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19/09/2006, Valence – église libre
COMPTE RENDU établi à titre personnel par Pascal-Eric Chomel, le 8 novembre 2006 (dans le texte, ce qui figure en italique précédé de NDR = Note Du Rédacteur, est un commentaire personnel du rédacteur du compte rendu)
‘Présents :
- P.Berthoud (LLB)
- M.Deroeux (LLB)
- S.Lauzet (AEF)
Orateurs :
- A.Nisus Professeur à la Faculté Libre de Théologie Evangélique (Vaux sur Seine)
- L.Jaeger Directrice des études à l’Institut Biblique de Nogent
- D.Brown Pasteur de France-Mission, spécialisé dans les implantations d’églises
- D.Cobb Professeur à la Faculté Libre de Théologie réformée (Aix en Provence)
Débat conduit par A.Courtial, ancien pasteur de l’église libre de Valence, accueillant le débat dans ses locaux. Une quarantaine de personnes environ étaient présentes.
Durée :
10h15 – 12h15 13h45 – 17h
Interventions magistrales des orateurs : environ 60 % du temps global
Le reste en échanges entre la salle et les orateurs, sans que la LLB ou l’AEF s’impliquent. On peut évaluer entre 10 et 20% le temps qui a pu être utilisé par l’ensemble des personnes dans la salle pour poser leurs questions ou donner leur avis.
Points positifs :
– Manifestement il n’y a pas eu de pression sur les orateurs qui ont pu exprimer librement leur pensée sur le livre « Réinventer l’Eglise » – les orateurs ont eu toute liberté de parole et ont pu critiquer librement B.McLaren et le livre, au point que le pasteur actuel de l’église libre de Valence (Jean-Pierre Civelli) a regretté qu’il n’y ait pas eu d’orateur pour « soutenir B.McLaren » !
Points négatifs :
– la forme du débat (se déplacer au micro) – La LLB et l’AEF ne se sont pas impliquées dans le débat – la demande faite aux orateurs de se cantonner exclusivement au livre RE, alors qu’il eut fallu considérer l’ensemble de l’œuvre de l’auteur, puisqu’il s’agit du premier livre d’une série de 10 – la polémique étant née suite à l’invitation faite à l’auteur de s’exprimer en France début 2006, il ne suffisait pas d’en rester à son livre datant de 2000 – plusieurs personnes assistant au débat se sont exprimées en faisant valoir que la doctrine les intéressait peu, et qu’il fallait même « adapter notre théologie évangélique » au monde d’aujourd’hui; ces interventions se sont cantonnées à exprimer une appréciation positive de B.McLaren en ce sens qu’il pose de bonnes questions. Peu de personnes ont considéré les réponses qu’il apporte (hormis les orateurs à la tribune et 2 intervenants dans la salle) – non prise en compte dans le thème officiel du débat (la croissance de l’Eglise) de la question de fond soulevée par Vigi-Sectes : «En « Réinventant l’Eglise » Brian McLaren reste-il sur le terrain fondamental de la révélation divine? » (voir http://www.vigi-sectes.org/mclaren et http://tinyurl.com/qc8st )
Intervention d’A.Nisus :
Développement en 3 parties : méthodes, auteur, style/fond
1) Méthodes :
AN estime que BML n’est pas un intellectuel rigoureux. C’est un praticien, sans trop de rigueur, de nombreuses faiblesses pouvant être relevées quant à sa clarté intellectuelle. BML utilise de manière non critique des termes philosophiques, présente une argumentation parfois bâclée, et donne des références historiques peu rigoureuses. BML lui-même reconnaît utiliser un effet rhétorique, mais on se demande parfois si ses affirmations sont seulement hyperboliques ou s’il pense vraiment ce qu’il écrit. AN indique avoir également lu le livre plus récent de BML intitulé « Generous orthodoxy » (GO), et que s’il avait eu à donner la critique de ce dernier livre il aurait été beaucoup plus sévère vis-à-vis de BML. Selon AN, BML reconnaît dans GO que son livre est tissé d’exagération, provocateur, obscur, « l’obscurité stimulant davantage la réflexion que la clarté » ! Lorsque BML indique dans « Réinventer l’Eglise » (RE) que « notre théologie ne fonctionne plus », on peut légitimement se demander si BML parle de la manière, du « comment » ou bien du contenu de la théologie évangélique ! BML a une tendance à l’autodérision, plus marquée encore dans GO, qui invite à ne pas être dur envers lui. AN pose la question : ne faudrait-il pas lire RE à la lumière des autres livres plus récents de BML ?
