Encyclopédie des sciences religieuses – 1877

Encyclopédie des sciences religieuses
publiée sous la direction de F. Lichtenberger

Doyen de la faculté protestante de Paris, 
Ancien professeur à la faculté de Théologie de Strasbourg
Paris 1877


Note de Vigi-Sectes

Cette préface et les différents articles de cette encyclopédie vieille d’un siècle et demi, nous donnent un éclairage différent sur les mouvements religieux anciens.

Les scientifiques et théologiens humanistes d’antan manquaient de recul pour décrire les mouvements religieux naissants, mais nous éclairent sur la perception qu’on en avait à l’époque.

Ces anciennes études donneront aux chercheurs aussi des informations pertinentes sur:

  • l’histoire et l’évolution de ces mouvements,
  • la capacité des théologiens à discerner leur essence, et
  • … des détails d’époque significatifs, qui échappent aux travaux contemporains.

Ces articles sont appréciés pour leur valeur historique, nous ne nous associons pas forcément à l’intégrité de leur contenu. 

Nous les  reproduisons sans commentaire, avec l’orthographe d’antan.


Préface

L’Encyclopédie des sciences religieuses se propose d’offrir à tous ceux qui s’intéressent à cet ordre de questions un moyen facile de s’orienter et de connaître les résultats des travaux contemporains. Elle désire présenter à ses lecteurs, sur chaque sujet de quelque importance, un ensemble de faits aussi exact, aussi complet et aussi succinct que possible.

Nous avons préféré le titre d’Encyclopédie à celui de Dictionnaire; bien que l’un et l’autre conviennent également à l’œuvre telle  que nous l’avons conçue. Elle renferme, en effet, un grand nombre de courts articles qui définissent un sujet, le délimitent, en esquissent les traits essentiels et en indiquent les sources; ou bien encore elle renvoie le lecteur aux articles plus étendus dans le cadre desquels le sujet désigné rentre naturellement. Ce sont ces études de fond, embrassant l’ensemble des sciences religieuses, qui assurent à notre: recueil son caractère encyclopédique.

Nous disons science religieuses et non théologiques: d’abord parce que notre entreprise s’adresse essentiellement au public, plus nombreux parmi nous de jour en jour même en dehors des cadres ecclésiastiques, qui demande à être initié et associé aux recherches dont les théologiens de profession avaient jadis le monopole; et, ensuite, parce que le domaine que nous embrassons est en réalité beaucoup plus étendu que celui de la théologie proprement dite. Depuis que par une plus juste appréciation des termes, l’on commence à distinguer, même dans le langage commun, entre la religion et la théologie, cette dernière n’est plus considérée comme la seule forme que revête le sentiment religieux, et l’on s’occupe avec un intérêt croissant à en saisir et à en étudier les manifestations partout où elles se produisent. Par une suite naturelle de cette évolution, la théologie elle-même s’est entièrement renouvelée depuis cinquante ans; s’inspirant du principe de la méthode historique, appliquée au domaine qui lui est propre, elle a pu, en utilisant largement les travaux des sciences auxiliaires et parallèles et sans rien perdre de son originalité, agrandir beaucoup son cadre.

On jugera de l’étendue considérable du champ que l’Encyclopédie embrasse par le nombre des articles qui y figurent, Ces articles comprennent d’abord les diverses branches de la théologie systématique, telles que la, dogmatique, la morale, l’apologétique, et la philosophie de la religion qui y confine ; elles nous présentent une ample moisson de termes à définir, de notions à analyser et à préciser, de théories et de systèmes à exposer, ce que nous ferons en restant autant que  possible le terrain de l’objectivité. Notre recueil a dû s’ouvrir également aux articles qui concernent la théologie pratique, bien que la place que nous ayons à leur offrir soit forcément plus restreinte: nous avons tenu à esquisser, du moins en traits rapides, les principes et l’histoire du culte de l’homilétique, de la cathéchétique et de tout les sujets qui rentrent dans le cadre de la science pastorale. Mais le vaste domaine de l’histoire qui a fourni les matériaux les plus nombreux à l’Encyclopédie. L’histoire des religions, d’origine toute récente, y trouvera une large place. Grâce aux travaux remarquables que les dernières découvertes ont provoqués sur l’Egypte, la Phénicie, l’Assyrie, la Perse, l’Inde, la Chine, venant succéder aux recherches plus anciennes sur la Grèce, la Scandinavie et la Gaule, il est possible, dès aujourd’hui, de tracer un tableau complet du paganisme.

