Scientologie: encore un dossier judiciaire amputé

Scientologie: encore un dossier judiciaire amputé

 

Après la disparition d’une partie d’un dossier d’instruction concernant l’Église de Scientologie voici un an à Paris ; ce sont les scellés d’un autre dossier concernant la secte qui ont été détruits à Marseille.

La Garde des Sceaux, Elisabeth Guigou, a assuré hier que « la lumière serait faite » sur la destruction de scellés, à la fin de 1998, dans un dossier impliquant l’Église de Scientologie, qui résulte d’une « méprise » sans intention malveillante, selon le parquet de Marseille. Mais cette destruction d’une « cinquantaine » de pièces au greffe du palais de justice de Marseille, a suscité de vives réactions, en particulier des associations anti-sectes.

« Infiltration » de l’institution judiciaire ?

Survenant un an après la disparition au Palais de justice de Paris d’une partie du dossier d’instruction sur une autre affaire touchant la Scientologie, cet épisode a suscité des interrogations quant à une éventuelle « infiltration » de l’institution judiciaire par l’Église de Scientologie. « Je ne suis pas surpris, mais ça commence à faire beaucoup », a jugé le président de la mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), Alain Vivien, alors que le député-maire de Montreuil, Jean-Pierre Brard (app PCF), membre de la mission, a demandé à la chancellerie de procéder à des « vérifications » concernant certains magistrats.

« En avoir le cœur net »

Le premier vice-président de l’Assemblée nationale, Raymond Forni (PS), s’est dit quant à lui convaincu que cette destruction n’était « pas accidentelle ». Une version que récusent les magistrats marseillais qui assurent qu’aucune pression n’a été exercée par les Scientologues contre des juges ou des fonctionnaires du Palais de justice. Selon eux, la destruction résulte d’une erreur, le greffe ayant cru que l’affaire avait été jugée depuis plus de trois ans et que ces pièces pouvaient en toute légalité être détruites. Tout en jugeant qu’« à première vue » la destruction semblait être une « erreur », Mme Guigou a annoncé qu’elle avait immédiatement diligenté une « inspection au greffe de Marseille » pour en avoir « le cœur net ». Selon le parquet de Marseille, cet épisode n’empêchera pas le procès de sept responsables régionaux scientologues de débuter, comme prévu, le 20 septembre 1999 devant la 6e chambre du Tribunal correctionnel de Marseille notamment pour « escroquerie, exercice illégal de la médecine et violences avec préméditation », suite à la plainte d’un ancien adepte.

Pièces « annexes »

Les pièces détruites sont « annexes », « le dossier est là, il est entier » et « je ne vois pas de raison de retarder le procès ni de l’annuler », a déclaré Yves Le Baut, premier procureur adjoint du parquet de Marseille. Un avis partagé par l’Église de Scientologie. Sa porte-parole, Danielle Gounord, ne voit « pas l’intérêt de faire disparaître ces documents puisqu’ils n’ont pas servi à l’instruction » et estime que « cela ne changera rien au déroulement de procès ».
Selon une source judiciaire, les documents détruits ont fait l’objet d’expertises qui figurent dans le dossier. Durant l’instruction, « personne n’a éprouvé le besoin de les consulter ». Mais, admet-elle, il est possible que lors du procès, les avocats de la défense jouent sur cette destruction pour demander une annulation de la procédure, comme cela s’était produit en 1995, pour vice de forme.

Article DNA du Jeudi 9 Septembre 1999.

 


Les sectes sont dans nos rues

Députée des HautesPyrénées, Chantal RobinRodrigo appartenait à la commision restreinte (15 membres au lieu de 30) chargée d’établir, pour l’Assemblée Nationale, un rapport sur les sectes et l’argent. Cette commission a travailé dans la plus grande discrétion. On sait que la précédente commission qui avait été chargée de dresser un état des lieux des sectes en France avait été infiltrée.

200 sectes répertoriées

Hier soir, Chantal RobinRodirgo, au cours d’une conférence de presse, exposait le travail réalisé. 200 sectes ont été répertoriées dont certaines sévissent à Tarbes et dans le département. Les fonds dont elles bénéficient ou détournent sont énormes. chantal Robin Rodrigo n’hésite pas à affirmer: «Au travers de la fromation professionnelle, EDF, IBM France ont été infiltrés. Une secte a détourné plusieurs centaines de milliers de francs à EDF. Une autre a détourné jusqu’à 230 millions de francs aux chambres consulaires.
L’aMORC, qui bénéficie d’un siège à Tarbes, possède un capital de 140 milions de francs.
Celui des Témoins de Jéhovah s’élève à 1 milliard de francs».

La députée s’est rendue sur le terrain, un peu partout en France. «Ces sectes, s’appuient, entre autre, sur de pseudos-bénévoles qu’elles font travailler. C’est le cas du Patriarche qui retire le RMI aux jeunes qu’elle accueille. A Louviers, une imprimerie des Témoins de Jéhovah emploie 480 personnes bénévolement car toutes adeptes. A Tarbes, une association s’occupant de gens en fin de vie est une secte. Elle pénètre l’hôpital. D’autre part, plusieurs entreprises du département font leur formation au travers de structures qui appartiennent à la scientologie. Une plainte vient d’être déposée par un comité d’entreprise».

Partout

Les sectes sont partout. Pour lutter efficacement contre cette infiltration, la commission a proposée 6 mesures et émis 30 recomandations.

