 23)al-Ḥ ajj(Q 22)
al-Ḥijr (Q 15)al-Shu’arā'(Q 26)Yūsuf(Q 12)
Dernière surā : al-Nās (Q 114) Nombre total de sūras : 114Dernière surā : al-Ikhlā (Q 112) Nombre total de sūras : 111**Dernière surā : al-Nās (Q 114) Nombre total de sūras : 116***
Arrangements alternatifs des Sūra

* La disposition des sourates pour le codex d’Ibn Mas‘ūd et d‘Ubayy Ibn Ka‘b est consignée dans le livre al-Fihrist d’Ibn al-Nadīm. 8

** Ibn Mas‘ūd a laissé tomber Q 113 et Q 114 de son codex, c’est pourquoi al-Suyūtī dit de lui qu’il a 112 sūras dans son codex. Cependant, le nombre total de sūras dans son codex devait être de 111 car il n’ajoute pas non plus la surā al-Fātiḥa (Q 1). 9

*** Ibn Ka‘b a ajouté les sūras al-Ḥafd et al-Khal’ pour un total de 116 sūras. Al-Suyūtī dit que le codex d’Ibn Ka‘b ne contient que 115 sūras, car il a combiné les sūras al-Fīl (Q 105) et Quraysh (Q 106). 10 (Voir l’article: Textes coraniques controversés, page 141).

Arrangement et compilation du codex de ‘Alī Ibn Abī Ṭālib

Selon al-Ya’qnbī, ‘Alī a divisé son codex (muṣḥāf) en sept parties, selon l’arrangement suivant:11

Arrangement du codex de ‘Alī Ibn Abī Ṭālib

Première partieDeuxième partieTroisième partieQuatrième partieCinquième partieSixième partieSeptième partie
al-Baqara
(Q 2)
Āl-i ‘Imrān (Q 3)al-Nisā’
(Q 4)
al-Mā’ida
(Q 5)
al-An’ām
(Q 6)
al-A’rāf
(Q 7)
al-Anfāl (Q 8)
Ynsuf
(Q 12)
Hnd
(Q 11)
al-Nah.l
(Q 16)
Ynnus (Q 10)al-Isrā’
(Q 17)
Ibrāhīm
(Q 14)
al-Tawba (Q 9)
al-‘Ankabnt (Q 29)al-Ḥajj
(Q 22)
al-Mu‘minnn (Q 23)Maryam
(Q 19)
al-Anbiyā’
(Q 21)
al-Kahf
(Q 18)
Ṭa Ha
(Q 20)
al-Rnm (Q 30)al-Ḥijr
(Q 15)
Ya Sīn
(Q 36)
al-Shu’arā’
(Q 26)
al-Furqān
(Q 25)
al-Nnr
(Q 24)
al-Ṣāffāt
(Q 37)
Luqmān (Q 31)al-Aḥzāb (Q 33)al-Shnrā
(Q 42)
al-Zukhruf
(Q 43)
al-Qaṣa
(Q 28)
Ṣād (Q 38)al-Aḥqāf
(Q 46)
Fussilat
« j« 41)
al-Dukhān (Q 44)al -Wā » i g`a (Q 56)al-Ḥujurāt (Q 49)al-Ghāfir (Q 40)al-Zuar m (Q 39)al-Fath
(Q 48)
al-Dhāriyāt (Q 51)al-Raḥmān (Q 55)al-Mulk
(Q 67)
Qāf (Q 50)al-Mujādila (Q 58)al-Jāthiya
(Q 45)
al-Ṭnr (Q 52)
al-Insān
(Q 76)
al-Ḥāqqa (Q 69)al-Muddathir (Q 74)al-Qamar (Q 54)al-Ḥashr (Q 59)al-Bayyina
(Q 98)
al-Najm (Q 53)
al -Sajda (Q 32)al-Ma’ārij (Q 70)al-Mā’nn (Q 107)al-Mumtaḥana (Q 60)al-Jumu’a (Q 62)al-Hādīd
(Q 57)
al-Saff
(Q. 61)
al-Nāzi’āt
(Q 79)
Abasa
(Q 80)
al-Masadal-Tariq
(i86)
al-Munāfiqnn (Q 63)al-Muzzammil (Q 73)al-Taghābun (Q 64)
al-Takwīr (Q 81)al-Shams (Q 91)al-Ikhlās
(Q 11 2j
al-Balad (Q 90)al-Qalam
(Q 68)
al-Qiyāma
(Q 75)
al-Ṭalāq (Q 65)
al-Infiṭār (Q 82)al-Qadr
(Q 97)
al-‘Ar
(Q 103)
al-‘Ādiyāt
(Q 100)
Nnḥ (Q 71)al-Naba’
(Q 78)
al-Muṭaffifīn (Q 83)
al-Inshiqāq (Q 84)al-Zalzala (Q 99)al-Qāri’a
(Q 101)
al-Kawthar (Q 108)al-Jinn (Q 72)al-Ghāshiya (Q 88)al-Falaq (Q 113)
al-A’lā
(Q 87)
al-Humaza (Q 104)al-Burnj (Q 85)al-Kāfirnn (Q 109)al-Mursalāt
(Q 77)
al-Fajr (Q 89)al-Nās (Q 114)
al-Bayyina (Q 98)al-Fīl (Q 105)al-Tīn
(Q 95)