Nous demanderons aux documents originaux de nous faire connaître l’expression si variée et souvent si ingénieuse que le sentiment religieux a trouvée chez les peuples qui vivaient avant l’ère chrétienne ou qui sont placés en dehors de l’action de l’Évangile. Toutefois, nous prévenons nos lecteurs qu’ils devront chercher dans les études d’ensemble les noms des divinités, des symboles et des usages religieux des diverses mythologies païennes: notre table de matières, déjà si chargée, eût été trop encombrée par les innombrables articles ou les incessants renvois qu’une pareille nomenclature eût entraînés. L’histoire des religions bibliques occupe naturellement, dans l’Encyclopédie, la place d’honneur. On y trouvera l’explication de tous les noms géographiques et historiques de l’Ancien et du Nouveau Testament de quelque importance, l’analyse des principales idées religieuses, une introduction critique détaillée de chacun des livres canoniques et apocryphes, ainsi que des études d’ensemble sur le canon, le texte, les versions, l’exégèse, la propagation des saintes Écritures et l’archéologie sacrée. Nous n’avons pas négligé, cela va sans dire, l’histoire de l’Église: les Pères, les docteurs scolastiques et mystiques, les ordres religieux, les missions, les sectes anciennes et modernes, l’époque de la Renaissance et celle de la Réforme, la statistique religieuse contemporaine, tant matérielle que morale, de chaque pays, l’organisation particulière de chaque Église, seront t’objet d’articles spéciaux. Il a, de même, été tenu grand compte de tout ce qui, dans le domaine du droit comme dans celui des lettres et des arts, touche au développement des institutions ou des idées religieuses.

L’Encyclopédie ne saurait avoir la prétention de ne présenter aucune lacune. Tous ceux qui se sont occupés de travaux de ce genre savent qu’il n’est pas possible, en ces matières, d’être absolument complet. Le nombre de volumes fixé par les éditeurs pour cette publication nous imposait, à lui seul, la nécessité de nous restreindre et de faire un choix. Il existe d’ailleurs sur diverses branches des sciences religieuses des dictionnaires spéciaux que nos lecteurs consulteront avec fruit. Nous ne voulons citer ici que la France protestante, cette œuvre monumentale des frères Haag que M. Henri Bordier réédite et complète en ce moment même d’une manière si heureuse. Nous osons espérer toutefois n’avoir point d’omissions graves à nous reprocher, et nous nous engageons à réparer de notre mieux celles que l’on voudra bien nous signaler.

La plus grande difficulté contre laquelle nous ayons eu à lutter n’a pas été de tracer le cadre, mais de déterminer l’ étendue des articles, et surtout de contenir, dans les limites prescrites, la bonne volonté et le zèle de nos collaborateurs. On ne manquera pas de relever une certaine disproportion entre les articles de notre recueil. Que l’on veuille bien observer toutefois que, dans notre détermination, nous avons dû nous laisser guider non-seulement par la nature du sujet, mais aussi par la nouveauté des découvertes ou l’originalité des appréciations. Tel personnage, telle localité, telle notion, tel événement moins important ou moins connu occupera peut-être plus de place que tel autre dont on peut trouver partout la biographie, la description ou l’analyse. Une remarque analogue s’applique à la signature des articles, que nous n’avons pas cru devoir inutilement prodiguer.

Un écueil que nous nous sommes principalement appliqué à éviter en embrassant une matière si étendue, c’est de n’être jamais ni superficiel ni vague, et de ne remplacer nulle part par des développements de rhétorique l’exposé sobre, précis et substantiel des faits. Nous nous sommes interdit avec soin la pompe banale des considérations oratoires. » A cet effet, nous nous sommes invariablement adressé aux hommes spéciaux, faisant appel à tous ceux qui se sont occupés des sciences religieuses et dont les travaux font autorité. La liste complète des collaborateurs figurera, dans le dernier volume, il côté de la table générale des matières.

L’Encyclopédie des sciences religieuses n’est pas destinée à servir les intérêts d’un parti ou d’une coterie; elle est l’œuvre collective des diverses fractions du protestantisme de langue française et des quelques hommes de bonne volonté qui, en dehors de nos cadres, ont bien voulu se joindre à nous. Tout en nous plaçant sur la base positive du christianisme et sans compromettre en rien l’unité de notre œuvre, nous n’avons, dans le choix de nos collaborateurs et dans la distribution des matières, considéré que la valeur scientifique des articles. Nous avons demandé à chacun l’impartialité et Je respect des convictions d’autrui, et nous avons prévenu que toute controverse blessante serait sévèrement bannie de ce recueil.

Pour l’orthographe des noms propres, nous nous sommes conformé à celle que l’usage a consacrée en France, nous réservant d’indiquer, dans le courant des articles, celle qui nous paraît préférable. A cet égard encore, de nombreux renvois faciliteront les recherches du lecteur. Sauf en ce qui concerne le latin, les citations de textes étrangers ont été, de parti pris, évitées. Nous avons adopté pour les caractères hébraïques un système de transcription simple et facile dont nous avons recommandé l’emploi à tous nos collaborateurs. Les indications bibliographiques ont été l’objet d’un soin spécial: nous avons tenu à les donner aussi complètes et aussi exactes que possible, en nous permettant d’ailleurs l’emploi des abréviations en usage.

