Jim Jones : La séduction empoisonnée

La vie est dans le sentier de la justice,
et il n’y a pas de mort dans la voie de son chemin.
( La Bible – Proverbes 12:28 )

Il y 30 ans, le 18 novembre 1978, au Guyana, mouraient 9131 adeptes de la secte de Jim Jones, dont 260 enfants. Six personnes purent s’échapper, et 80 membres, qui n’étaient pas sur place ce jour-là, survécurent.

Une note anonyme manuscrite, ramassée sur les lieux du drame, fut retrouvée récemment à la California Historical Society2:

Pour qui trouvera cette note:
… Recueillez les bandes magnétiques, tous les écrits. Toute l’histoire de ce moment de cette action, doit être examinée, encore et encore. … Si personne ne comprend, il importe peu. Je suis prêt à mourir maintenant. L’obscurité tombe sur Jonestown, notre dernier jour sur terre …

Nous examinerons en effet cet événement – qui ne peut laisser insensible personne. Les fidèles du «Temple » cherchaient une vie d’amour et de partage, sans distinction de race et de rang. Leur espoir se termina par l’un des plus terribles suicides collectifs de l’humanité3.

Comment leur « paradis » terrestre put-il se transformer en enfer? Comment Jim Jones a-t-il pu leurrer et entraîner autant de gens dans la mort? Et surtout, cela pourrait-il se reproduire?

Dans ce numéro, nous essaierons de retracer l’histoire de ce mouvement, ses mécanismes, sa fin – et d’en tirer une leçon.

Jim Jones : Ses racines

Le père de Jim Jones était sans travail, alcoolique et membre du Ku Klux Klan. Très jeune, sa mère le prenait déjà pour un futur Messie.

En 1948, Jim fut diplômé d’une grande école4, en avance et avec mention. Il était intéressé par la médecine. Il rencontra une étudiante infirmière, Marceline Baldwin, pendant son travail dans un hôpital et l’épousa en 1949. En 1951, à Indianapolis, il devint étudiant pasteur dans une Église Méthodiste, mais fut très déçu par la ségrégation raciale au sein de l’Église. Il devint aussi membre du parti communiste. Il affirma plus tard avoir désiré démontrer son idéologie marxiste en infiltrant l’Église.5

En 1959, Marceline donna naissance à Gandhi Stephan Jones, leur seul enfant biologique. Plus de 15 ans plus tard, Jones enfantera un fils d’une de ses disciples, Caroline Layton, et revendiquera la paternité de Jean-Victor Stoen, officiellement le fils de Tim et Grace Stoen.

En 1956, il choisit de fonder sa propre Église – People’s Temple (le Temple du Peuple). Celle-ci rejoignit les Disciples du Christ en 1960, où Jones fut consacré en 1964.

Sa « vision » vient d’un prédicateur noir charismatique, George Baker, plus connu sous le nom de « Père Divin6 », qui fonda dans les années 1920, le « Mouvement Missionnaire pour la Paix Universelle7 ». Le Père Divin procurait de l’aide à ses concitoyens de Harlem, par le biais d’entreprises coopératives redistribuant les biens.

Les membres travaillaient pour peu, ou rien, et investissaient leurs biens. En contrepartie, ils bénéficiaient des biens mis en commun. Le Père Divin se présentait comme étant Dieu, et faisait des démonstrations de ses pouvoirs surnaturels. Jones lui rendit plusieurs fois visite.

Un terrain favorable

Dans les années 1965-1970, la Californie était politiquement progressiste et active. Il y régnait un esprit de liberté et de protestation. Beaucoup de jeunes y cherchaient de nouveaux repères.

Ce fut l’émergence de nombreux mouvements comme celui des Hippies, le mouvement “Parole Libre” dans l’université de Berkeley, l’Eté de l’Amour en 1967, de groupes de rock influents comme Jefferson Airplane, Bob Dylan, et les Doors. Ce fut aussi le début d’une triste drogue : Le LSD.

La ségrégation raciale était de moins en moins acceptée, et les valeurs traditionnelles du Christianisme reculaient.


Enfin, les gens avaient peur de la menace nucléaire, et les protestations contre la guerre du Vietnam se multipliaient. Tous ces éléments facilitèrent la venue en Californie de Jones. Il prônait une solution sociale aux mécontents et aux exclus. Jones donnait à chacun l’impression d’avoir de l’importance. il fut un des premiers à adopter un enfant de couleur. Beaucoup de jeunes et de femmes de couleur trouvèrent un soutien au Temple car il y avait vraiment une entraide entre les gens de son groupe. Certains abandonnèrent même la drogue. Tous les biens des membres étaient mis en commun8.