al-Ḍuḥa
(Q 93)
al-Layl
(Q 92)


Quraysh (Q 106)al-Naml
(Q 27)

al-Takāthur
(Q 102)
al-Nar
Arrangement du codex de ‘Alī Ibn Abī Ṭālib

Question : Alī Ibn Abī Ṭālib a-t-il rédigé un codex ?

Au cours de la narration de l’histoire de la compilation du Qur’ān par ‘Ali, les sources chiites affirment que ‘Ali a compilé le Qur’ān en respectant la chronologie de la révélation. Immédiatement après la mort de Muḥammad, ‘Ali s’est isolé dans sa maison « pendant trois jours jusqu’à ce qu’il compile le Qur’ān. C’était le premier Qur’ān qu’il rassemblait dans un seul livre de mémoire. Ce Qur’ān appartenait au peuple de Ja’far. » 12

Lorsque l’on soumet l’histoire à un examen minutieux, il apparaît qu’elle n’est pas crédible pour les raisons distinctes ou collectives suivantes :

  1. La nécessité de rédiger le Qur’ān n’est apparue qu’après l’expansion des armées musulmanes au-delà des frontières de la péninsule arabique, lorsque les soldats ont commencé à se disputer sur l’exactitude de leurs codex. Cette situation a obligé ‘Utḥmān à intervenir et à unifier le texte coranique. Beaucoup pensent que cette unification était un acte dont la société islāmique de Médine n’avait pas besoin, ni pendant la vie de Muḥammad ni immédiatement après sa mort.
  2. ‘Ali était occupé par des conflits politiques concernant la gouvernance depuis la mort de Muḥammad. Par conséquent, il n’avait pas de temps pour la tâche de compiler le Qur’ān.
  3. La compilation documentée du Qur’ān a nécessité un comité de plusieurs personnes qui ont travaillé avec diligence pour examiner les textes disponibles et entendre le témoignage des mémorisateurs du Qur’ān. Comment, alors, ‘Ali aurait-il été capable d’accomplir ce qu’il a fallu à un comité entier pour faire ? Et plus encore, comment a-t-il pu écrire le Qur’ān en quelques jours seulement ?
  4. ‘Alī Ibn Ṭālib reçut les rênes du pouvoir après le meurtre de ‘Utḥmān. Pourquoi n’a-t-il pas imposé son Qur’ān à toutes les régions durant son califat ? En supposant que les conditions politiques ne lui permettaient pas de diffuser son Qur’ān, en raison des troubles et du chaos qui régnaient pendant son règne, pourquoi son Qur’ān n’a-t-il pas été diffusé et utilisé par ses adeptes chiites ?

De plus, si nous prenons la liste transmise par al-Ya’qūbi (voir le tableau « Arrangement du codex de ‘Alī Ibn Abī Ṭālib», page 42), nous constaterons que le codex de ‘Ali n’est pas basé sur la séquence chronologique. Il penche plutôt vers l’arrangement quantitatif mais selon des règles différentes. Par exemple, les sept sūras longs sont répartis entre les sept parties. Les sūras plus courts sont également répartis entre les sept parties, et ainsi de suite. Il est clair que cette catégorisation s’appuie sur « la révision de ‘Utḥmān ».13 Il s’agit donc d’un texte post-‘Utḥmānic, ce qui signifie que l’allégation selon laquelle ‘Ali aurait compilé le Qur’ān, et encore moins qu’il l’aurait arrangé, est une propagande générée par ceux qui s’opposaient aux Omeyyades pour rabaisser le statut du codex ‘Utḥmānic.

