La Commission des citoyens pour les droits de l’homme (CCDH), une ONG étroitement liée à l’Eglise de scientologie, a tenu un stand durant les trois jours de festivités. Une présence «autorisée par erreur», selon le coordinateur de l’événement phare de la ville de Genève
Des personnes portant le logo des ministres volontaires de l’Eglise de scientologie, ici à Los Angeles. Image d’illustration. — © Keystone/AP/Mark J. Terrill
Sarah Zeines
Publié le 26 juin 2023 17:12. Modifié le 27 juin 2023 22:14. Le temps.ch
Devant le mur des Réformateurs, un esprit religieux d’un genre particulier était à l’œuvre du 23 au 25 juin, à l’occasion de la Fête de la musique organisée à Genève. Loin du calvinisme historique de cet emplacement privilégié des animations, les bénévoles du stand de la Commission des citoyens pour les droits de l’homme (CCDH), une ONG fondée par l’Eglise de scientologie en 1969, ont parsemé la foule de leur propagande. Leur présence sur place a été autorisée par la municipalité, qui ignorait les origines de l’association. «Nous avons été dupés», reconnaît Laurent Marty, coordinateur de la Fête de la musique, alerté par les questions du Temps.
Visuels onusiens
Sur la promo-marchandise diffusée dans la foule, l’identité graphique de la CCDH rappelle largement celle de l’ONU, semant la confusion avec son Conseil des droits de l’homme, chargé de la promotion des droits humains dans le monde. Du bleu azur choisi pour les ballons à la liste des 30 droits humains défendus par l’association – le droit à la circulation, le droit à un monde libre et équitable ou encore le droit au mariage et à la famille – la ressemblance visuelle est frappante. «Concernant ce stand d’information, la collaboratrice qui a traité la demande d’autorisation a simplement vu qu’il s’agissait d’une ONG qui défendait les droits humains, puis elle a mis un des trois emplacements destinés aux associations à leur disposition, précise Laurent Marty. C’est la première et la dernière fois qu’ils participent à notre événement avec ce que nous savons désormais.»
Si les associations choisies «se doivent de refléter une exemplarité morale», selon Laurent Marty, il peut arriver parfois que des revendications moins nobles bénéficient des recettes générées par l’événement, soit entre 5000 et 10 000 francs pour un stand de nourriture et boissons. «Parfois, des associations en apparence humanitaires ne le sont pas, souligne le coordinateur. Dans les années 1990, notamment, nous avons eu les cas d’associations de minorités kurdes qui avaient des objectifs militaires. Comme nous avons une politique de neutralité absolue, nous devons veiller à ne pas fournir une plateforme aux mouvements au cœur de conflits. En tant que mouvement religieux sujet à controverses, la scientologie entre dans cette catégorie.» Contactée, la CCDH déclare qu’elle n’était «pas présente» à la Fête de la musique, sans expliquer la présence des flyers promouvant ses activités, consistant à dénoncer «les abus dans la psychiatrie et à apporter des réformes dans le domaine de la santé mentale», sur le stand en question.
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La Suisse ne surveille pas les scientologues
Pour rappel, l’Eglise de scientologie est au cœur d’une longue série de condamnations en justice largement médiatisées, avec des accusations qui vont de la pratique illicite de la médecine à l’escroquerie ou encore la fraude. Citons notamment la condamnation en 2009 de la branche française de l’Eglise pour escroquerie en bande organisée. Son antenne belge a en revanche été acquittée de charges similaires en 2016.
La Suisse, qui abrite plusieurs antennes de l’Eglise, a aussi été le théâtre de polémiques scientologues à moindre échelle. L’inauguration à Bâle, en 2015, du plus grand centre du pays a été accueillie par des jets d’œufs. Dans le «Rapport sur la scientologie et les sectes en Suisse», publié en 1998 par la Confédération, les experts qualifient l’organisation de «totalitaire», mais jugent ses déviances insuffisantes pour une surveillance active des Services de protection de la Constitution.
La CCDH, elle, a également été sous le feu des critiques. En 2009, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), une entité française, a souligné ses liens avec l’Eglise de scientologie et critiqué ses méthodes. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des campagnes de désinformation visant la profession psychiatrique ont été dénoncées par des groupes de défense des droits de l’homme et des professionnels de la santé mentale. Quant à Genève, la CCDH tient périodiquement des stands dans le grand hall de la gare Cornavin. «Depuis un jugement du Tribunal fédéral en été 2012, les gares sont considérées comme des lieux publics et les CFF ne peuvent pas refuser des demandes de stands ou de distribution de type commercial, politique, religieux ou idéologique», souligne Frédéric Revaz, porte-parole de l’institution ferroviaire.
Les scientologues semblent avoir encore de beaux jours devant eux en Suisse.
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Commentaire de Vigi-Sectes
La scientologie sait se confondre avec le paysage comme les caméléons. Cette secte est dangereuse mais contrairement à ce que beaucoup pensent, mal connue.
Voici ici un essai issu du livre d’un des fondateurs de notre association, Paul RANC: La scientologie une secte dangereuse.