Son discours anti-raciste était attrayant :

Je représente le principe divin, l’égalité totale, une société où les gens possèdent tout en commun, où il n’y a ni riches ni pauvres, où il n’existe pas de races. Là où il y a des gens qui luttent pour la justice et la droiture, là je suis.


Politiquement doué

Jones contribuait financièrement à des causes politiques diverses9, et pouvait mobiliser en moins d’une heure, une foule de centaines de bénévoles pour organiser des manifestations politiques.
De nombreux politiciens ont permis à Jones d’apparaître sur scène avec eux, ce qui a renforcé sa crédibilité.

Le début de son ministère:

Un article du magazine « Esquire »10 suggérait que la vallée de Redwood en Californie pouvait échapper à une destruction nucléaire. Peu après, Jim Jones affirma avoir reçu par révélation qu’un holocauste nucléaire imminent était sur le point de détruire le monde et que les membres du Temple qui lui resteraient fidèles, seraient les seuls à être sauvés. Lui seul était censé connaître précisément l’endroit sûr. Si un membre songeait à une défection, Jones était prompt à le menacer en disant que la catastrophe, la maladie, ou la mort, allait l’atteindre. Souvent, il affirmait publiquement:

Il arrive de mauvaises choses à ceux qui quittent

En 1965, Jones emmena le «Temple du Peuple » en Californie. Celui-ci se développa dans les années 70, en un groupe de propagande politique et sociale. Il y avait bien un culte religieux, mais les anciens membres savaient qu’il ne poursuivait qu’un but : la justice sociale et l’égalité raciale. En 1976 Jones affirmait publiquement être athée.

La fin justifie les moyens


Lors des offices religieux, Jones utilisait des « pouvoirs extraordinaires » : Il lisait les pensées, guérissait les cancers, annonçait l’avenir. Jones utilisait pour cela des agents qui simulaient cécité et handicaps divers; il fouillait aussi les poubelles des membres ou relevait des informations chez leur médecin pour connaître leur vie privée. Tout en reconnaissant qu’ils agissaient de manière malhonnête, Jones et ses sbires justifiaient leurs actions par leur espérance en un état socialiste égalitaire créé autour de leur mouvement.

Exode au Guyana

En 1974, Jones précipita le départ de tous les membres pour le Guyana, à Jonestown11, « un paradis » en bordure de la jungle. Il y avait trop de pressions pour rester à San Francisco. Des plaintes allaient être publiées par des ex-membres dans le « US Magazine ».

Dégradation visible

Jones avait l’habitude de s’auto-médicamenter et, après la mort de sa mère en décembre 1977, ses problèmes de drogue ont empiré. Il alternait entre tranquillisants, stimulants et antidépresseurs. Un de ses fils survivants le suspecte d’avoir consommé de l’héroïne à Jonestown.

Enseignement de plus en plus confus

Jones n’a jamais prêché l’évangile de Jésus-Christ; il n’a jamais annoncé le Salut que Dieu offre aux pécheurs par la foi dans l’œuvre rédemptrice de Christ.

Ses sermons étaient inspirés d’articles de journaux et formaient un étrange mélange de socialisme marxiste, de bouddhisme, et d’ enseignements du « Père divin ». Parfois Jones faisait référence à la Bible pour la dégrader comme étant pleine d’erreurs et d’incohérences. Parfois encore, il citait quelques versets devant les journalistes pour montrer que seul son groupe pratiquait le partage, comme le faisaient les premiers chrétiens.

Il se distança du christianisme de plus en plus. Un jour, il prit une bible et la jeta dans la salle, puis il regarda à droite et à gauche … il y eut un silence et il annonça que la foudre du ciel ne l’avait pas frappé. Une fois, il en brûla même une pour prouver qu’il s’agissait seulement d’une « idole de papier ».

Jones dénigrait12 la légitimité de la Bible en la qualifiant de « remplie d’erreurs », d’« immoralité » et d’ «inconsistance ». Selon lui, elle justifierait l’esclavagisme depuis 2000 ans. Même si Jones fustigeait la légitimité de la Bible, il l’utilisait en en tordant le sens pour démontrer son incarnation divine.

Paul a dit : Ils ne peuvent pas adorer un dieu inconnu. Oui, vous ne pouvez pas adorer tout ce que vous ne voyez pas.