Arrangement et compilation du Qur’ān basés sur le probable

Le Qur’ān est organisé selon la longueur et non la chronologie de ses sūras. Pour comprendre cette disposition inhabituelle, il faut comprendre le contexte concernant les débuts du Qur’ān et la façon dont il a finalement atteint les musulmans. Il semble que Muḥammad n’ait montré aucun intérêt pour la rédaction du Qur’ān, mais qu’il en ait écrit sporadiquement des parties à différents moments. Il ajoutait des versets à telle ou telle surā sans méthodologie claire. Parfois, Muḥammad semblait ne pas se soucier de la précision du texte coranique, ce qui est un problème exposé par ‘Abd Allah Ibn Abi Sarḥ qui était un scribe de Muḥammad.

‘Abd Allah Ibn Abi Sarḥa commencé à avoir des doutes lorsque Muḥammad a récité : « Nous avons créé l’homme à partir d’un extrait d’argile … » (Q 23.12-14). Ibn Abi Sarḥ dit à Muḥammad : « Et béni soit Dieu, le meilleur des créateurs ! ». Ce à quoi Muḥammad répondit : « Ecris-le ! Car c’est ainsi qu’il a été révélé ». La phrase fut ajoutée au corps du texte du verset. Par conséquent, Ibn Abi Sarḥ se méfia de l’appel de Muḥammad. 14

Il décida de tester la véracité de la connexion céleste de Muḥammad. Un jour, Muḥammad dicta : « Exalté en puissance, sage ». En réponse, Ibn Abi Sarḥ écrivit « Pardonneur et Miséricordieux ». Puis, quand il a lu les changements, Muḥammad lui a dit : « Oui, c’est la même chose. »

Dans une autre histoire, nous lisons qu’Ibn Abi Sarḥ a manipulé la révélation. Quand Muḥammad dictait : « Il entend et sait tout », Ibn Abi Sarḥ écrivait : « Il sait tout, le plus sage ». Et quand Muḥammad a dicté, « Connaît toutes choses, Très sage », Ibn Abi Sarḥa écrit, « Entend et connaît toutes choses » 15 Cette expérience a conduit Ibn Abi Sarḥ à rejeter l’Islām et à retourner chez les Quraysh, où il leur a déclaré la fausseté des prétentions prophétiques de Muḥammad. 16

Muḥammad l’a raillé avec cette réponse :

Qui est plus injuste que celui qui invente contre Dieu un mensonge, ou qui dit : « Je suis inspiré », alors qu’il ne l’était pas du tout, et qui dit : « Je ferai descendre la même chose que ce que Dieu a fait descendre » ? Mais as-tu vu, lorsque les injustes sont dans les flots de la mort, et que les anges tendent les mains : « Donnez vos âmes ; aujourd’hui, vous serez récompensés par le supplice de l’ignominie, parce que vous avez dit contre Dieu ce qui n’était pas vrai, et que vous étiez trop fiers pour entendre Ses signes ? (Q 6.93)

De plus, Muḥammad ne s’en tenait pas au texte coranique de manière littérale mais était indulgent avec les lectures. Il existe de nombreux rapports sur la négligence de Muḥammad concernant l’exactitude du Qur’ān. Nous lisons dans un récit que ‘Umar Ibn al-Khaṭṭāb remarqua, lorsqu’il entendit Hishām Ibn Ḥakim réciter la surā al-Furqān (Q 25), qu’il la lisait « avec de nombreuses lettres [c’est-à-dire des mots] » qu’il n’avait jamais entendues auparavant de la part de Muḥammad. Lorsque Hishām eut fini de prier, ‘Umar l’attrapa par son vêtement et lui demanda qui était l’auteur de cette prière, que lui a enseigné la surā. Il lui répondit que c’était Muḥammad. ‘Umar le traita de menteur. Puis ils se rendirent ensemble auprès de Muḥammad qui, après avoir entendu la récitation de Hishām, dit : « Il a été révélé ainsi », et ajouta :

« Ce Qur’ān a été descendu sur sept lettres [dialectes]. Lisez donc du Qur’ān ce qui vous est facile » 17.