2) Auteur :
Concernant la biographie de BML, AN relève qu’il est globalement en réaction contre les fondamentalistes, et qu’il le reconnaît d’ailleurs ouvertement, surtout dans GO (p.40 de ce livre, BML indique qu’il est plus dur envers les fondamentalistes qu’envers quiconque).
3) Style / fond
Quant au fond du livre RE, AN l’a trouvé très stimulant et très agaçant. Très stimulant parce que posant de nombreuses questions intéressantes, parce qu’optimiste, encourageant le croyant à ne pas avoir peur du monde, parce qu’il montre un souci constant d’atteindre nos contemporains et dans ce but il se propose de développer une église pertinente.
Mais très agaçant parce que trop marqué par une faiblesse argumentative et un manque de rigueur évidents. La thèse du livre se résume à ceci : le monde change (p.16,17…) et donc il faut redéfinir l’église du futur qui doit elle aussi changer (p.24). Mais pourquoi BML ne discute-t-il pas de l’ « ecclesia semper reformenta », église qui est réformée par la Parole de Dieu et non par l’influence du monde qui change ! Le grand ennemi de BML est le statu quo. Il veut tout réinventer, mais est-ce un effet rhétorique ou le pense-t-il ? cela ressemble plus à un slogan publicitaire qu’à une réflexion approfondie. Selon BML, « le changement est un principe de vie immuable » (notez l’oxymore, entre changement et immuable, termes opposés). BML se réfère à F.Schaeffer, mais il s’approprie de manière non critique cette notion de changement en oubliant que la vie c’est aussi la stabilité. Les forces conservatrices sont aussi forces de vie. La vie est faite de continuité et de discontinuité.
AN réfute la notion de postmodernité qui est pourtant au centre du livre. Bien des penseurs français reviennent sur cette notion et estiment que l’on est plutôt en ultramodernité ou en hypermodernité, c’est-à-dire dans une certaine forme de la modernité, mais pas en postmodernité.
AN estime que BML a une approche trop naïve de ce qu’il appelle la postmodernité, en assimilant la vérité à l’honnêteté, l’authenticité, la transparence (p.146). BML ne critique pas ces notions qu’il attribue aux postmodernes, et on peut même penser qu’il y adhère dans la mesure où il accepte aussi sans critique le fait que si « la notion de vérité change, alors la théologie change » (cite p.72 : « quand la notion de vérité change… la théologie change aussi »). BML confond impossibilité de connaître totalement et connaissance authentique. Seul Dieu connaît totalement, mais cela n’empêche que nous pouvons connaître de manière authentique.
Au sujet de l’apologétique, BML critique la formule « la Bible dit que… », et estime que « la Bible doit nous servir moins comme fondement de l’apologétique et plus comme composante du message en soi » (p.77). BML cite Actes 17 où dans le discours de Paul aux athéniens, ce dernier n’utilise par les Ecritures mais cite des auteurs païens. Mais BML oublie que Paul est saturé, imprégné des Ecritures et qu’il parle des idoles, du Dieu créateur et de la résurrection, notions plutôt étrangères à des païens et qui font référence aux doctrines des Ecritures. Si donc BML veut dire qu’il faut que nous soyons plus fins dans l’utilisation de l’Ecriture pour annoncer l’évangile, alors d’accord, mais sinon, AN craint que ce ne soit la mise de côté de la Bible. Crainte confortée par les expressions de BML page 80, lorsqu’il parle de la Bible comme textes poétiques et littéraires…
Conclusion d’AN :
on a l’impression que BML fait très peu d’efforts pour comprendre les conservateurs (NDR : fondamentalistes, non pas au sens politique du terme), alors qu’il en montre beaucoup pour tous les autres. AN fait un développement sur deux notions d’annonce de l’évangile : Selon certains, il faudrait d’abord annoncer le Dieu d’amour avant le Dieu créateur, aller de la grâce au péché. Selon d’autres, il faudrait d’abord présenter le Dieu créateur, la notion de péché, la loi, avant d’annoncer le Dieu rédempteur et la grâce. AN estime que la seconde approche est la bonne, qu’il convient de commencer avec le problème de l’homme (péché) avant d’en venir à la solution divine (grâce). Il reconnaît toutefois que dans un souci pédagogique, on peut être sensible aux capacités d’accueil des auditeurs, et on va aller d’abord au « sauvé pour » avant d’en venir au « sauvé de ». Le problème avec BML c’est qu’il ne semble pas faire de différence entre la logique de l’évangile (d’abord l’annonce du péché puis de la grâce) et la stratégie de mise en œuvre (pédagogie cas par cas). On a l’impression que BML voudrait changer l’interprétation de l’évangile. Dans le concept de postmodernité, on ne justifie pas les fondements, et BML semble se placer dans ce droit fil de n’avoir pas de fondement.
