20 mars 2017, JapanFM
Aujourd’hui le Japon commémore un triste évènement: l’attaque au gaz sarin des métros de Tôkyô il y a 22 ans faisant 13 morts et plus de 6 000 blessés. Retour sur la plus grave attaque meurtrière commise au Japon depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.
Le 20 mars 1995, à 7h55, cinq individus pénètrent dans les wagons de trois lignes de métro de Tôkyô: Chiyoda, Marunouchi et Hibiya. A 8h, en pleine période de pointe du métro dans la capitale, les individus percent des poches contenant du liquide, qu’ils ont apporté avec eux, grâce à la pointe d’un parapluie. Quinze minutes plus tard environ, alors que ces trois rames de métros se dirigent vers la station Kasumigaseki, quartier de l’administration centrale et des ministères du pays, les usagers du métro commencent à subir les effets du gaz sarin: principalement des troubles oculaires, nausées, maux de tête voire troubles respiratoires ou encore convulsions… Ils sont intoxiqués.
C’est la panique et les usagers du métro affluent vers les hôpitaux environnant. D’autres, plus gravement atteints, décèdent. Jusqu’alors les autorités n’ont aucune idée de la cause de ces intoxications, on évoque dans un premier temps une intoxication au monoxyde de carbone, avant mettre en cause le gaz sarin 3 h plus tard. Pourtant l’attaque du métro tokyoïte n’est pas la première du genre, bien que la plus médiatisée car elle s’est déroulée dans la capitale et était de plus grande ampleur. En effet, il y a eu un précédent puisque la secte Aum avait lâché le gaz sarin dans un parking de supermarché résidentiel de la ville de Matsumoto, département de Nagano, dans la nuit du 27 au 28 juin 1994 faisant 7 morts et 200 blessés intoxiqués. Mais l’implication de la secte Aum dans ce premier attentat n’est avéré qu’après l’attaque de Tôkyô.
L’attaque du 20 mars 1995 est la plus grand attaque meurtrière dans ce pays depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.
C’est pourtant 20 ans plus tard que l’affaire semble se clôre. En effet, si l’implication de la secte dans l’attentat du 20 mars 1995 semble plus qu’avérée, c’est en raison d’un lourd passif d’activités criminelles commis par plusieurs membres de la secte comme des enlèvements, séquestration et meurtres sur lesquelles la police enquête. Si son chef, Shôkô ASAHARA, Chizuo MATSUMOTO de son vrai nom, a été arrêté dès mai 1995 et condamné à mort par pendaison en 2004, -il attend toujours dans le couloir de la mort, c’est en 2012, soit 17 ans après les faits, que le dernier membre et complice recherché, Katsuya TAKAHASHI, est enfin arrêté, et en 2016, le dernier procès en appel d’un de ses membres a été rejeté, mettant un point final aux procès entourant l’attaque du métro de Tôkyô. Au final, ce sont ainsi 12 membres de la secte, en plus de son gourou, qui sont condamnés à mort en raison des crimes commis au nom de la secte (en tout 200 membres environ ont été arrêtés et condamnés à des peines différentes pour d’autres délits). Sans oublier que lors de l’enquête qui a suivi l’attaque du métro de Tôkyô, le Japon apprend que la secte prévoyait deux nouveaux attentats la même année: l’un au cyanure le 5 mai 1995 qui a été évité de justesse dans le métro de Shinjuku et qui aurait pu faire des milliers de morts, le second à Kamakuishiki près du Mont Fuji à proximité d’un des centres de la secte où la police découvre 50 membres de la secte abandonnés, attachés et affamés auprès de qui se trouvaient de quoi produire 50 tonnes de gaz sarin, de quoi tuer 4 à 6 millions de personnes. D’autres révélations mettront plus de temps à venir, puisque la presse japonaise dévoilait en 2015 que la secte Aum prévoyait une autre attaque le même jour de l’attaque des métros, dans un poste de police et non des moindres puisqu’était visé le poste de police d’Osaki, en charge d’une enquête sur des membres de la secte Aum à l’époque. La secte prévoyait donc une autre attaque au gaz sarin afin de ralentir l’enquête, une attaque heureusement avortée grâce au renforcement de la sécurité aux alentours suite à un coup de fil menaçant quelques jours auparavant. Plus effrayant, c’est qu’après l’attentat, le pays découvre que non seulement la secte était impliquée dans d’autres affaires criminelles, en plus de ces attentats, mais elle avait surtout des connexions mondiales en atteste la tentative de procuration du virus Ebola en Afrique, ou des expériences chimiques faites dans un ranch détenu par la secte Aum Shinrikyo en Australie, mais aussi en Russie où la secte comptait en 1995 environ 30 000 adeptes.
22 ans plus tard, les Japonais continuent à commémorer les victimes de cette attaque, notamment dans la station de Kasumigaseki ce 20 mars 2017 en présence de 21 officiels représentant le métro de Tôkyô, où les personnes présentes ont observé une minute de silence pour les victimes. Il faut comprendre que 22 ans plus tard, cet attentat a toujours des conséquences importantes sur ses victimes, tant sur un plan physique, -50 individus intoxiqués souffriraient de troubles permanents, que sur un plan moral, -vingt ans après certains sont toujours angoissés à l’idée de prendre le métro. Et pour ne rien oublier de ce drame, le responsable de la station Kasumigaseki, qui, présent aux commémorations, veut continuer à raconter ce qui s’est passé aux nouveaux employés, – deux employés de métro sont décédés le 20 mars 1995, victimes du gaz. Mais toutes les affaires criminelles dans lesquelles la secte est impliquée démontre surtout les ravages d’une secte, qui sous couvert de préceptes religieux n’hésite pas à organiser des attentats, et encore aujourd’hui les raisons de ces attentats demeurent difficiles à comprendre: un besoin de créer le chaos ? Volonté de déstabiliser la politique ? Et comment Shôkô ASAHARA a-t-il pu convaincre autant d’adeptes à le suivre aveuglément ? Depuis cette attaque, les proches des victimes souhaitent surtout convaincre les plus jeunes afin qu’ils comprennent la réalité, les conséquences de rejoindre une secte et de suivre les idéologies d’un seul homme. D’autant que les adeptes de la secte Aum Shinrikyô restent persuadés du bien-fondé des préceptes initiaux (soit avant que la secte ne se mette à organiser des activités criminelles), car si la secte s’est scindée en deux à partir de 1999: Aleph et Hikari no wa, elle compterait toujours au total 1 500 adeptes. Ces derniers sont surveillés par l’Agence d’investigation de sécurité publique (agence gouvernementale japonaise de renseignement) jusqu’en janvier 2018 –une surveillance renouvelable tous les trois ans. Quant au gourou, étant donné que tous ses complices recherchés ont été arrêtés et jugés, le dernier procès en appel d’un des membres de la secte s’est achevé en septembre 2016, il se peut que Shôkô ASAHARA soit exécuté prochainement.
A lire pour aller plus loin: « Underground » Haruki MURAKAMI, un essai regroupant les témoignages des victimes du 20 mars 1995.
Sources: the Japan Times, RTL, « Underground » d’Haruki Murakami
www.japanfm.fr/article-3885-22-ans-apres-japon-noublie-pas-lattaque-au-gaz-sarin.html