Une autre histoire raconte qu’un homme est venu voir Muḥammad et lui a dit : « ‘Abd Allah Ibn Mas‘ūd m’a enseigné une surā », puis a ajouté : « Ubayy Ibn Ka‘b me l’a enseignée, mais leurs lectures différaient. Laquelle de ces lectures dois-je prendre ? ». Muḥammad garda le silence. ‘Alī, qui était assis à côté de lui, répondit :

« Que chacun lise comme on le lui a enseigné. Toutes sont bonnes et belles ! » 18

Muḥammad ne voyait pas la nécessité de rédiger le Qur’ān de manière précise, c’est pourquoi il n’a mis en œuvre aucune méthodologie pour le compiler. Il a laissé à ses disciples le soin d’accomplir cette mission et d’en fixer les règles essentielles.

Après que le comité de ‘Utḥmān ait compilé le Qur’ān, il a utilisé l’arrangement quantitatif (du plus long au plus court). Cet arrangement reposait cependant sur ce que l’œil estimait être la taille des pages et non sur le nombre de versets. Par exemple, la surā al-Nisā’ (Q 4) comporte 176 versets, alors que la surā al-A’rāf (Q 6) en comporte 201. Ainsi, cette catégorisation basée sur le total des versets n’est pas tout à fait exacte. Il se peut que le comité éditorial ait eu affaire à des manuscrits de longueurs et de tailles d’écriture différentes qui ont dissimulé la véritable longueur des sūras.

Néanmoins, cette catégorisation n’explique pas les violations les plus fortes et les plus marquantes contre le principe quantitatif mentionné ici. Par exemple, al-Ra’d (Q 13), Ibrāhīm (Q 14) et al-Ḥijr (Q 15), dont la longueur ne dépasse pas 3 ou 3 1/2 pages, ont été placées parmi des sūras dont la longueur est d’environ 7 pages chacune.

De même, on ne sait pas pourquoi al-Anfāl (Q 8), composé de 5 pages, a été placé avant al-Tawba (Q 9), composé de 10 pages, ni, d’ailleurs, pourquoi al-Sajda (Q 32), composé de 11/2 pages, a été placé avant al-Aḥzāb (Q 33), composé de 5 1/3 pages. 19

Nöldeke a présenté une raison pour cet ordonnancement arbitraire : « Le motif derrière cette méthode remarquable pourrait être la peur de terminer complètement la tâche, ce qui pourrait inciter les forces maléfiques cachées. Ce mythe est encore très répandu chez les peuples primitifs » 20.

Disposition des versets

La disposition ou la séquence des versets du Qur’ān est très inhabituelle. Non seulement les versets ne sont pas dans un ordre chronologique, mais des versets de différentes époques (mecquoise et médinoise) ont été entremêlés ensemble dans le même contexte ou surā.

A. L’absence d’agencement des versets au sein d’un même surā.

Dans de nombreux cas, la disposition des versets ne correspond pas à une séquence chronologique. Nous trouvons les premiers versets d’une surā particulière placés loin du début de cette surā. Par exemple, les versets 15 et 16 sont les deux premiers versets à être révélés de la surā al-Mā’ida (Q 5). 21 Selon l’ordre chronologique, ils auraient dû être placés au début de la surā et numérotés versets 1 et 2.

B. L’enchevêtrement de versets appartenant à des époques différentes

Il existe un autre problème concernant l’ordre des versets. Nous trouvons des versets médinois à l’intérieur des sūras mecquoises et vice versa. Les sources islāmiques font référence aux sūras qui sont composées de différentes parties – des versets mecquois et médinois mélangés:22

Sūras de la Mecque contenant
Versets médinois
Sūras de Médine contenant
Versets de la Mecque
al-An’ām (Q 6)al-Anfāl (Q 8)
al-A’rāf (Q 7)al-Tawba (Q 9)
IbrāhYm (Q 14)al-Ra’d (Q 13)
al-Naḥl (Q 16)al-Ḥajj (Q 22)
al-Isrā’ (Q 17)al-Mā’ūn (Q 107)
al-Kahf (Q 18)
Al-Qaṣaṣ (Q 28)
al-Zumar (Q 39)
al-Aḥqāf (Q 46)