Mini-débat (questions à l’orateur)
Suit un court temps de questions de la salle, non pour débattre mais pour éventuellement demander des précisions à l’orateur. – Question de Matthew Glock : quel était exactement la demande de la LLB et l’AEF aux orateurs ? – Réponse de S.Lauzet : lit la lettre adressée aux 4 orateurs, leur demandant d’analyser le livre RE de BML. – Question/remarque de JP.Civelli (pasteur de l’église libre) : sera-t-il impossible de dialoguer entre postmodernes et modernes ? les paradigmes changent, et l’analyse d’AN est sur un point de vue moderne.
Intervention de Lydia Jaeger :
LJ estime que la façon de procéder de LLB/AEF est la bonne, consistant à ne pas vouloir polémiquer mais à inviter des « experts » indépendants. Elle se présente comme systématicienne, plus philosophe que théologienne praticienne. Elle indique bien ne commenter que le livre RE, dit n’avoir pas lu d’autre livre de BML et donc ne présentera pas d’analyse de la pensée de BML, respectant en cela la commande de LLB/AEF.
Selon LJ, la thèse de BML consiste à changer la façon de vivre l’église et la façon d’annoncer l’évangile. Il affirme que la postmodernité rejette toute connaissance universelle et la toute-puissance de la raison, remplacée par une vision subjective des choses. Du coup on ne demande plus si c’est vrai mais si c’est authentique. 2 questions se posent : 1) son analyse de la situation est-elle juste ? 2) les conséquences pour l’évangélisation sont-elles bonnes ?
1) L’analyse de la situation de BML est-elle juste ?
D’abord, selon LJ ce n’est qu’une partie de la population qui est devenue postmoderne. La science garde une certaine crédibilité (vision moderne donc). BML a fait des études littéraires aux Etats-Unis, et c’est là que des penseurs français ont développé la notion de postmodernité (Foucault entre autres). Le contexte d’église dans lequel évolue LJ l’amène à constater que bien des gens ne sont pas dans la postmodernité (église de banlieue, marquée par des populations antillaises et africaines).
Puis, la postmodernité n’est pas rupture de la modernité, elle l’accompagne en fait. C’est le pôle irrationnel qui accompagne le pôle rationnel de la pensée apostate (sans Dieu). L’idole appelle sa contre-idole, et comme la pensée moderne idolâtre la raison, forcément il y a une revendication d’irrationalité (le romantisme en son temps était déjà une revendication d’irrationalité de ce type). Kant était déjà postmoderne, en ce sens que pour lui aucune connaissance n’était possible en matière de morale ou de religion.
La foi chrétienne n’est ni moderne (rationnelle) ni postmoderne (irrationnelle). BML ne fait pas d’analyse poussée de la postmodernité. On peut être d’accord avec BML lorsqu’il rejette la modernité (rationalité) mais le problème vient du fait qu’il ne rejette pas la postmodernité. LJ considère que la foi chrétienne accepte le fait que la raison autonome n’atteint pas la vérité. BML partage ce constat, mais il en déduit à tort qu’il n’y a donc pas de vérité absolue ou qu’on ne peut connaître de vérité absolue. LJ contredit BML sur ce point. Selon LJ, BML passe à côté du fait que la connaissance de la vérité nous est possible par révélation. Nous pouvons connaître réellement, mais pas complètement.
