Note préliminaire
Il ne faut pas confondre l’Église du Christ, qui est une Église protestante évangélique, avec sa dissidence, l’Église du Christ de Boston, dont nous allons étudier les aspects sectaires.
Depuis le début des années 90, un nouveau mouvement religieux, à la croissance numérique rapide, fait parler de lui en France et en Belgique. Ce mouvement se nomme » Église du Christ de Boston » ou » Églises du Christ Internationales, Mouvement de Boston « .
De 1979 à 1991, soit en douze ans, le mouvement a connu une croissance fulgurante: d’une congrégation de trente membres à plus de cent congrégations avec 38000 membres.
Certains y voient un réveil spirituel sans précédent, d’autres une secte pseudo-évangélique des plus dangereuses. Nous allons essayer de faire le point ensemble.
Un peu d’histoire
Les Églises du Christ sont issues d’une prise de conscience au sein des Églises presbytériennes réformées du début du XIXe siècle aux Etats-Unis. Il s’agissait alors de remettre en vigueur une évangélisation efficace et de restaurer l’unité chrétienne de la Bible.
Les Églises du Christ contemporaines ont adopté leur constitution définitive en 1906. Elles professent une confession de foi fondée sur les saintes Écritures avec une ecclésiologie de type baptiste. On compte de nos jours environ 15000 congrégations réparties à travers le monde avec plus ou moins 2,5 millions de membres.
Pour plus de renseignements au sujet des Églises du Christ, on consultera: Dagon Gérard, » Petites Églises de France « , 2e fascicule, 1968, édité par l’auteur, p.41-44.
Dans les années 70, un mouvement d’évangélisation vit le jour sur le campus de l’université de Gainesville en Floride aux USA. Il s’agissait d’un programme pilote lancé par l’Église du Christ locale. Un étudiant de première année, nommé Kip McKean, fut touché et se fit baptiser en avril 1972.
Kip McKean est l’homme-clé du mouvement de Boston. Il est né à Indianapolis en 1954. Au milieu de ses années d’adolescence, il commença à fréquenter l’Église méthodiste à Maitland en Floride. Il y acquit, selon ses dire, » une foi simple en la Bible, son inspiration et son infaillibilité « . Il commença à » aimer Jésus et à lire sa Parole chaque jour « : » J’arrivais à avoir une profonde conviction sur le fait que Jésus était mort pour mes péchés et qu’il était physiquement ressuscité d’entre les morts au troisième jour » (McKean Kip, » La révolution par la restauration « , UpsideDown Magazine, n°2, avril , p.1).
En 1975, McKean fut chargé du ministère étudiant au Northeastern Christian College, université des environs de Philadelphie, appartenant aux Églises du Christ. Dix mois plus tard, l’Église du Christ de Charleston dans l’Illinois lui demanda de commencer un ministère parmi les étudiants. En trois ans les groupes des étudiants chrétiens passa de quelques personnes à 3OO membres.
En 1979, McKean fut engagé comme évangéliste par l’Église du Christ de Lexington dans le Massachussets. Lexington se trouve dans la banlieue de Boston, où l’Église déménagea un peu plus tard. La communauté comptait alors une trentaine de membres.
McKean considère sa nomination à Boston comme une page d’histoire: » J’ai dit aux personnes de cette congrégation qu’ils devaient être » totalement engagés « , s’ils voulaient que je vienne. Le 1er juin 1979, une page d’histoire a été écrite, lorsque trente disciples se sont réunis, un vendredi soir, dans le salon de Bob et Pat Gempel » (idem p.3).
Il fait remonter l’origine du mouvement de Boston à cette soirée qu’il appelle ‘la restauration à Boston « .
L’Église du Christ de Boston se présente donc comme une dénomination protestante évangélique parfaitement louable. Et pourtant, à partir de 1979, un certain nombre de dérives vont se succéder pour donner forme à un véritable mouvement sectaire.
Nous allons dresser un inventaire non-exhaustif mais significatif de ces dérives. Mais avant cela, signalons encore que les Églises du Christ ont interrompu leur collaboration avec le mouvement de Boston en 1987.