En fait, le tableau ci-dessus ne comprend pas toutes les sūras dont les versets sont entremêlés. Une étude méthodologique révèle un type d’enchevêtrement qui requiert la patience et l’examen minutieux et détaillé du chercheur. On observe que la structure interne des sūras entremêlées manque d’unité et que la méthode d’organisation des versets montre qu’ils ont été disposés, même à l’intérieur d’une même surā, sans suivre de méthode particulière. Par exemple, le verset sur l’usure (Q 2.278), « Ô vous qui croyez, craignez Dieu, et remettez le solde de l’usure, si vous êtes croyants » est placé à la fin d’al-Baqara (Q 2), alors qu’il s’agit d’un verset qui appartient aux deux premières années de la migration (Hijra). 23

Dans un autre exemple, certains récits disent que le texte suivant est le dernier verset du Qur’ān : « Ils te demanderont une décision ; dis : « Dieu te donnera une décision concernant la parenté éloignée … ». (Q 4.176). 24 Ce verset est placé dans la surā al-Nisā’ (Q 4), une surā qui appartient à la période comprise entre la troisième et la cinquième année de la migration, 3-5 AH.

Observations sur les chiites

En plus de ce qui précède, les savants chiites ont convenu que les versets ne sont pas correctement disposés. Ils considèrent cela comme une preuve de la négligence dans l’arrangement des versets dans le codex ‘Utḥmānic.

Ils y voyaient aussi une preuve de l’existence d’intermittence et de distorsion dans le texte. Par exemple, la succession naturelle d’un verset ne se retrouve pas dans le verset qui suit, car elle apparaît à un endroit beaucoup plus éloigné. Cette discontinuité affecte la cohésion du contexte du verset. La succession naturelle ne peut se produire que si les compléments du verset sont trouvés et réunis à partir des différents endroits séparés. 25

Voici quelques-unes des remarques supplémentaires des chiites :

  1. Le verset : « Il [Moïse] dit : « Demandez-vous ce qui est le plus méchant au lieu de ce qui est le meilleur ? Descendez en Égypte, vous y trouverez ce que vous demandeẓ.. ». (Q 2.61) doit être suivi du verset : « Ils dirent : « Ô Moïse ! En vérité, il y a là un peuple, des géants, et nous n’y entrerons sūrement pas avant qu’ils n’en sortent …’ ». (Q 5.22). 26
  2. Le verset : « Mais si vous craignez de ne pouvoir faire justice entre les orphelins, alors épousez ce qui vous semble bon parmi les femmes … » (Q 4.3) a été descendu en même temps que « On te demandera une décision au sujet des femmes ; dis : « Dieu … » ». (Q 4.127). Par conséquent, les versets doivent être lus de cette façon : « Ils te demanderont une décision au sujet des femmes ; dis : « Dieu décide pour vous à leur sujet, et ce qui vous est répété dans le Livre ; au sujet des femmes orphelines auxquelles vous ne donnez pas ce qui leur est prescrit, et que vous répugnez à épouser. Alors, épousez ce qui vous semble bon parmi les femmes, par deux, par trois ou par quatre. » 27
  3. Les versets 104 de Q 4 et 140 de Q 3 doivent être placés dans Q 3, car les deux contextes décrivent la bataille d‘Uḥud. 28
  4. Le verset 46 de Q 26 complète ce qui est dit dans Q 20 à partir du verset 10. 29
  5. Le verset 28 de Q 32 se situe après le verset 21 de la même surā. 30
  6. Le verset 24 de Q 29 aurait dû venir immédiatement après le verset 18 de la même surā et la section qui vient entre ces deux versets a une place ailleurs. Elle a été placée là où elle est maintenant [seulement] à la suite d’une négligence lors de la compilation. 31
  7. Le verset 16 de la surā Luqmān (Q 31) doit venir immédiatement après le verset 13 de la même surā et ce qui se trouve entre les deux est une interruption anormale du legs de Luqmān pour son fils. 32
  8. Ce qui est sorti de la bouche des ennemis de Muḥammad à propos du Qur’ān, « ‘des contes de vieux qu’il a fait écrire alors qu’on les lui dicte matin et soir’ » (Q 25.5) doit être suivi de (Q 29.48) : « Tu ne pourrais réciter devant cela aucun livre, ni l’écrire de ta main droite, car dans ce cas, ceux qui le jugent vain auraient douté. » 33
  9. Concernant Q 75.16, al-Rāzī mentionne dans son commentaire que certains des chiites ont fait cette déclaration : « Un groupe de mécréants parmi les plus anciens a prétendu que ce Qur’ān avait été changé et altéré, ajouté et retranché. Ils s’y sont opposés en disant qu’il n’y a pas de corrélation entre ce verset et celui qui le précède ; et si cet arrangement venait d‘Allah, la chose ne serait pas telle. » 34