Ses pseudo-miracles prouvaient son incarnation visible, il ajoutait …

puisque Dieu est au milieu de vous, vous pouvez jeter votre bible. La Bible est un contrat, comme une hypothèque, quand il est payé [depuis mon arrivée] vous n’avez plus besoin du contrat. Jetez-le immédiatement.

Il enseigna un jour à renoncer au « Dieu du ciel» qui ne guérit pas, mais demanda de s’adresser à lui.

C’est ce que je veux dire sur le Dieu du ciel, vous ne pouvez pas croire dans le Dieu du ciel.

Un homme se noya lors d’un accident de bateau car il ne put atteindre la corde que lui jetait son fils. Selon Jones, ce ne fut pas la véritable raison du drame :

il ne me connaissait pas.13

Jim Jones ainsi que certaines personnes influentes14 de son entourage croyaient en la réincarnation. Dans le document audio Q92815, on entend Jim Jones s’adresser, dans une séance de spiritisme, à un esprit qui cherchait le corps d’un membre. L’esprit en question avait trahi Lénine et Jésus. Jones, se prenant pour une réincarnation de Jésus, Bouddha, du Báb et de Lénine, pardonna à cet esprit et put ainsi réconforter autant l’esprit que le membre qu’il devait habiter.

Tu as besoin d’un corps… Il y a quelqu’un ici à qui cet esprit appartient : Vous n’êtes pas intégrés, c’est pour cela que vous êtes troublés.

Socialisme et communisme, théorie et pratique:

La théologie de Jim Jones était empreinte d’utopie politique.

« La fraternité est notre religion »

Étant jeune, Jones fut un lecteur vorace, il étudia Joseph Stalin, Karl Marx, Mahatma Gandhi et Adolf Hitler. Il admirait la défense soviétique de Stalingrad face aux nazis et restait perplexe quant à la guerre froide entre américains et russes. Les idéaux du communisme lui plurent. Jones voyait un fondement biblique dans la redistribution des biens par la société:

Car il n’y avait parmi eux aucun indigent: tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de ce qu’ils avaient vendu, et le déposaient aux pieds des apôtres; et l’on faisait des distributions à chacun selon qu’il en avait besoin. (Actes 4:34-35)

En 1978, Jones devint de plus en plus paranoïaque. Craignant de perdre John (son fils biologique), il organisa des nuits de veille pour protéger son camp en prétendant que les autorités guyanaises allaient venir enlever l’enfant et torturer les membres. Il n’est pas facile de dire dans quelle proportion cette phobie mégalo paranoïaque était pathologique, ou bien si elle faisait partie des techniques d’endoctrinement – techniques aussi utilisées par différentes dictatures socialistes – pour isoler et maintenir un groupe dans la peur.

Jones laissa aussi ses membres écrire à plus d’une douzaine de gouvernements étrangers à propos de leur politique d’immigration en vue de préparer un autre exode vers un pays communiste. Il a également écrit à l’État américain pour se renseigner sur la Corée du Nord et l’Albanie stalinienne.

À Georgetown, des membres se réunissaient fréquemment avec les ambassades de l’Union soviétique, de la Corée du Nord, de la Yougoslavie et de Cuba. Des négociations intensives furent initiées en vue d’une éventuelle installation en Union soviétique. Différents lieux d’installation sont cités dans des mémorandums. Sharon Amos, Michael Prokeš et d’autres membres du Temple eurent un rôle actif dans l’amicale Guyana-Corée du Nord qui parrainait deux séminaires sur les concepts révolutionnaires du leader nord-coréen Kim Il Sung.

Le 2 Octobre 1978, Feodor Timofeyev de l’ambassade de l’Union soviétique au Guyana a visité pendant deux jours Jonestown et a prononcé un discours. Jones l’a introduit ainsi:

«Pendant de nombreuses années, nous avons fait connaître nos affinités publiquement : Le gouvernement des États-Unis n’est pas notre mère; l’Union soviétique est notre patrie spirituelle »

Timofeyev ouvrit son discours avec les vœux de l’URSS :

« Les plus profondes et les plus sincères salutations à la population de cette première communauté socialiste et communiste des États-Unis d’Amérique, au Guyana et dans le monde »

Ces 2 déclarations furent suivies d’acclamations et applaudissements prolongés de la foule.

Timofeyev déclara également:

Je vous souhaite, chers camarades, beaucoup de succès pour le grand, très grand travail que vous faites ici.