LJ cite la page 40 de RE où BML dit qu’il n’y a plus de critères pour savoir « qui est chrétien ». Mais LJ estime qu’il y a au moins 2 critères qui demeurent : Etre dans la grâce de Dieu (vise Galates, sans référence – NDR : probablement Galates 5,4 ?) Nos affirmations christologiques, selon 1 Jean 4 Tous ceux qui se disent chrétiens aujourd’hui ne le sont pas, ne remplissant pas ces critères fondamentaux.
LJ relève ensuite que BML exprime une grande méfiance contre la parole, le langage, car le discours fixe la raison. Mais dans la foi chrétienne, Dieu parle, c’est le Logos, et rien ne justifie cette méfiance. LJ rattache cette méfiance à du mysticisme et se dit frappée de ce que le mysticisme ait autant d’entrée jusques dans nos milieux évangéliques. Selon certains, la seule façon d’appréhender Dieu serait dans le silence mystique (NDR : cf. la promotion de la prière contemplative de BML, dans ses livres ou sur son site internet, comme aussi de prières jésuitiques, ou encore des labyrinthes ; ces sujets n’ont pas été évoqués). LJ revendique la prière biblique comme parole exprimée avant tout. LJ fait référence à la page 95 de RE, et s’inscrit en faux : la Parole de Dieu est intelligible. L’hérésie existe, toutes les paroles au sujet de Dieu ne se valent pas. D’après LJ, les formulations doctrinales du passé restent pertinentes (Nicée, Chalcédoine).
2) Les conséquences pour l’apologétique, pour une meilleure communication envers les non-croyants, sont-elles bonnes ?
LJ est d’accord avec BML sur le fait qu’on n’a pas besoin d’amener quelqu’un sur un terrain moderne avant de l’amener à la foi chrétienne (cf. p.146 de RE). Mais BML ne montre pas assez en quoi le postmoderne doit quitter sa postmodernité pour embrasser la foi chrétienne. Le message biblique doit toujours être présenté au postmoderne et à son relativisme pour qu’il se positionne devant le Créateur. LJ préconise une apologétique néo-calviniste (?). LJ affirme qu’il faut croire pour comprendre. La connaissance « insituée » est celle de Dieu et non des hommes, mais Dieu nous la révèle.
Mini-débat (questions à l’orateur)
– Question de P.Berthoud : le piétisme du XIXème siècle n’était-il pas aussi irrationalité (comme le romantisme d’une certaine manière) ?
– Réponse de LJ :
elle rappelle qu’elle est de tradition piétiste (en Allemagne). D’après elle, le piétisme n’est pas irrationalité mais plutôt une pensée pas suffisamment aboutie. Elle rappelle que le mysticisme est une attitude visant la fusion expérimentale au divin, en dépassant la parole. Bien sûr, le mystique parle, mais par contradictions, et pour dépasser la parole.
Pause de midi
Reprise par un débat entre la salle et les 2 orateurs du matin.
– Question/remarque de JP.Civelli : la démarche de BML consiste surtout à expliquer au chrétien ce qu’est un homme d’aujourd’hui, dans le monde postmoderne. BML ne donne pas de réponse ; il faudra le dépasser, le livre RE étant insuffisant. Mais si les théologiens avaient répondu à ces questions que pose BML, ce livre n’aurait pas été nécessaire. Il estime d’ailleurs que l’on ne peut juger la théologie de BML sur ses écrits mais uniquement sur ses fruits (église florissante).
– Réponse d’AN :
cite Matthieu 12,37 : « par tes paroles tu seras justifié, par tes paroles tu seras condamné », donc les paroles et encore plus les écrits peuvent être légitimement examinés pour considérer la théologie d’un chrétien qui enseigne. Si ce que dit BML n’est pas ce qu’il veut dire, il n’avait qu’à ne pas le dire. AN, sur la question posée, revient sur la notion d’autorité de la Bible de BML pour indiquer que le livre RE est flou à ce sujet, ce qui peut être inquiétant.
– Remarque de M.Glock : pense que BML veut que l’église change complètement.