Parmi les mesures, on retiendra: l’aménagement du statut des asociations à partir de 500.000 F impliquant un examen des comptes, l’obligation de rapport sur la fiscalité de ces associations, l’élaboration d’une circulaire sur la séparation de l’Église et de l’Etat, l’interdiction d’un quelconque culte aux rais de l’Etat. Au moment des campagnes électorales, l’obligation d’avoir obtenu un seuil de voix aux précédentes législatives pour obtenir l’aide de l’Etat, l’obligation d’être parrainé par un minimum d’élus pour pouvoir bénéficier durant une campagne électorale d’un temps d’antenne adio ou télé.

Ce rapport a été voté à l’unanimité. On espère en son efficacité a la suite. Mais, dans le domaine des sectes rien n’est facile. Il y a, par exemple, 3.000 médecins dans des sectes en France. Et lors des nombreuses auditions, d’anciens adeptes ont donné à la commission les noms de personnages publics appartenant à l’une ou l’autre des 200 sectes présentes en France.

 

La Dépêche Jean-Jacques DARD

 


Humanisme et vol yogique désarment la République

Les listes issues de mouvements sectaires bénéficient de publicité gratuite et de fonds publics. En toute légalité.

 

«Le fait est que ces groupes ont une existence juridique distincte de celle des sectes qui les inspirent.» La mission interministérielle sur les sectes. On ne peut rien y faire», se désole le centre Roger-Ikor contre les manipulations mentales. «Impossible d’empêcher ces candidatures», regrette le député PS de l’Essonne Jacques Guyard. C’est encore la mission interministérielle sur les sectes qui paraît la moins résignée: «On n’a pas de solution, mais on va bien finir par en trouver une.»

La candidature annoncée des listes du Parti de la loi naturelle et du Parti humaniste relance l’interrogation: la République peut-elle laisser concourir des groupes désignés par ses services comme étant le faux nez de sectes pures et dures ? D’autant qu’elle les finance, ces listes contestées. Le Parti de la loi naturelle a ainsi touché 123 488,87 francs de l’Etat, fruit de sa dernière participation aux élections législatives de 1997. «C’est du racket sur le financement public !», proteste le sénateur radical de gauche Jean-Michel Baylet. Peut-être. Mais le coup est imparable. «Le fait est que ces groupes ont une existence juridique distincte de celle des sectes qui les inspirent», explique la mission interministérielle sur les sectes.

Installée à Matignon, cette mission renvoie la balle au législateur pour ce qui est de trouver la bonne formule. Elle a pour tâche d’alerter les citoyens, les institutions ou les entreprises sur les pratiques sectaires. Mais elle ne veut surtout pas empêcher financièrement l’émergence de partis qui, pour paraître farfelus, n’en seraient pas moins sincèrement démocratiques. La République n’est pas encore disposée à créer la Haute Autorité qui jugerait du bien-fondé intellectuel des différents programmes…

La lévitation contre le chômage. Les «vols yogiques» et autres «séances de cohérence» seront donc une nouvelle fois proposés pendant cette campagne. Interdit de rire: il paraît qu’on doit à ces techniques la fin de la grève des transports de décembre 1995 et la baisse de 20 % de la criminalité dans les rues de Washington. C’est en tout cas ce qu’assure Benoît Frappé, la tête de liste européenne des tenants de la loi naturelle. Si on voulait bien l’écouter, ce monsieur, on se rendrait compte que son parti peut «garantir les résultats» de ces lévitations. Contre le chômage notamment, contre la délinquance et les guerres aussi.

Le Parti humaniste, lui, ne «garantit» rien, mais il s’occupe en plus d’écologie. Ce dernier parti se présente allègrement comme grand «guérisseur de maux sociaux». Selon le rapport parlementaire Gest-Guyard de 1995, il ne serait en fait que l’expression politique du Mouvement humaniste dûment répertorié comme secte par les Renseignements généraux. C’est la méditation transcendantale du «grand sage illuminé» Maharishi, mouvement inscrit au tableau des sectes, qui inspirerait de la même manière le Parti de la loi naturelle.

Outre le financement de l’Etat, la participation aux campagnes électorales de ces deux formations se traduit en temps d’antenne à la télévision. La politique ne serait qu’un mode de diversification de l’entreprise sectaire, selon l’Association pour la défense des familles et de l’individu contre les sectes. L’ancien député UDF de la Somme Alain Gest a demandé en 1995 une «dissolution administrative ou judiciaire» de ces mouvements. Mais sans en préciser le mode opératoire.

Le mandat impératif interdit. Alain Vivien, président de la commission interministérielle sur les sectes, cherche plutôt une solution du côté de la Constitution. Le premier alinéa de son article 27, par exemple, rejette le principe du mandat impératif et interdit de ce fait à un candidat de ne présenter qu’un seul thème de campagne. Mais, en plus des vols yogiques contre le chômage, le parti de Benoît Frappé pourrait alors très bien prôner la culture des pâquerettes sur la planète Mars pour en finir avec la faim dans le monde…

Tant que les candidats seront de nationalité française, âgés de 23 ans au moins et dotés de tous leurs droits civiques, rien ne pourra leur interdire de se présenter aux électeurs. La loi électorale est bien faite. Celles qui régissent le comportement psychologique des humains sont beaucoup plus aléatoires.

GILBERT LAVAL Libération

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