Le jour du massacre Jones proclamait encore :

Je donne ma vie pour le socialisme et le communisme.

Manipulations et abus

Lorsque de nouveaux membres se présentaient au Temple le dimanche matin, ils étaient tenus de signer leur nom sur une page blanche. Celle-ci était ensuite annotée en cas de défection ou de désaccord avec Jones.

Si quelqu’un avait fait quelque chose de désapprouvé, il passait en “discipline” le mercredi soir devant l’ “église”. Ces disciplines infligées par le “Père” étaient cruelles et brutales. Parfois, une personne devait être “fessée” jusqu’à 175 coups, avec un instrument en bois. La victime en gardait de profondes ecchymoses. En d’autres occasions, des femmes, qui avaient été surprises à prendre de la nourriture en plus de la ration normale, devaient se dévêtir devant les autres membres.

Pendant certaines périodes, les membres travaillaient tellement pour le groupe (en plus de leurs activités privées) qu’ils ne dormaient que quelques heures par nuit. Dans ces conditions, ils n’étaient plus capables de prendre des décisions personnelles, et s’en remettaient en tout à leur leader.

A Jonestown, Jones enregistrait ses messages, et les rejouait en boucle la nuit, de sorte que les membres entendaient jour et nuit le même laïus.

Jones dira plus tard à ses fidèles :

Vous êtes tous homosexuels, et le plus tôt vous le saurez, le mieux ce sera. Je suis le seul véritable hétérosexuel et le seul homme qui peut vraiment satisfaire une femme.

Il demandait à certains de ses membres de s’abstenir de relations sexuelles avec leur conjoint, alors qu’il avait librement et fréquemment des rapports sexuels avec ceux-ci (hommes et femmes).

Jones ne permettait pas que ses membres quittent le camp16. A une personne âgée qui avait demandé de rentrer chez elle pour Noël, Jones répliqua :

C’est un blasphème de vouloir rentrer. J’ai le pouvoir de t’envoyer à la maison, mais ce n’est pas le temps de rentrer…

Il prétendait que certains allaient faire semblant de quitter le camp pendant la nuit, et que le devoir de chacun, était de les dénoncer. La communauté paradisiaque vivait dans la suspicion et la dénonciation. Personne n’osait parler à personne.

Le couple Stoen et « leur » enfant


Ci contre, Jones est à côté du couple Tim et Grace Stoen et un homme inconnu tenant John Victor Stoen qui, selon Jones, était son propre fils.

Marceline, l’épouse de Jones, connaissait Carolyn Jones Layton ainsi que les autres amantes de Jones. C.J. Layton donna naissance à un fils de Jones et l’aida à recruter encore plus de femmes dans le noyau du groupe – un harem informel!

Après le divorce du couple, en novembre 1977, un tribunal de San Francisco accorda la garde de John à Grace Stoen.

En janvier 1978, Tim Stoen se rendit à Georgetown au Guyana avec l’espoir d’obtenir, des autorités guyanaises, la garde de l’enfant, mais il échoua. Les adeptes de Jones firent des menaces de meurtre au juge de Georgetown, pour qu’il rejette la demande de l’ex-membre Tim Stoen de récupérer son fils. Le juge refusa d’instruire le dossier, et indiqua à Stoen qu’il devait tout recommencer avec un autre juge. Un fonctionnaire guyanais rencontra Mr. Stoen et le somma de quitter le pays en un jour, une semaine avant que son visa n’expire. A l’aéroport, trois membres du Temple entourèrent Stoen et le menacèrent de mort s’il ne stoppait pas son action en justice. Stoen et d’autres défecteurs s’adressèrent alors au Congrès de Californie.

Le dernier jour :
Leo Ryan, le représentant du congrès


Leo Ryan, Jr. (5 mai 1925 – † 18 nov. 1978) était un démocrate américain, représentant du Congrès. Il avait passé volontairement une semaine en prison pour mieux comprendre les prisonniers.

Il était apprécié par la population et recevait des plaintes des familles des adeptes de Jim Jones. En novembre 1977, Ryan lisait au Congrès des États-Unis un témoignage de John Gordon Clark au sujet des risques liés aux sectes meurtrières.

Un an plus tard, le 18 novembre 1978, il vint à Jonestown pour vérifier les plaintes des familles sur la « liberté » des membres. Ryan arriva à Jonestown avec un journaliste, un cameraman, un ingénieur du son, et son aide. Les visiteurs furent reçus par de la musique et des danses et bien traités. Les membres étaient conditionnés pour cacher leur situation, mais un résident glissa une note à Ryan pour pouvoir quitter Jonestown.