– Question/remarque de PE.Chomel :
remarque que les orateurs ont rempli ce qui leur avait été demandé en examinant le 1er livre de BML, mais fait remarquer que BML en a écrit bien d’autres depuis, et que dans « A new kind of christian » il décrit la pensée émergente à laquelle il se rattache comme se développant en cercles concentriques, chaque nouveau livre englobant et développant le précédent, il aurait été intéressant d’examiner tous les livres de l’auteur pour cerner sa pensée actuelle. Dans ce cadre-là d’ailleurs, les déclarations de BML au sujet de l’autorité de la Bible sont très inquiétantes ! L’intervenant demande aux orateurs si d’après ce qu’ils ont analysé il n’apparaît pas que BML ne veut pas seulement une église dans la postmodernité, mais bien une église postmoderne. BML n’est-il pas lui-même postmoderne, en ce sens qu’il veut en revenir à un tronc commun doctrinal mais n’en donne à aucun moment la moindre définition ?
– Réponse d’AN :
BML dit qu’il veut une église dans la postmodernité ; il provoque, mais c’est vrai qu’il faudrait le lire plus largement. Le livre RE n’est pas vraiment dangereux, AN n’y a pas décelé d’hérésie. AN ajoute : « BML est trop rusé pour cela ». – Réponse de LJ : Elle estime qu’on peut arriver à un jugement pertinent sur un seul livre, sans tout connaître de l’auteur. Sur le tronc commun, s’il s’agit d’un fondement doctrinal tel que celui de l’Alliance Evangélique, d’accord, mais si le tronc commun que veut BML est plus large, alors pas d’accord. LJ indique qu’elle a regardé quelques pages de BML dans un autre de ses livres et en déduit que l’on peut avoir des craintes à ce sujet.
– Question/remarques de D.Oddon :
cite les expressions employées par BML dans son livre « A new kind of christian » au sujet de l’autorité de la Bible, qui montrent à l’évidence que BML ne considère pas la Bible comme LA référence du chrétien : – Le chrétien postmoderne « relativise son propre point de vue moderne » en comprenant que « tout ce qu’il croit à propos de la Bible et du christianisme est seulement relatif et incertain » (« A New Kind of Christian », Brian McLaren, p 35) – « Il est faux et pharisaïque de considérer la Bible comme « l’encyclopédie de Dieu, le livre des lois de Dieu, le livre des réponses de Dieu » (p 52). – « La Bible ne devrait pas constituer notre unique autorité mais seulement une parmi d’autres, comme la tradition, la raison, des personnes exemplaires, des institutions qui ont gagné notre confiance, et l’expérience spirituelle (p 54 s) – » La Bible n’est pas l’infaillible Parole de Dieu et aucune doctrine ou théologie n’est absolue, aussi devons-nous aborder la Bible de façon moins rigoureuse » (p 56) – « L’autorité de la Bible ne réside pas dans le texte lui-même mais se situe sur un plan mystique, au-dessus et au-delà du texte. » (p 51) Il demande à LJ, philosophe, si la pensée émergente n’est pas éminemment hégélienne, et ne procède pas en ce sens d’une démarche non chrétienne. Il regrette par ailleurs que les orateurs ne s’expriment que sur le 1er livre de BML, et déplore vivement que VS n’ait pas été invité à la tribune, dans la mesure où VS a fait un travail de recherche plus complet sur BML. Un peu plus tard, D.Oddon demandera aussi aux orateurs si BML qui veut unifier la ligne libérale et la ligne conservatrice peut le faire sans apostasier (une personne dans la salle lance: « c’est politique » – NDR : la question n’est évidemment pas politique, et BML ne l’a pas présenté comme politique dans son séminaire à Paris en janvier 2006).
– Réponse A.Courtial :
estime que VS a été invité suffisamment à l’avance et que leur récent mail précisant les raisons de leur non-présence au débat de ce jour ne semblent pas toutes valables. (NDR : voir le courrier de Vigi-Sectes sur http://tinyurl.com/qc8st ) – Réponse LJ : elle indique n’avoir pas lu Hegel et ne pas bien avoir compris la question concernant la pensée hégélienne. Elle précise que s’il s’agit de savoir si BML est hérétique, il est évident que la démarche entreprise, à savoir analyser un livre de l’auteur, n’est pas suffisante. Et que de plus ce n’est pas à elle de le dire (BML n’est pas de son église et n’enseigne pas à l’IBN). LJ n’a pas suivi le détail de la polémique au sujet de BML.