La datation du texte du Qur’ān

Si le Qur’ān n’a pas été soumis à une méthodologie dans son agencement, comment alors est-il possible de conclure que tel texte (surā ou verset) est mecquois ou médinois ?

Les savants musulmans ont trouvé ce qu’ils croyaient être une réponse honorable à cette question dans l’étude scientifique de la révélation du Qur’ān:35.

Parmi les sciences les plus honorables du Qur’ān, il y a la science de sa révélation et de son interprétation. L’agencement de : ce qui a été révélé à la Mecque et à Médine ; ce qui a été descendu à la Mecque alors que son autorité est médinoise, et ce qui a été révélé à Médine alors que son autorité est mecquoise ; ce qui a été descendu à la Mecque concernant les gens de Médine, et ce qui a été descendu à Médine concernant les gens de la Mecque ; ce qui est semblable à la révélation mecquoise dans le médinois, et ce qui est semblable à la révélation médinoise dans le mecquois ; …ce qui a été révélé à Tāif, et ce qui a été révélé à Ḥudaybīya ; ce qui a été révélé la nuit, et ce qui a été révélé le jour ; ce qui a été révélé avec d’autres révélations, et ce qui a été révélé singulièrement ; les versets médinois dans les sūras mecquoises, et les versets mecquois dans les sūras médinoises ; …et ce sur quoi ils ont divergé où les uns ont dit : c’est médinois, tandis que les autres ont dit : c’est mecquois.

Ils ont donc cherché à connaître la disposition du texte. Ils ont défini des idées pour savoir ce qui est mecquois et ce qui est médinois. Plus tard, des règles ont été élaborées par les chercheurs occidentaux. L’école occidentale, commencée par Gustav Weil dans son livre, Historisch-Kritishce Einleitung in den Koran (1844), a été améliorée par Theodor Nöldeke avec son ouvrage encyclopédique, History of The Qur’ān (Geschichte des Qorāns) (1860). Cet ouvrage a été révisé et publié en deuxième édition par Schwally. Plus tard, d’autres orientalistes publièrent une deuxième et une troisième partie de l’Histoire du Qur’ān. Suite à cette publication, Régis Blachère s’est attaché à affiner et à ordonner le livre de Nöldeke dans son ouvrage, Introduction au Coran, qui a été publié en trois volumes à Paris (1947-1950).

De plus, les orientalistes ont présenté leurs opinions concernant l’arrangement des sūras, parmi les plus importants Hartwig Hirschfeld dans son livre, New Researches into the Composition and Exegesis of the Qoran (1902). Hirschfeld établit et décrit cinq critères critiques pour comprendre le Qur’ān (confirmatif, déclamatoire, narratif, descriptif et législatif). William Muir, dans son livre, The Corân : Its Composition and Teaching (1875), présente également un arrangement libre de l’influence de Nöldeke et introduit une théorie affirmant que certains textes coraniques appartiennent à la période qui a précédé la déclaration de prophétie de Muḥammad. 36

Nous résumerons pour le lecteur les règles générales (basées sur l’ouvrage d’al-Ḥaddād) des savants musulmans et des orientalistes pour distinguer le texte coranique mecquois du texte coranique médinois :37.