L’autorité dévoyée
McKean a donc exigé, dès 1979, l’engagement total des chrétiens de sa congrégation comme condition à son ministère d’évangéliste. Il s’agissait pour lui
» d’un concept radicalement nouveau, qui n’avait jamais été tenté par aucun mouvement, ni aucune Église » (idem, p.13).
Il était donc clair pour lui, dès le départ, qu’aucune dénomination ni aucun mouvement chrétiens ne connaissaient un engagement total des chrétiens. D’où la faillite de tous:
« De nos jours, nous nous trouvons face à des séminaires incroyables et des dénominations mourantes, reposant sur des systèmes doctrinaux remplis de compromis et qui, en fin de compte ne sont pas assez basés sur la Parole de Dieu » (idem, p.1).
Les Églises du Christ elles-mêmes ne sont pas épargnées: » J’ai pu voir les différentes composantes des Églises du Christ. Leur condition spirituelle allait de tiède à répugnante (Apocalypse 3:14-19) « , (idem, p.2).
La question cruciale est de savoir en quoi consiste pour McKean l’engagement total qui fait qu’une Église est exempte de compromis doctrinaux et qu’elle échappe à une condition spirituelle tiède ou répugnante. C’est en étudiant la conception de l’autorité et son exercice dans le mouvement de Boston que l’on peut le découvrir.
Dans la théologie de Boston, l’autorité du Christ sur l’Église et les croyants s’incarne dans les dirigeants. La moindre désobéissance est donc un péché grave et le signe que l’engagement de l’adepte n’est pas total, comme le montre les textes suivants.
Al Baird, dirigeant pour le mouvement du secteur Moyen Orient décrit ainsi l’autorité: » On se soumet à l’autorité, non parce que la personne qui l’exerce le mérite, mais parce que l’autorité vient de DIEU. En réalité, on se soumet ainsi à DIEU. La soumission signifie que l’on cède à un autre le pouvoir sur soi-même. La personne qui décide pour elle-même qui elle respectera n’a pas cédé le pouvoir » (BAIRD Al, Bulletin, Boston Church of Christ, Série d’articles » Authority ans Submission « . Cité par WOLFE Richard, » Le Développement des erreurs doctrinales de l’Église du Christ de Boston, septembre 1989, p.11).
Gordon FERGUSSON, ancien et enseignant de l’Église de Boston affirme que:
« La soumission est:
a. Une volonté d’être persuadés et unis derrière le dirigeant.
b. L’acceptation que la soumission est grande pourvoyeuse d’humilité, et que Dieu bénit toujours l’humilité.
c. Une conviction profonde que Dieu dirige à travers les dirigeants qu’Il a élevés, et que suivre ces dirigeants, si humains soient-ils, c’est suivre Dieu » (Fergusson Gordon, étude » Aimez-vous les uns les autres « , p. 4).
Il est à noter que cette étude est préfacée par Randy McKean, frère de Kip et dirigeant du secteur Nouvelle-Angleterre, Europe Continentale, elle constitue donc un document de premier plan.
Dans cette même étude, l’indépendance est présentée comme une forme du péché d’égoïsme:
« Indépendance:
a. La personne indépendante se rebelle contre l’autorité, n’aime ni demander ni suivre les conseils, et filtre soigneusement les directives qu’elle reçoit.
b. Ce péché nous conduit vers le confort, le matérialisme et la cupidité. Et lorsqu’un défi trop grand apparaît, nous trouvons bien plus facile de céder et d’abandonner » (p. 10).
Il est évident qu’après tout cela, personne n’ose plus exercer aucun discernement spirituel, ni vérifier aucun enseignement selon Actes 17:11, sous peine d’être réputé désobéissant à Dieu et coupable d’indépendance, c’est-à-dire d’égoïsme. C’est comme à l’armée, le pouvoir des dirigeants à tous les niveaux est incontestable et incontesté.