D’autres encore dirent ouvertement au journaliste qu’ils voulaient partir. Bientôt une dizaine se joignirent à lui pour quitter Jonestown.

L’ambiance dans le camp devint subitement lourde et tendue. Un membre, encore vivant aujourd’hui, encouragea Ryan à quitter le camp pour sauver sa vie.

Avant de partir pour la piste de décollage, il reçut un coup de couteau d’un membre et, en arrivant à son avion, fut sauvagement attaqué ainsi que ses collaborateurs. On ne sait pas exactement qui donna l’assaut, mais on présume que l’ordre fut donné par Jim Jones en personne, ne supportant pas l’idée de voir « son » peuple partir.

La secrétaire du député et l’ingénieur du son survécurent à leurs blessures.

Le soir même, Jones encouragea ses membres au suicide. Il prétexta que les autorités allaient venir pour les torturer et qu’il valait mieux mourir dignement. Voici quelques extraits de la bande Q42.

s’il vous plait prenez la médication; il n’y a pas de convulsion. Ils vont torturer nos enfants, c’est trop tard, le choix n’est plus entre nos mains, c’est juste un goût amer, asseyez-vous et soyez calmes, … donne ta vie avec ton enfant,

Les enfants criaient, et certaines mères hurlaient ne voulant pas voir leurs enfants mourir. Mais Jones savait les remettre sur le chemin de la mort, par sa voix pleine de « compassion ».

Mères s’il-vous plait, donnez votre vie avec votre enfant … la mort est préférable à la vie… dépêchez-vous mes enfants.

Mourez avec dignité, ne soyez pas hystériques … Soyez patients. La mort est chose commune, si vous saviez ce qui vient sur vous … Arrêtez ce non sens, tout est fini et c’est bien, dépêchez-vous mes enfants, … finies les peines maintenant.

Jim Jones avait déjà préparé ses adeptes à un suicide collectif, le cyanure avait été acheté sous prétexte de vouloir l’utiliser en orfèvrerie. Les survivants racontèrent qu’autour de la colonie s’étaient positionnés des hommes en armes. Ce qui, au premier abord ressemblait à un suicide collectif, pouvait aussi être un meurtre collectif.

Les 250 bébés et enfants n’ont pas bu le poison de leur plein gré, celui-ci leur fut injecté dans la bouche avec des seringues.

Dans le film “Jonestown”, un ex-adepte témoigne :

Ils nous ont tout simplement assassinés

Cela dit, dans la bande Q4217, on entend d’autres hommes et femmes s’associer avec zèle à Jones :

Vous ne serez jamais si bien, nous pouvons être heureux de partir,

D’après le dernier enregistrement, peu sont ceux qui ont résisté :

On peut citer Christine Miller qui s’est opposée ouvertement au plan de suicide de Jim Jones. Elle chercha vaillamment à le convaincre par des alternatives comme un exil en Russie, mais chaque fois, la foule acclamait les réponses de Jones. Elle a même poussé des acclamations lorsque le premier membre est mort.

Dieu condamne le suicide

Les dernières paroles de Jones enregistrées furent:

Prends notre vie, nous sommes fatigués.

En fait, les membres du « Temple » n’ont pas attendu que Dieu prenne leur vie, ils y ont mis fin eux-mêmes. Pourtant Jim Jones n’a pas considéré ce suicide collectif comme un suicide mais plutôt comme un « acte révolutionnaire pour protester contre les conditions d’un monde inhumain »19. Il emprunta ce terme à Heuy P. Newtime, un leader de Harlem. Ses adeptes, pour la plupart, virent dans ce suicide un acte courageux et vertueux.

Un des fugitifs rescapés témoigne cependant :

Ce ne fut pas une revendication quelconque, mais une perte sans aucun sens.

Précisons qu’en aucun cas, le suicide n’est justifié ni encouragé dans la Bible. Le suicide ressemble à un reniement de soi, mais reste un meurtre, donc une désobéissance au sixième des dix commandements.