Intervention de David Brown :
Se présente comme praticien plus que comme théologien. Devant la polémique qui est apparue très tôt, il a eu envie de pleurer, car il se sentait placé devant 2 alternatives : Beaucoup de réflexion, mais sans base biblique : BML Des bases bibliques, mais sans réflexion : contradicteurs de BML DB s’est dit agacé par des expressions des polémistes (NDR : on peut supposer qu’il fait référence à VS, mais sans citer expressément), comme par exemple le fait qu’on attribue à BML beaucoup de sagesse humaine en renvoyant à Jacques 3,15 (sagesse « diabolique »), alors qu’il s’agit dans Jacques d’un autre contexte. Comme aussi cette expression « nous ne voulons ni église moderne, ni église postmoderne, mais l’église du nouveau testament ». DB justifie à cet égard BML en indiquant que beaucoup de questions sur notre vécu d’église n’ont pas de réponses directement bibliques.
DB relève 9 points positifs dans RE, et les liste rapidement (donne surtout les titres des chapitres qui lui paraissent pertinents dans les questions que BML pose).
Mais DB a essentiellement 2 critiques importantes à faire et s’y attarde plus longuement.
1) Relations avec la postmodernité : BML s’est « marié avec la postmodernité ».
Avec Don Carson, DB croit que le terme de postmodernité a sa place, mais qu’il faudrait en définir les contours. Il rappelle que le postmodernisme n’existe pas, mais plutôt la postmodernité. En France la postmodernité est la position de repli des gens qui considèrent qu’il n’y a plus d’idéologie valable. Ce n’est donc pas un choix délibéré, et donc pas du « postmodern-isme« . BML voudrait en fait que l’église soit postmoderne, quitte à mettre de côté certains points doctrinaux fondamentaux. S’il ne s’agissait que de mieux cerner la missiologie et l’adapter, on pourrait être d’accord. Il faut certes être adapté à notre culture ambiante, mais il ne convient pas que notre culture change nos fondements. Dans la préface de « Generous orthodoxy », que DB a lu également, l’auteur de cette préface compare BML à Martin Luther et l’église émergente avec la Réforme sur le plan de l’importance du changement opéré ! BML ne refuse pas ces comparaisons dans son livre, donc il les endosse. Il ne se prend pas pour rien! Il veut effectivement opérer un changement en profondeur, qui touche aussi aux points doctrinaux.
2) Doctrine du salut et de la justification :
On ne trouve nulle part la doctrine du salut, de la justification par la foi. Il est vrai que BML n’est pas théologien. Mais quand on lui pose une question « crois-tu à ceci ? », BML répond toujours « oui ». Citant CS.Lewis : « On ne peut savoir ce que quelqu’un croit si on ne sait pas ce qu’il rejette », DB affirme que BML dans son livre « Generous orthodoxy » ne rejette rien, sauf les différents « sola » de la Réforme (sola scriptura… et même un « sola T.U.L.I.P. » inventé par BML !). DB affirme donc qu’il y a un trou béant au centre de la théologie de BML et précise en particulier que nulle part chez BML il n’est fait mention de la mort expiatoire à la croix (substitution pénale). De plus, DB vise les pages 37 et 38 de RE où BML évoque la notion de Royaume de Dieu, plus vaste que l’église. Cette notion de royaume est reprise dans GO où l’on trouve en germe l’hérésie de l’universalisme. DB qui a creusé sur le sujet de l’église émergente, indique que le rejet de la doctrine fondamentale de la substitution pénale est chose très courante dans l’église émergente. Ainsi, Steve Chalke, leader le l’Eglise émergente en Grande-Bretagne, qui est très souvent cité par BML a écrit que la doctrine de la croix est un abus cosmique ou divin envers un enfant. Il a été convoqué par l’Alliance Evangélique Britannique qui s’est séparée de lui. L’absence de ce thème de la substitution et de la propitiation dans un livre qui veut réinventer l’église est très troublante.