Depuis 1988, Kip McKean s’est autopromu missionnaire. Ce qui signifie qu’il voyage partout pour visiter et contrôler les congrégations des différentes parties du monde. Il s’est en outre adjoint neuf dirigeants de secteur mondial qu’il a personnellement formés et qui l’assistent. Ces neuf personnes ne dépendent que de lui. Il a en plus mis sur pied un organigramme très hiérarchisé, qui lui permet de contrôler son mouvement, tant au niveau local que mondial.
Chaque dirigeant de secteur mondial nomme un administrateur chargé de mener les questions légales, administratives et financières. Ces neuf administrateurs ont à leur tête un coordinateur qui rend compte directement à McKean. L’organigramme hiérarchique mondial du mouvement, un peu compliqué mais tellement efficace, se présente actuellement selon le tableau suivant:
v
Missionnaire Kip McKean
9 dirigeants mondiaux
coordinateur mondial
9 administrateurs
Anciens de Boston
Evangéliste de Boston Église de Boston
Evangéliste Pilier 24 Églises Pilier
Evangéliste Capitale Églises de Capitales
Evangéliste Petite Ville Églises de Petites Villes
Evangéliste Village Églises de Villages
Chaque congrégation locale est à son tour strictement organisée et hiérarchisée:
Evangéliste Anciens Congrégation Chef de secteur Secteur Chef d’Église de maison Église de maison Chef de groupe d’étude Groupe d’étude Membres
L’Écriture Sainte récuse tout simplement une telle doctrine et un tel exercice de l’autorité spirituelle.
Le Seigneur Jésus a mis en garde les apôtres contre la tentation de se servir de l’autorité pour contrôler et opprimer les autres. Dans l’Evangile, l’autorité est toujours conçue comme un service, jamais comme une tyrannie. Celui qui prétend à l’autorité doit être aussi celui qui donne sa vie pour ses frères:
» Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les asservissent. Il n’en sera pas de même au milieu de vous, qu’il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme rançon de beaucoup » (Matthieu 20:25-58).
Il ne paraît donc pas déplacé de comparer la conception de l’autorité dans le mouvement de Boston avec les instructions de l’apôtre Pierre aux dirigeants ecclésiastiques de son époque:
» Voici les exhortations que j’adresse aux anciens qui sont parmi vous, moi, ancien comme eux, …: Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde, non par contrainte, mais volontairement selon Dieu; non pour un gain sordide, mais avec dévouement; non comme dominant sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en étant les modèles du troupeau » (1 Pierre 5:1-3).
La comparaison est accablante pour les dirigeants de l’Église de Boston. Mais nous ne sommes pas au bout de nos mauvaises découvertes. Une des applications perverses de cette conception erronée de l’autorité consiste en la relation formateur-disciple mise en place par Kip McKean.
La relation formateur-disciple
Une fausse conception et un mauvais usage de l’autorité peuvent faire basculer une Église chrétienne dans le totalitarisme sectaire. Cela est démontré dans l’Église du Christ de Boston.
L’un des effets pervers de l’autorité oppressive, telle qu’elle est exercée dans ce mouvement, est la relation formateur-disciple. De quoi s’agit-il ?
Kip McKean a connu, lors de sa conversion dans l’Église de Crossroads à Gainseville, un système de partenaires de prières.
Chaque chrétien était invité à se choisir un ami avec qui il entretenait des contacts réguliers pour un partage spirituel plus profond:
Dans le mouvement de l’Église de Crossroads, la « formation » était remplacée par un système d’amitiés appelé les « partenaires de prières » où chaque personne se choisissait un « copain ». McKean Kip, « La révolution par la restauration », UpsideDown Magazine, n° 2, avril 1992, p. 4.
En soi, ce principe ne comporte rien de répréhensible, il est d’ailleurs appliqué dans de nombreuses Églises évangéliques. Le problème est que McKean ne trouvait pas ce système assez « directif », selon son propre mot:
Avec tant de nouveaux chrétiens dans l’Église, j’ai pensé que ce système n’était pas assez directif. McKean Kip, « La révolution par la restauration », UpsideDown Magazine, n° 2, avril 1992, p. 4. Il lui fallait donc « innover » (McKean Kip, « La révolution par la restauration », UpsideDown Magazine, n° 2, avril 1992, p. 2).