  1. Le message mecquois était axé sur l’appel à Allah et le rejet du polythéisme. À Médine, lorsque Muḥammad a établi une société soumise à son autorité (Muḥammad), il a présenté un message qui avait des aspects liturgiques, régulateurs et législatifs.
  2. Chaque discussion avec les idolâtres se déroule à la Mecque et chaque débat avec les gens du LivreD se déroule à Médine.
  3. Chaque verset qui appelle au pardon appartient à la Mecque et chaque verset qui encourage le combat appartient à Médine. Tous les sūras qui contiennent un appel à une position militaire défensive appartiennent aux premières années du séjour de Muḥammad à Médine. Toutes les sūras qui contiennent un appel à une position militaire offensive appartiennent à la deuxième période de Médine après le traité de ḤudaybīyaD (6 AH/AD 628).
  4. Les histoires des prophètes et des anciennes nations remontent à la période mecquoise. De même, toutes les sūras qui parlent de l’histoire d‘Adam et de Satan, à l’exception d’al-Baqara (Q 2), sont mecquoises.
  5. Les messages qui mettent en garde contre les conséquences éternelles appartiennent à la première période mecquoise, tandis que les messages qui contiennent une campagne contre les idoles datent de la deuxième période mecquoise.
  6. Les sūras qui contiennent des jurons (serments) sont mecquoises. Ce style est absent dans les sūras médinoises.
  7. Chaque passage qui porte le nom de « al-Raḥmān : le Bienfaisant » est de la deuxième période à la Mecque.
  8. Tous les passages qui font preuve de courtoisie envers les Juifs ou qui les citent sont mecquois. En revanche, tous les passages qui portent des accusations contre les Juifs sont médinois.
  9. Citer les Gens du Livre est mecquois, tandis que les versets faisant campagne contre eux et leurs doctrines sont médinois.
  10. Dans la période médinoise, des termes tels que « Émigrants » (Muhājirūn), « Aides » (Anṣar), et « hypocrites » (opposants à l’Islām) sont mentionnés.
  11. Les sūras courtes, en général, sont de la première période mecquoise (surtout celles qui ont un style fougueux), tandis que les sūras longues qui semblent relativement calmes sont de la deuxième période mecquoise. Les sūras longues sont médinoises.
  12. À La Mecque, Muḥammad s’est déclaré en utilisant des descriptions acceptables pour l’environnement polythéiste et scripturaire mecquois, des descriptions telles que « porteur de bonnes nouvelles » et « avertisseur ». À Médine, lorsqu’il est devenu le maître obéi, il s’est présenté comme un « prophète et messager ».
  13. À La Mecque, lorsque le Qur’ān se réfère aux livres sacrés du passé en général, il les appelle « le Livre » sans détails. À Médine, les noms des livres sont précisés – Torah, Injīl, Zabūr (Psaumes) et al-Ḥikma (Sagesse). Par conséquent, les versets qui contiennent les noms distinctifs des livres sont médinois, même s’ils ont été insérés dans des sūras mecquoises. À la Mecque et à Médine, le Qur’ān nomme ceux qui possèdent les Écritures « les gens du Livre », « ceux qui possèdent le Message [al-Dhikr] » et « ceux qui sont doués de savoir ». Mais lorsqu’il les appelle « les Juifs » ou « les gens de l’Évangile », cette spécification est médinoise, même si elle a été insérée dans des sūras mecquoises.

15. Le style diffère entre les textes mecquois et médinois :

  • Les sūras mecquois ont tendance à être en prose rimée, surtout les sūras de la première période, un style rare dans le texte coranique médinois, dont les versets sont plus longs.
  • Le texte du Qur’ān mecquois est de nature narrative, semblable à un roman. Il parle de l’au-delà, des anges et des djinns. En revanche, ce style narratif est rare dans le texte coranique médinois.
  • La langue mecquoise est une langue fervente et poétique, surtout dans les premiers temps de la Mecque, tandis que la langue médinoise est déterminante. Elle aborde les référendums, les questions juridiques, les questions sociales, les questions morales, les questions familiales, et leurs réponses législatives.

Il s’agit là des règles générales, bien qu’il puisse y avoir des déviations ici et là. Un exemple est particulièrement apparent dans la première surā médinoise al-Baqara (Q 2), où Muḥammad initie la formulation de sa nouvelle langue.

Conclusion

En examinant la disposition des sūras dans le codex d’Ibn Mas‘ūd et d’Ibn Ka‘b, nous constatons que les sūras suivent une disposition quantitative, du plus long au plus court. Nous trouvons également la règle quantitative appliquée dans le codex présumé de ‘Alī Ibn Abī Ṭālib. Puisque ces versions du Qur’ān, y compris le codex officiel de ‘Utḥmānic, s’appuyaient sur la règle quantitative, elles indiquent que ce principe quantitatif, du plus long au plus court, était la meilleure résolution, et peut-être la seule, au problème de l’arrangement du Qur’ān. Cette méthode a permis aux compilateurs de contourner le dilemme de la datation.