Conclusion :
Nous avons en France des gens capables de traiter de tels sujets correspondants aux questions posées par BML. Mais l’absence du sujet du salut dans ce qui se veut refondation de l’église est inquiétante. DB cite Luc Ferry, philosophe non chrétien : « la seule raison de la philosophie, c’est de trouver le salut ; pour cela, ce qu’on a trouvé de meilleur c’est le christianisme, mais c’est trop beau pour être vrai. » DB conclut en espérant que les éditeurs chrétiens réfléchiront bien avant d’éditer d’autres livres de BML, et son espoir est qu’ils n’en éditeront pas d’autres (NDR : cette mise en garde constitue bien une critique indirecte de l’édition de ce premier livre en France).
Intervention de Donald Cobb :
DC situe d’abord le livre dans la collection française Evangile et Culture, dont le but est notamment de faire réfléchir. Il résume ainsi la pensée de BML dans le livre RE : « comment serait une église délestée de l’héritage moderne ». Le mot d’ordre proviendrait de F.Schaeffer (cité dans RE). BML parle des outres et du vin, et cette présentation est juste selon DC. BML passe en revue nos activités ecclésiales pour voir si elles contribuent à diffuser le message, à sa mission au sein du monde. Dans l’ensemble, DC juge que ce sont des pistes intéressantes et stimulantes, poussant à l’innovation et la créativité dans l’église.
Quelques critiques néanmoins :
– BML utilise la caricature, et son ambiguïté dans ses propos irrite et agace. BML demande une appréciation nuancée de la postmodernité alors qu’il n’applique pas lui-même cette « nuance » vis-à-vis des chrétiens. – On n’est jamais vraiment sûr de ce que BML veut vraiment dire. DC n’est pas convaincu que cela aide l’Eglise à formuler le message à annoncer. Ou alors ce pourrait être un message qui passe bien mais qui serait inconsistant. – Dans son analyse de modernité et postmodernité, BML fait preuve de naïveté. D’après BML, les postmodernes croient à la vérité mais ne supportent pas la façon dure dont les chrétiens l’affirment. Mais la postmodernité touche au statut de la vérité. BML : « le terme de vérité absolue n’a plus d’utilité ». C’est là le point le plus contestable du livre RE : la place de la vérité dans l’Eglise. BML dit que les différences, les divisions ecclésiales sont secondaires, et il ne cite que des détails formels dérisoires à l’appui de cette assertion. Le tronc commun doctrinal n’est jamais défini. On en ressort avec l’impression que toutes les spiritualités se valent, si elles se reconnaissent chrétiennes, et la meilleure serait celle qui les met toutes ensemble. DC cite la page 164 où BML fait allusion à un rapprochement du libéralisme et du conservatisme, sur la base d’une relativisation qui impliquerait de fait l’abandon d’éléments doctrinaux essentiels (NDR : cf. la remarque de D.Oddon plus avant). Page 127, BML donne l’impression que l’église ne devrait pas se crisper sur des aspects éthiques importants comme l’homosexualité ou l’avortement. Il met aussi sur le même plan théologie, art, littérature… reléguant la théologie au rang des activités humaines empreintes de subjectivisme et de relativisme.
Conclusion : la collection Evangile et culture vise à nous interroger, et non à nous apporter des réponses, et c’est bien ce que fait ce livre RE.
Débat entre la salle et les 4 orateurs, conduit par A.Courtial, qui pose la première question :
– A.Courtial :
recommanderiez-vous la lecture de ce livre ?
– DB : Non. Les membres de mon conseil ne comprendraient pas grand-chose (1 membre de conseil dans la salle confirme), plus par rapport à la façon de BML de dire les choses.
– AN : je ne le déconseillerais pas. Une lecture critique, par des personnes mûres, peut être féconde car le livre stimule la réflexion. En soi il n’est pas nocif.
– DC : conseille la lecture à un conseil d’église des premiers chapitres qui remettent en cause nos habitudes. Certaines sections ne seraient pas conseillées à la lecture.
– Intervenant inconnu :
Les gens sont plus matures qu’on ne le croit ; qu’ils lisent le livre
– Autre intervenante, du conseil d’église libre de Valence, suédoise d’origine : a lu le livre, non pas sous un point de vue théologique. Selon elle, le livre montre le monde dans lequel on vit. Elle se dit LA protestante dans la chorale catholique valentinoise… Se dit étonnée que la polémique survienne pour ce livre, alors que le livre précédent de la même collection était beaucoup plus révolutionnaire : « L’Eglise autrement ».