Ce qu’il fit en introduisant dans son mouvement le concept nouveau de la formation:
En partant de ce concept de « partenaires de prières », j’ai pensé aux partenaires de formation. Dans ces relations, les évangélistes, les anciens et les conseillères femmes (après avoir beaucoup discuté et prié) choisissent un chrétien plus ancien et plus fort dans sa foi pour aider les chrétiens plus jeunes et plus faibles. McKean Kip, « La révolution par la restauration », UpsideDown Magazine, n° 2, avril 1992, p. 4.
On voit d’emblée toute la différence entre le partenariat de prières et celui de formation. Dans le premier, il s’agit de personnes qui choisissent elles-mêmes leur partenaire selon leurs affinités. Tandis que dans le second, ce sont les responsables qui désignent autoritairement un ancien chrétien pour encadrer un nouveau. Ceci ouvre la porte à tous les excès, comme nous le constaterons plus loin.
McKean est tellement persuadé de l’efficacité de son système, qu’il en vient à écrire que même les instituts bibliques sont dépassés pour former au ministère:
Je suis arrivé à la conclusion suivante en lisant la Bible, et en assistant aux deux séminaires de Harding et de l’Eastern Baptist: bien qu’utile en terme général, un séminaire n’est pas le bon moyen d’équiper des gens à diriger un ministère. Ce moyen, c’est la formation: deux prédicateurs côte à côte, comme Jésus marchait aux côtés de ses disciples. McKean Kip, « La révolution par la restauration », UpsideDown Magazine, n° 2, avril 1992, p. 2.
L’idée de McKean n’a qu’un défaut: c’est que le formateur n’est pas le Seigneur Jésus. Mais il est vrai que nous avons constaté que, dans son mouvement, l’autorité des dirigeants et l’autorité du Christ sont une seule et même chose indivisible et qu’il convient d’obéir au premier comme s’il était le second.
Selon son idée, le formateur peut:
« changer la vie quotidienne d’une autre personne, ainsi (et surtout) que sa destinée éternelle devant Dieu ». McKean Kip, « La révolution par la restauration », UpsideDown Magazine, n° 2, avril 1992, p. 2.
On est ici devant les pouvoirs exorbitants qui sont attribués au formateur ! En fait, point n’est besoin de beaucoup connaître la Bible pour constater qu’on attribue aux hommes ce qui n’appartient qu’au Seigneur Jésus-Christ.
Le malaise s’accentue lorsque le mouvement présente le but de la relation de formation:
Après avoir amené quelqu’un à Jésus (conversion), nous devons le transformer en une image de Jésus (maturité). Fergusson Gorson, étude « Aimez-vous les uns les autres », p. 23.
Il est clair qu’ici encore le formateur usurpe un rôle qui n’est pas le sien: il prend tout bonnement la place du Saint-Esprit dans la vie du disciple. La comparaison avec le texte biblique suivant est explicite:
Nous sommes transformés en la même image (du Seigneur Jésus), de gloire en gloire, par l’Esprit du Seigneur. 2 Corinthiens 3:18.
Dès lors, il est facile de comprendre que les prérogatives du formateur dans la vie du disciple sont immenses et absolues.
Selon la conception du mouvement de Boston, la Bible comporte des lacunes quant à la vie chrétienne pratique. Il convient d’y remédier par les relations de formation:
Il est nécessaire qu’une personne précise forme une autre à respecter tous les commandements précis de Jésus … La Bible contient peu de détails sur les domaines très importants de notre vie: la prière, l’évangélisation, la vie de famille, etc… L’absence de détails sur des domaines aussi importants démontre clairement que l’intention de Dieu était de voir les relations de formation combler ces lacunes au fur et à mesure de notre progression vers Jésus. Aimez-vous les uns les autres, p. 22.