Tu ne tueras point. Ex 20:13

Un faux Christ

Jones niait l’autorité des Écritures, et brûlait parfois des pages de la Bible; par contre il utilisait les paroles du Christ pour s’autoproclamer « Christ réincarné ». Le dieu mort est devenu vivant :

Comme Paul le disait les années passées, ‘Suivez-moi comme je suis Christ’. Je suis en train de faire croire au Jésus de l’histoire ancienne, par ces miracles de guérison, et prophéties que je réalise en son nom. Beaucoup ont cru que Dieu était mort, jusqu’à ce que je leur montre qu’il est aussi tangible que la nourriture qu’ils mangent et que l’air qu’ils respirent. Oh, quel privilège de vivre dans cette connaissance, et d’être capable de personnifier la pensée et les oeuvres de Dieu, donc de permettre aux coeurs purs de voir Dieu.

Jim Jones s’exaltait de manière de plus en plus blasphématoire:

Un jour, il s’exclama,

Je suis le Grand Prophète de Dieu !

Plus tard il affirma être la réincarnation de Jésus Christ, de Bouddha, et de Lénine. Peu de temps après, il demanda à ses brebis de l’appeler « Père ». Ainsi les cantiques étaient à la louange du « Père » pour tous les « miracles » qu’il avait faits (c’est-à-dire mis en scène) pour « son peuple ». Pendant les témoignages, les membres se levaient pour dire tout le bien que Jones avait fait. Il aimait être bercé de louange et d’adoration.

Voici une liste non exhaustive d’expressions de Jones l’identifiant à Dieu, celles-ci ont été enregistrées le jour de sa mort:

J’ai porté vos problèmes sur mes épaulesCependant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, Esaie 53:4a
J’ai vécu pour tous, je vais mourir pour tous.Jésus, … il souffrit la mort pour tous. Heb 2:9b
Qu’est-ce que d’être appelé père ou papa?Et n’appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. Mat 23:9
J’ai pratiquement donné ma vie, je suis mort tous les jours pour vous donner la paix.Jésus,… il souffrit la mort pour tous…. Je vous donne ma paix. Jean 14:27a; Héb 2:9b
Sans moi, la vie n’a pas de sens.Sans moi vous ne pouvez rien faire. Jean 15:5b
Je les ai sauvés.Le Père a envoyé le Fils comme Sauveur du monde. 1Jean 4:14b
Je ne peux pas me séparer de vousJe suis tous les jours avec vous. Mat 28:20a
Vous êtes mon peuple.je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Heb 8:10b

La foi en lui


Ses adeptes répondaient positivement à son désir de supplanter Dieu, et affichaient clairement leur foi en lui

Je crois en Jim Jones20

Nous faisons cela pour toi

Tu es le Saint21

Leçons à en tirer:

Aujourd’hui, la plupart des personnes de moins de 30 ans ne connaissent pas l’histoire de Jim Jones, même aux USA.

Une expression idiomatique et sarcastique est toutefois restée dans la langue populaire américaine: « Don’t drink the kool-aid »22, littéralement « ne bois pas la limonade (marque kool-aid)». Cela signifie : « Ne crois pas tout aveuglément ».

Soyons vigilants. Hitler, comme Jim Jones a entraîné des milliers, voire des millions, dans la mort avant de se suicider. Lui aussi faisait figure de Messie et se faisait appeler Führer (le guide).

Les conséquences spirituelles :

Jésus-Christ nous a mis en garde contre les faux-christs.

Si quelqu’un vous dit alors: Le Christ est ici, ou il est là, ne le croyez pas. Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s’il était possible, même les élus. Voici, je vous l’ai annoncé d’avance. Si donc on vous dit: Voici, il est dans le désert, n’y allez pas; voici, il est dans les chambres, ne le croyez pas. Mat 24:23-26

L’Antéchrist est le faux messie qui, d’après l’Évangile et l’Apocalypse, paraîtra peu avant le retour de Christ et prêchera un faux évangile.

Un antéchrist est, par extension, celui qui s’oppose au Christ, mais surtout qui usurpe la place de Christ. Différents éléments des discours de Jim Jones montrent qu’il se faisait passer pour le Christ.

Intrigues :

Lui et Annie Moore (l’infirmière qui a probablement concocté la potion au cyanure) ont été retrouvés morts par balle à la tête. On ne sait pas si Jones s’est suicidé, s’il a demandé à A. Moore de le tuer, ou si une tierce personne les a tués tous les deux.

Le FBI a retrouvé dans la salle d’enregistrement de Jonestown une bande audio contenant des extraits concernant le drame. L’enregistrement23 a été réalisé de manière professionnelle par quelqu’un qui connaissait bien le matériel. On ne sait toujours pas qui a fait ces enregistrements, et dans quel but.