– Autre intervenante : attentive aux recommandations faites par les orateurs et les mises en garde, mais a été très encouragée par le livre
– Autre intervenante : ce livre donne de bonnes questions. A entendu parler de relations que BML entretiendrait avec le nouvel age et aimerait savoir ce qu’il en est vraiment pour être plus méfiante le cas échéant.
– M.Glock répond à cette dernière question :
Il précise qu’il connaît très bien BML et qu’il est donc qualifié pour répondre. Il indique qu’une femme joueuse de harpe s’est convertie aux Etats-Unis par le moyen de BML, et il se trouve qu’elle joue de la musique de style new-age et il y a un lien sur ce sujet sur le site de BML. M.Glock confirme que BML partage une certaine conception de la prière contemplative, sans pour autant être new-age. Lorsque BML était à Valence en janvier (à la LLB?) on lui a demandé s’il croyait à ces « gros mots » (sic : expression employée par MG) (NDR : M.Glock, américain, ne trouve plus les mots correspondants, que sont substitution, propitiation, expiation, employés un peu plus tôt par D.Brown ; son expression « gros mots » était très clairement méprisante, indiquant que ces notions n’ont pour lui que peu d’importance!), et BML a répondu qu’il y croyait (NDR : D.Brown a indiqué que BML répond généralement oui à ce genre de question, sans que ce soit déterminant car par ailleurs il montre qu’il ne rejette pratiquement rien, et qu’en ce sens sa doctrine est très floue ; par ailleurs, M.Glock oublie (?) de citer le soutien de BML à Alan Jones, ou encore le lien mis sur le site de l’église de BML vers Spiritual Teachings Directors, site d’œcuménisme syncrétiste ; c’était donc une réponse partielle et biaisée).
– JP.Civelli :
regrette qu’on ait pris de haut BML dans cette journée, notamment les orateurs. Il cite avec enthousiasme la vie d’église de BML, les gens qui vont et viennent avec un café et discutent pendant le culte…
– Réponse de D.Brown :
s’il y a polémique, il faut quand même se demander pourquoi ! Pour lui, la vie d’église de BML n’a rien de révolutionnaire, car sa vie d’église ressemble à cela. En même temps qu’il véhicule des sujets très intéressants, BML véhicule une doctrine qui n’est plus évangélique. Le cœur de la doctrine évangélique n’y est pas.
– JP.Civelli :
ce n’est pas le sujet des livres de BML (NDR : là encore, on peut rectifier : lorsqu’on veut refonder l’église, la réinventer, il est aberrant que la doctrine soit absente, comme évacuée ! par ailleurs, le livre de BML intitulé « Generous orthodoxy » n’est pas plus explicite sur le tronc commun doctrinal, et pourtant, le titre même « orthodoxy » montre que BML se place lui-même sur le terrain doctrinal mais sans rien définir, ce qui explique que DB pense que BML n’est plus sur le terrain évangélique).
– AN :
a beaucoup de respect pour le ministère de pionnier… mais il y a aussi des docteurs, placés dans l’Eglise pour garder le bon dépôt, et là il faudrait faire attention que les évangéliques ne méprisent pas trop ce ministère de docteur, à leur détriment. Il cite ensuite un chapitre du livre de Bernard-Henri Lévy « American vertigo » intitulé « L’église de Willow Creek » dans lequel BHL exprime son profond étonnement d’avoir trouvé une église sans aucun sens du sacré, du mystère, qui ressemble plus à une banque, sans le sens de la dignité et de la présence de Dieu (et BHL n’est pas a priori chrétien). – JP.Civelli regrette qu’il n’y ait pas eu d’orateur pour défendre vraiment BML. – LJ conclut en appréciant la démarche de la LLB et l’AEF d’avoir invité des théologiens et des praticiens, et non des polémistes (« d’ailleurs la polémique nous intéresse-t-elle ? » ajoute LJ).
S. Lauzet donne une conclusion générale, en remerciant la douceur des intervenants, même ceux du sud plus « enthousiastes ». Il rappelle la seule raison du livre à ses yeux : que nos églises se posent la question de savoir à quoi elles servent.
PE Chomel