Classer le Qur’ān selon une chronologie était presque impossible. Tout d’abord, Muḥammad a laissé les textes écrits du Qur’ān éparpillés en morceaux entre les mains des musulmans. La plupart des textes étaient simplement mémorisés. Deuxièmement, les musulmans n’avaient pas les connaissances ou les outils nécessaires pour effectuer la tâche de mise en séquence chronologique.

Cependant, la simplicité de l’arrangement a créé une difficulté dans l’investigation de la séquence chronologique des sūras. Cette difficulté était accrue par le manque de contexte des versets, en raison de l’insertion de versets médinois dans les sūras mecquois et vice versa. Par conséquent, le chercheur coranique doit étudier soigneusement et minutieusement pour comprendre le texte.

Malgré cela, les savants sunnī ont cherché à utiliser ce chaos comme un signe d’inimitabilité. Ils ont écrit des livres sur le côté créatif dans l’arrangement des sūras, dont les plus importants sont al-Burhān fī Munāsabat Tartīb Suwar al-Qur’ān de Ja’far Ibn al-Zubayr, Naẓm al-Durar fī Tanāsub al-Āyāt wa al-Suwar de Burhān al-Dīn al-Buqā’ī, et Asrār Tartīb al-Qur’ān d’al-Suyūtī. Si les auteurs de ces ouvrages cherchaient à défendre « la corrélation, la cohésion et l’unisson dans l’agencement des versets et des sūras », il est probable que ces savants répondaient implicitement aux critiques non-musulmanes du Qur’ān en général, et, spécifiquement, aux chiites qui avaient prouvé le caractère arbitraire de l’agencement du Qur’ān.


Notes

  1. Encyclopédie du Qur’ān 1 : 321-322.
  2. al-Suyūṭi, al-Itqān 45 ; al-Zarkashi 1 : 187.
  3. Ibn al-Nadim 28.
  4. al-Suyūṭi, al-Itqān 428.
  5. Encyclopédie du Qur’ān 1 : 322.
  6. al-Suyūṭi, Asrār Tartīb 68-72.
  7. al-Zarkashi 1 : 244-245.
  8. Ibn al-Nadim 29-30.
  9. al-Suyūṭi, al-Itqān 423 ; comparer avec al-Zarkashi 1 : 251 ; Ibn al-Jawzi, Funūn al-Afnān ­235 – 236.
  10. al-Suyūṭi, al-Itqān 427.
  11. al-Ya’qūbi 2 : 135.
  12. Ibn al-Nadim 30.
  13. Niildeke, Tārīkh al-Qur’ān 245.
  14. al-Zamakhshari 2 : 372.
  15. al-Ṭabari 9 : 406.
  16. Ibid. 9 : 405.
  17. Ibn al-Jawzi, Funūn al-Afnān 197-198.
  18. al-Ḥariri 140.
  19. Niildeke, Tārīkh al-Qur’ān 297-298.
  20. Ibid. 298.
  21. Ibn ‘Āshūr 6 : 71.
  22. al-Zarkashi 1 : 199-203.
  23. al-Suyūṭi, al-Itqān 177 ; Ibn al-Ḍurays 36.
  24. al-Suyūṭi, al-Itqān 176 ; Ibn al-Ḍurays 35.
  25. Goldziher 310.
  26. Ibid. 311-312.
  27. Ibid.
  28. Ibid.
  29. Ibid.
  30. Ibid.
  31. Ibid.
  32. Ibid.
  33. Vendre 19.
  34. al-Rāzi, Tafsīr 3 : 222.
  35. al-Suyūṭi, al-Itqān 44.
  36. Encyclopédie du Qur’ān 1 : 322.
  37. al-Ḥaddād, Aṭwār al-Da‘wa 291-298

TheQ Dilemma English Book

All Rights Reserved. TheQuran.com Group. Originally printed in English, ISBN 978-1-935577-05-8
Tous droits réservés. Groupe TheQuran.com. Imprimé à l’origine en anglais, ISBN 978-1-935577-05-8

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