On y entend Maria Katsaris24 appeler les adeptes à venir boire le poison.

Vous devez avancer, et ceux qui sont sur les côtés, allez, mettez-vous près de l’emplacement radio. Tout le monde va derrière la table, et en retrait, OK ? Il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Chacun reste calme et essaye de calmer ses enfants … et pour tous les enfants qui aident, faites rentrer les petits enfants et rassurez-les. … Ils ne pleurent pas de souffrance, c’est juste un goût amer. … ce ne sont pas des pleurs de douleur. Annie Mc Gowan, Est-ce que je peux te voir ici derrière, s’il te plait…

Sa voix était sobre et sans émotion, et avec un sang-froid supérieur à celui de Jim Jones, comme si ce n’était qu’une distribution de boisson bénigne dont elle était la responsable. Aurait-elle joué un rôle important dans la vie de Jones?

Jim Jones n’a pas bu le poison, mais il a été tué d’une balle dans la tête, par qui?

Autant de détails non encore élucidés qui ont donné lieu à des spéculations des plus fantaisistes. Le FBI aurait assassiné les fidèles de Jonestown et maquillé le meurtre en un suicide collectif.

Qui est responsable?

Qu’on ne s’y méprenne, ce n’est ni le FBI, ni une société secrète quelconque qui a orchestré ce suicide collectif, mais un gourou séducteur voulant remplacer Christ (2Jean 1:7), un loup cruel qui n’épargne pas le troupeau, et qui enseigna des choses pernicieuses, pour entraîner des disciples après lui. (Actes 20:29,30)

Lui même était esclave du péché, fornicateur, drogué, dépressif, et conduit par celui qui porte bien ses titres: Le père du mensonge et le meurtrier dès le commencement, Satan (Jean 8:44).

L’Exode en enfer :

En fuyant l’Indiana pour la Californie, et la Californie pour le Guyana, Jones cherchait le paradis. En fin de course, n’ayant pas même trouvé la paix, et n’ayant pas d’autre issue, il a choisi la mort, et il y entraîna toutes ses ouailles. Il n’est nul besoin d’aller chercher la paix dans une utopie idéologique et loin de chez soi.

Si quelqu’un vous dit alors: Le Christ est ici, ou: Il est là, ne le croyez pas.(Mat .24:23 )

La paix du cœur ne se trouve qu’en Jésus-Christ. Lui seul a pu dire :

Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. (Mat .11:28)

Il suffit de se repentir et de lui ouvrir son cœur.

Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi.(Apoc. 3:20)

La recette du poison séducteur:

Le poison fut concocté avec du jus de fruit ou de la limonade25, et du cyanure, que Jones avait pu se procurer avec une licence d’orfèvre, en prétendant vouloir assainir de l’or.

Il existe de nombreux faux christs de par le monde, mais peu ont mené la quasi totalité de leurs membres au suicide.

Les ingrédients de son « succès » dramatique furent les suivants :

  • Charismatisme, séances théâtrales, contacts politiques, manipulation totale, spiritisme, autorité non partagée, mensonge, usurpation du nom de Dieu et rejet de la Bible.
  • Jones a su séduire, en faisant preuve de vertus qui étaient rares à l’époque : Il a su approcher les délaissés et les gens de couleur. Il a vécu dans un semblant de renoncement: Il ne roulait pas en voiture de luxe, ni habitait dans des appartements somptueux comme le font certains « super-évangélistes » actuels.
  • Jones a su ne révéler que le minimum de lui-même. Il savait à l’inverse discerner les attentes de chacun, que ce soit dans le cercle du peuple du Temple, parmi les hommes politiques locaux, ou avec ses différentes compagnes. La plupart du temps, il s’est caché derrière ses lunettes de soleil, et laissait chacun projeter ses espoirs en lui.
  • Jones insistait sur le fait que son groupe était toujours sur le point d’être attaqué par les autorités américaines pour contribuer à l’unification de sa congrégation et à la consolidation de sa position quasi-messianique. En fait, en 1976, seuls des fonctionnaires des impôts avaient enquêté sur cette organisation.

Les enseignements du Diable ne changent guère. Il promet la vie, met en doute la Parole de Dieu, ensuite la renie (Genèse 3:1,4). Il travaille dans les ténèbres, et ne relâche point ses prisonniers. (Esaie 14:17)

Jones profita aussi du manque de connaissance et de vigilance de ses adeptes.