Nous touchons ici du doigt l’ampleur de la dérive sectaire du mouvement de Boston. La Bible n’est plus la règle unique et suffisante de la conduite du chrétien. C’est le principe fondamental de la Réforme qui est mis en question. On peut, pour se rendre compte de l’enjeu de l’enseignement de Boston, le comparer par exemple avec la Confession de Foi Belge (Confessio Belgica) de 1561:
Nous croyons que cette Écriture sainte contient parfaitement la volonté divine, et que tout ce que l’homme doit croire pour être sauvé y est suffisamment enseigné. Car puisque toute la manière de service, que Dieu requiert de nous, y est très au long décrite, les hommes même fussent-ils apôtres, ne doivent enseigner autrement, que ce qui nous a été enseigné déjà par les saintes Écritures, encore même que ce fut un ange du ciel, comme dit saint Paul (Galates 1:8).
Car puisqu’il est défendu d’ajouter ou de diminuer la Parole de Dieu (Deutéronome 12:32), cela démontre bien que la doctrine y est très parfaite et accomplie en toutes sortes.
Aussi ne fait-il pas comparer les écrits des hommes, quels que saints qu’ils aient été, aux écrits divins (Art. 7).
Il est donc clair que l’Église du Christ de Boston n’est ni évangélique, ni protestante.
Jusqu’où la relation formateur-disciple peut-elle aller ? Quel pouvoir le formateur peut-il s’attribuer dans la vie de son disciple ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, le formateur se comporte comme un véritable gourou.
Les rencontres entre le formateur et son disciple sont fréquentes:
Ils devaient se rencontrer une fois par semaine, mais également avoir un contact quotidien. « La révolution par la restauration », p. 4.
Il n’y a aucune limite à l’intrusion du formateur dans la vie privée du disciple:
La formation s’applique à tous les secteurs de la vie, car tous les domaines sont impliqués directement ou indirectement dans l’évangélisation. La personnalité, les manières, l’élocution et même la tenue vestimentaire contribuent à gagner les autres pour Christ. Il est donc important de les prendre en compte dans le cadre d’une relation de formation. « Aimez-vous les uns les autres », p. 23.
Même le domaine sentimental n’échappe pas à l’investigation du formateur:
L’ouverture avec une personne est l’un des plus grands cadeaux que nous puissions lui faire. Rien n’est plus précieux qu’une personne qui vous laisse rentrer dans sa vie jusqu’à ces sentiments. « Aimez-vous les uns les autres », p. 18-19.
Après une telle mise en condition, on peut s’attendre à devoir couper avec la famille, rompre des amitiés, voire des fiançailles, et même à devoir divorcer. Nous connaissons plusieurs cas de ce genre à Bruxelles.
Richard Wolfe, dans sa brochure intitulée « Le développement des erreurs doctrinales de l’Église du Christ de Boston », affirme que « le disciple, à tous les niveaux, doit obéir en tout à son formateur. Il doit obéir en questions d’opinion. Il doit confesser à son formateur ses péchés, et même ses tentations » (p. 22). Bien sûr, il cite plusieurs exemples à l’appui de ses dires.
Toujours d’après Wolfe, les disciples doivent remettre chaque semaine à leur formateur un questionnaire ainsi conçu:
Tous les jours de cette semaine:
1. Avez-vous respecté vos périodes de calme ?
2. Avez-vous prié avec votre épouse ?
3. Avez-vous couché avec votre épouse ?
4. Vous êtes-vous levé à l’heure ?
5. Vous êtes-vous couché à l’heure ?
6. Avez-vous partagé l’Evangile avec quelqu’un de nouveau ?
7. Avez-vous eu vos périodes de calme avec vos enfants ?
8. Avez-vous eu un culte ne famille ?
9. Avez-vous rencontré tous vos partenaires formateur-disciple ? (p. 24).
Ce questionnaire doit être rempli pour chaque jour de la semaine.
