Presse: Du côté des antisectaires : Paul RANC

Nous publions cet article d’une trentaine d’année en souvenir de Paul RANC, un des fondateur de Vigi-Sectes, auteur et conférencier remarquable, à l’occasion de son récent Décès.


Source: Magazine femina, janvier 1989

Face à l’ampleur du mouvement des sectes, une association a vu le jour en France, suite à l’émoi de parents face à la «disparition» d’un jeune homme.
Très vite implantée dans d’autres villes françaises, l’ADFI essaime à l’étranger. Sa branche suisse naît en février 1983, avec un théologien à sa tête, Paul Ranc.

Le communiqué de création de l’ADFI (Association pour la défense de la famille et de l’individu) diffusé par l’ATS (Agence télégraphique suisse) avait provoqué une avalanche de demandes d’aide, se souvient Paul Ranc, président de l’association. Ce dernier, diacre de l’Eglise réformée, père de famille, est connu pour ses travaux sur certaines sectes. Il s’était tout d’abord attaqué au phénomène Cravanzola, dans une brochure publiée en 1979. Il explique son engagement contre les sectes.

Quelles sont en Suisse les sectes les mieux implantées?

En Suisse romande, incontestablement, la secte la plus dangereuse est la scientologie. Les trois quarts au moins des appels qui nous parviennent émanent de personnes qui ont eu affaire à la scientologie. Mais il y a d’autres sectes qui nous posent problème. Moon, implantée depuis quelques années à Genève et récemment à Lausanne, la Conscience de Krishna et aussi les Témoins de Jéhovah. En Suisse alémanique, c’est surtout Moon.
Une association y a été fondée avec des parents dont les grands enfants sont partis dans la secte Moon. Au Tessin, je dirais Krishna et Moon.

Les Témoins de Jéhovah sont donc dangereux?

Il s’agit d’une dissidence du protestantisme créée au siècle dernier. Ce que nous leur reprochons, c’est la destruction de la cellule familiale. Des adolescents qui vont chez les Témoins

Existe-t-il de bonnes sectes?

Très difficile de répondre.

Pour nous, à l’ ADFI, nous définissons une secte par certains critères: le lavage de cerveau et l’asservissement de la personnalité, un chef incontesté, un gourou, et également les implications financières liées à l’appartenance à la secte. Je distinguerais les sectes, ou nouveaux mouvements religieux, des Eglises indépendantes de l’Etat, comme les Eglises baptistes, mennonites, etc. Ces Eglises ont un tronc commun, qui est celui de la Réforme.

Pour des raisons qui leur semblent bonnes, elles se sont séparées des Eglises d’Etat, mais nous avons de bons contacts avec elles.
Les mormons, par exemple, comme d’autres, ont une éthique irréprochable.

Pourquoi caractérisez- vous les sectes de «fléau social»?

Les sectes sont de véritables multinationales et ne visent qu’un seul but, la transformation du monde, la transformation de la société, mais selon leurs propres critères et leurs propres doctrines. Moon ne vise qu’un seul but: une grande fraternité parmi, les hommes, une société sans crimes, sans délits. Le but serait valable, comme ce fut le cas pour le christianisme ou pour l’islam.
Mais entre le but et les moyens, il y a un décalage énorme. La scientologie, par exemple, force des jeunes à s’endetter lourdement.

Depuis 1983, quelles sont les actions que vous avez entreprises?

De 1983 à 1988, nous avons travaillé dans l’ombre. En fait, l’ADFI se résumait à ma femme et à moi-même. C’est nous qui répondions au téléphone environ 250 appels – et nous avons reçu près d’une centaine de visites. Depuis le 4 novembre 1988, nous sommes regroupés officiellement en association, qui compte 42 membres fondateurs, surtout des parents et quelques personnes qui sont sorties des sectes. Notre but est l’information, puis l’aide, la réinsertion professionnelle de jeunes sortis des sectes, la recherche de ceux qui ont disparu, mais nous ne sommes pas en faveur du dé-programming (réd. contre-lavage de cerveau appliqué à ceux que l’on a sortis des sectes).

Comment les parents concernés prennent-ils contact avec vous?

En nous disant: « J’ai mon fils ou ma fille qui depuis un certain temps suit des cours de scientologie. C’est curieux, il me cache ses bouquins, Je sais qu’il a un appareil dans la cave.» (Il s’agit d’un électromètre pour mesurer les blocages.) Ou bien: «Ma fille qui est en apprentissage manque des cours, ses profs sont étonnés.» Ou encore: «Mon fils reçoit tout le temps des coups de téléphone mystérieux.» Ou aussi: «De l’argent disparaît de son carnet d’épargne», etc.

Un «enfant» majeur peut disparaître. Ses parents légalement ne peuvent rien faire, non?

Dans ce cas, c’est vrai, nous sommes désarmés. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que l’enfant majeur, qui est adulte, a reçu un tel lavage de cerveau, une telle pression psychologique qu’on ne peut sans doute plus parler de personne réellement responsable.

Pourquoi vous, diacre réformé, vous occupez-vous de cette association?

En me penchant autrefois sur le phénomène Cravanzola, en tant que théologien, j’ai découvert des parents qui souffraient en silence. Car il est considéré comme honteux en Suisse d’avoir un enfant dans une secte. On n’ose pas le dire.
Cela explique pourquoi les gens ici ne portent pas plainte, alors que dans d’autres pays, si l’on assiste à des arrestations de membres de l’Association de scientologie, c’est qu’il y a eu des dizaines de plaintes. Si vous avez l’un de vos enfants atteint du sida, qui se drogue ou qui est dans une secte, même problème, on se tait. Alors qu’il faudrait en parler le plus possible car les sectes, c’est comme les systèmes totalitaires, les mouvements d’opinion, elles n’aiment pas ça du tout.

Propos recueillis par VALÉRIE BORY
Photo Michel Schmalz

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