Conclusion:

Se prendre pour Dieu, voilà la première tentation de l’humanité. C’est encore aujourd’hui la cause de bien des maux. Cette déviance sectaire n’est pas à prendre à la légère. La note manuscrite trouvée après le massacre dit encore :

Nous ne voulions pas cette fin, nous voulions vivre et apporter de la lumière sur un monde qui est prêt à mourir pour voir un peu d’amour…

Ces paroles sont sincères, mais d’une personne aveuglée et endoctrinée qui s’est tuée sans raison. Une foi sincère n’est pas suffisante pour apporter de la lumière au monde.

Au contraire, Jones a apporté un peu plus de ténèbres en dépouillant ses adeptes, en brisant des couples, et en faisant couler bien des larmes, autant parmi les « siens » que chez leurs proches. Pire, Jones et son groupe ont occulté Celui qui est véritablement la lumière du monde. Une ex-adepte affirme dans son témoignage :

C’était le paradis sur terre, je ne peux plus croire au paradis

La « menace de Jonestown », le représentant du congrès, Leo Ryan, fut celui qui voulait faire la lumière sur cette secte. Il en fut la première des « vraies » victimes. Il fut un politicien exemplaire par sa vigilance anti-sectes et son discernement26. Il fut aussi un critique de la première heure de la Scientologie, ainsi que de l’Église de l’unification de Sun Myung Moon. Il reçut à titre posthume la médaille d’or du congrès en 1983.

D’autres gourous se prennent pour Christ aujourd’hui, comment seront-ils reçus par nos contemporains, et par nos politiciens?

1 Selon différentes sources : 909 morts

2 Voir la reproduction intégrale dans le livre de témoignages: Dear People: Remembering Jonestown

3 Toute la lumière n’est pas faite sur cette affaire. La question demeure : est -ce réellement un suicide collectif, les premiers éléments d’enquête ayant conclu à des meurtres par injection ou par balle [NDLR] ?

4 Richmond High School

5 Autobiographie audio : http://jonestown.sdsu.edu/AboutJonestown/Tapes/Tapes/TapeTranscripts/Q134.html

6 En anglais « Father divine », il fut inspiré par Marcus Garvey

7 En anglais « Universal Peace Mission Movement »

8 Jones demandait jusqu’a 25% des revenus, et le niveau de vie du groupe était relativement bas.

9 Contributions même symboliques

10 Magazine mensuel comprenant photos de charme, mode masculine, économie et nouvelles technologies.

11 Anglais : Jonestown = la ville de Jones

12 http://jonestown.sdsu.edu/AboutJonestown/PrimarySources/letter-orig.htm

13 Jean 17:3 Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

14 Un « thérapeute » enseignant la réincarnation, soutint fortement Jones le jour du suicide,

15 Bande audio enregistrée par les membres du Temple et ramassée par le FBI plus tard.

16… comme sur le modèle des politiques restrictives d’émigration de l’ex-Union soviétique, Cuba, Corée du Nord et autres républiques communistes.

17 Transcription : http://jonestown.sdsu.edu/AboutJonestown/Tapes/Tapes/DeathTape/Q042.html

18 Comparez avec Jean 10:28

19 Le parti des panthères noires (Black Panther Party) était une organisation Afro-Américaine co-créée par Heuy P. Newtime pour promouvoir le pouvoir des noirs et de l’auto-défense par des actes d’agitation sociale. Il a été actif aux États-Unis depuis le milieu des années 1960 jusque dans les années 1970. Heuy P. Newtime fut accusé d’avoir tué un policier, et mourut assassiné dans une affaire de trafic de cocaïne.

20 I believe in Jim Jones, comparez avec Jean 3:16

21 You are the Holy one, comparez avec Jean 6:69

22 Bill O’reilly , un présentateur TV très populaire aux US, en fait parfois mention : “Don’t drink the Kool-Aide”

http://www.youtube.com/watch?v=zf3Gh8dVoBo

23 Nommé Q042 par le FBI

24 Maria Katsaris, dernière-née d’un ex-prêtre grec orthodoxe, était une jeune femme vive et intelligente. Elle fut parmi ses premiers disciples, et aussi sa maitresse. Elle fut retrouvée empoisonnée près de Jones.

25 La boisson mortelle aurait été préparée avec du jus de fruit « flavor-Aid », et non avec la limonade de marque « Kool-Aid » aussi disponible au camp. Cela dit, l’expression « Don’t drink the Kool-Aid » est restée.

26 Il fut remarqué notamment par ses critiques à l’égard du manque de surveillance de la CIA par le congrès.