J’ai moi-même reçu les témoignages de plusieurs ex-adeptes qui m’ont affirmé qu’il est courant que le formateur vienne s’installer au domicile de son disciple pour quelques semaines. Cela lui permet de contrôler tous ses faits et gestes, y compris les coups de téléphone.
Que dire devant un tel système oppressif bien caractéristique de nombreuses sectes ? On pense à l’apôtre Paul qui écrivait aux Galates au sujet des faux frères:
Et cela, à cause des faux frères qui s’étaient secrètement introduits et glissés parmi nous, pour épier la liberté que nous avons en Jésus-Christ, avec l’intention de nous asservir. Nous ne leur cédâmes pas un instant et nous résistâmes à leurs exigences, afin que la vérité de l’Evangile soit maintenue parmi vous. Galates 2:6.
Le mouvement de Boston asservit véritablement ses adeptes en les privant de leur liberté chrétienne. C’est un signe certain qu’il ne prêche pas le véritable Evangile de la grâce et que le Saint-Esprit ne règne pas en son sein, car:
Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. 1 Corinthiens 3:17.
La reconstruction
Une Église qui adhère au mouvement de Boston, doit être « reconstruite ». Cela signifie qu’elle doit passer par une mutation profonde pour la faire cadrer avec la doctrine et les usages de Boston.
J’appelais ces transformations « reconstructions », d’après la reconstruction du mur de Jérusalem dans le livre de Néhémie. Mc KEAN Kip, « La révolution par la restauration », UpsideDown Magasine, n° 2, avril 1992, p. 7.
La reconstruction comporte quatre étapes:
- Les dirigeants de l’Église sont remplacés par d’autres du mouvement de Boston.
Tout d’abord, nous demandions au dirigeant de venir à Boston, afin d’y être préparé par un dirigeant de l’Église de Boston (idem, p. 7). - Les dirigeants démissionnés doivent aller à Boston pour y recommencer la vie chrétienne à zéro. Tous ces dirigeants sont allés, soit à Boston, soit dans une Église implantée par Boston, et y ont trouvé un travail normal, en espérant être un jour sélectionnés pour devenir stagiaires. Certains furent même engagés immédiatement en tant que stagiaires. Mais tous, quelque soit leur expérience ou leur connaissance de la Bible, durent d’abord commencer à vivre comme de simples chrétiens (idem, p. 6).
- Les chrétiens reçoivent une formation spécifique à l’aide d’un programme intitulé « Reconstruire la muraille ».
Lors de notre première reconstruction… la leçon s’intitulait: « Reconstruire la muraille », d’après les chapitres 1 à 6 de Néhémie. Après la leçon, j’ai fait semblant de dessiner une ligne devant le pupitre, et j’ai dit: « Si vous voulez être un disciple de Jésus, et un membre de la nouvelle Église de Christ de Kingston, si vous voulez faire partie de cette Église qui va évangéliser toute cette ville,et avec le temps, toutes les îles des Caraïbes, avancez-vous (idem, p. 7). - Souvent, les disciples « reconstruits » selon Boston se font rebaptiser.
Nombreux sont ceux qui se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas été baptisés en tant que disciples. Aux yeux du monde, ils ont été rebaptisés. Aux yeux de Dieu, ils sont devenus chrétiens… Des fois, des anciens se sont même fait rebaptiser (idem, p.7).
Nous reparlerons de ce rebaptême plus loin. Il constitue, en effet, un important problème doctrinal.
La politique de reconstruction des Églises dévoile le sectarisme affirmé du mouvement de Boston. En dehors de son organisation et de sa conception, il est clair qu’il n’existe aucune Église véritablement chrétienne. Les pasteurs et les responsables venus d’autres dénominations ne sont que de simples néophytes, qui doivent « oublier leurs traditions passées et leurs idées toutes faites sur la Bible » (idem, p. 6). Les chrétiens ne sont pas de vrais disciples du Christ. Si l’on ajoute à cela l’idée enseignée par les responsables de Boston du « reste », qui seul est fidèle à Dieu, on comprend que tous les traits distinctifs d’une secte sont ici présents.