Pour la répartition et le classement des matières, nous avons utilisé un grand nombre de dictionnaires et d’ouvrages spéciaux. Nous mentionnerons tout particulièrement la Real-Encyclopædie für protestantische Theologie und Kirche de M. Herzog (Hamb. et Gotha, 1854-1868, 22 vol.), qui nous a inspiré l’idée même de cette entreprise. Nous avons mis à profit, en maintes circonstances, les travaux de nos devanciers ; mais il va sans dire que tous nos, articles de fond sont des études absolument originales, faites sur les sources elles-mêmes.

Unir l’ardeur du sentiment religieux, reconnu dans sa légitime et puissante influence tant individuelle que sociale, à l’indépendance de la pensée, soumise aux lois inflexibles de la science: ‘tel est l’idéal qui s’impose aux hommes de notre génération. Nous serions heureux de leur aider à le réaliser.

Parmi les lecteurs de ce recueil , les uns seront frappés des conceptions tout à la fois grossières et subtiles, des usages bizarres, des pratiques puériles et mesquines que l’ignorance et la superstition des âges passés ont places sous le couvert de la religion; les autres reculeront effrayés devant les hardiesses de la, philosophie et de la critique historique contemporaines: nous osons espérer toutefois que les uns et lés autres emporteront la: conviction qu’il existe, au sein: de l’humanité, un fonds solide et persistant de vérité religieuse, qui seul donne à la vie sa signification et son prix.

Plus ce siècle penche vers son déclin, moins nous sommés inquiet sur l’issue de la crise qu’il traverse. Là où les esprits à courte vue croient découvrir la tombe de la religion, nous discernons les signes manifestes de son éternelle jeunesse. L’étude critique des vieux documents et l’analyse sévère de la nature humaine nous la montrent plus belle dans son essence, plus riche et plus variée dans ses manifestations, plus puissante dans son action sur le monde. Que ses adversaires, comme aussi certains de ses défenseurs, mieux informés les uns et les autres, cessent donc de la confondre avec les formes et les systèmes parasites qui, trop longtemps ont voilé sa splendeur! Ce sont ces enveloppes poétiques et pittoresques parfois dans leur grâce naïve, mais devenues gênantes à la longue, que le travail du temps emporte; Ce sont ces scories que le minerai en fusion dépose au fond du creuset. L’or pur s’en est dégagé, et il n’y a pas de risque qu’il se perde

Dirons-nous toute notre pensée? Notre pays nous parait plus particulièrement bien placé pour opérer ce triage, devenu nécessaire, entre ce qui dans la religion est destiné à périr et ce qui doit demeurer. L’Angleterre, conservatrice par tempérament et par tradition, a compris le christianisme surtout par son côté pratique: elle réalise d’une manière merveilleuse l’activité charitable et missionnaire à laquelle l’Évangile nous convie. Moins ferme et moins libre sur le terrain ecclésiastique, mais plus hardie dans le domaine de la pensée, l’Allemagne, avec son génie spéculatif et critique, a porté plus avant le flambeau des recherches en ce qui concerne les origines des religions, les documents authentiques et la physionomie propre du christianisme. Mieux équilibrée et admirablement pondérée dans les dons qu’elle a reçus en partage, la France, lorsqu’elle suit ses meilleures inspirations, semble destinée à veiller sur le foyer religieux où s’embrase et se réchauffe la foi de l’humanité. Unissant la vaillance à la douceur, l’amour de la règle à la passion généreuse, elle a produit quelques-uns des plus beaux types de la piété chrétienne.

C’est en vain, croyons-nous, que l’on essaye aujourd’hui de la détourner de l’accomplissement de sa véritable mission. Elle n’écoutera pas les conseils de ceux qui lui disent de jeter par-dessus bord toutes ses croyances; elle suivra moins encore la voix de ceux qui voudraient lui persuader que le dernier mot de la religion a été prononcé au récent concile du Vatican. Elle réagira aussi contre cette doctrine fataliste d’après laquelle la direction religieuse de l’humanité aurait passé, avec l’hégémonie politique et sociale, des peuples de race latine aux peuples de race germanique ou anglo-saxonne. Certes, nous ne demandons pas à la France de se faire protestante, et nous laissons à d’autres le soin de lui rappeler ce qu’elle a perdu en repoussant la Réforme au seizième siècle et en proscrivant ses fils au dix-septième. Qu’elle renoue simplement avec les propres traditions de son passé et que, appliquant à- son ancienne foi les méthodes nouvelles, elle redevienne ce qu’elle a été jadis dans la fleur de ses héros: le pays des fortes études, des mœurs austères et de la propagande enthousiaste de l’Évangile!

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