Quoi qu’il en soit, la reconstruction est très efficace pour modeler tout le monde dans le même moule, à tel point que les Églises du Christ traditionnelles ont décrit le processus de reconstruction comme un véritable lavage de cerveau.
Le rebaptême
Le rebaptême constitue l’une des pratiques les plus contestables du mouvement de Boston. En fait, il s’agit d’un puissant moyen de contrôle des consciences. La personne qui est ainsi rebaptisée « doit être prête à faire n’importe quoi, à aller n’importe où, et à renoncer à tout ce qu’elle possède pour Dieu » (idem, p. 4).
Si l’on a en mémoire les problèmes que pose, dans le mouvement, la relation disciple-formateur, on voit sans peine les abus qu’une telle conception peut amener.
Kip Mc KEAN établit l’équation: sauvé=chrétien=disciple. Il n’y a en théorie rien à redire à cet enseignement qui apparaît comme tout à fait biblique. Pourtant, dans la pratique, cela est extrêmement dangereux. En effet, pour Mc Kean, il ne s’agit pas seulement d’être un disciple du Seigneur Jésus, mais de se soumettre aveuglément à ceux qui détiennent l’autorité dans le mouvement.
Dans cette perspective, le rebaptême devient un acte de soumission inconditionnelle au mouvement de Boston:
Une fois née de nouveau dans l’eau du baptême (Tite 3:5), la personne doit avoir le cœur et l’attitude de Jésus: elle doit être prête à faire n’importe quoi, à aller n’importe où, et à renoncer à tout ce qu’elle possède pour Dieu. (idem, p. 4).
Un rebaptême reçu sans ces dispositions intérieures très strictes doit être réitéré. Richard WOLFE résume bien ce principe:
Si vous n’avez pas compris avant votre baptême qu’un disciple se soumet entièrement aux dirigeants, alors vous n’étiez pas un disciple, et votre baptême ne compte pas. (Wolfe Richard, « Le développement des erreurs doctrinales de l’Église de Boston », septembre 1989, p. 31).
L’apôtre Paul était d’un tout autre avis, lorsqu’il enseignait aux Ephésiens que le baptême n’est pas renouvelable et que tout rebaptême blesse l’unité de l’Église:
Vous efforçant de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps, … un seul baptême. (Ephésiens 4:3-5).
Pour terminer sur ce point, remarquons que le mouvement de Boston enseigne que le baptême d’eau produit la nouvelle naissance et procure le salut. Cette doctrine est évidemment contraire à l’enseignement du Nouveau Testament. Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’apporter ici une réfutation. Le lecteur qui veut approfondir cet aspect, peut se reporter à l’ouvrage suivant: NICOLE Jules-Marcel, « Précis de doctrine chrétienne », Editions de l’Institut Biblique, Nogent-sur-Marne, 1983, pp. 269-271.
Conclusion
Au terme de cette étude, il apparaît que l’Église du Christ de Boston n’est pas un mouvement de réveil évangélique. Le Seigneur Jésus a dit que l’on reconnaîtrait l’arbre à ses fruits. Nous connaissons trop de personnes perturbées psychologiquement à la suite de leur passage dans ce mouvement, pour encore considérer cette dissidence comme mouvance du protestantisme évangélique.
La dérive sectaire est évidente et nous ne pouvons que mettre en garde devant le danger pour les Églises et les personnes.
L’apôtre Paul se refusait à dominer sur la foi des chrétiens (2 Corinthiens 1:24).
Kip Mc KEAN insinue de façon indirecte que les apôtres ont propagé l’Evangile de Jérusalem à Rome au 1er siècle, tandis que lui doit le faire de Boston à Moscou au 20ème siècle.
Admettons. Tout en remarquant que l’humanité n’est pas son fort. Mais la question demeure de savoir ce qui lui permet de dominer la foi et la vie de ses adeptes de manière à en faire des marionnettes, comme nous l’avons vu.
Qui a donné un tel pouvoir à Mc Kean, alors que les apôtres eux-mêmes se sont refusé à prendre une telle voie ?
par Jacques Lemaire