Ces dérives sectaires qui ébranlent l’Église catholique romaine
Dans un livre publié ces jours-ci, une ex-religieuse de la communauté Saint-Jean raconte l’emprise mentale dont elle a été victime. Ce récit éclaire une réalité encore taboue dans l’Église: l’abus spirituel.
À propos de l’article
Créé le 15/10/2017
Publié par:Agnès Chareton
Édité par:Cécile Picco
Publié dans Pèlerin
n°7036 du 5 octobre 2017
Marie – Laure Janssens a 42 ans, elle est mariée et a deux enfants. Pendant onze ans, « sœur Marie-Laure » a porté le grand voile blanc et l’habit sombre des religieuses contemplatives de Saint-Jean, cette communauté française catholique fondée en 1975 par le P. Marie-Dominique Philippe, à Fribourg, en Suisse.
Culpabilisation, isolement, verrouillage de l’esprit… Dans un témoignage écrit en collaboration avec Mikael Corre, journaliste à Pèlerin, la jeune femme décrit les mécanismes d’un système qui l’a privée de sa liberté intérieure, et manipulée dans ce qu’elle avait de plus intime: sa foi en Dieu. C’est la première fois qu’une ancienne religieuse de Saint-Jean prend la plume sans recourir à l’anonymat (1).
Issue d’une famille catholique de Compiègne (Oise), Marie-Laure pousse les portes du couvent de Saint-Jodard, près de Lyon, en 1998, après des études à Sciences-Po. À l’époque, elle a « soif de Dieu » et rêve de donner sa vie au service des pauvres.
Lever à 5 h 30, offices, service communautaire, travail au potager… De l’extérieur, c’est une jeune religieuse souriante. À l’intérieur, les doutes sur sa vocation la tiraillent. Marie-Laure voue une obéissance aveugle à la toute-puissante sœur Marthe, à la fois directrice spirituelle, maîtresse des novices, assistante générale de la fondatrice, sœur Alix… Elle reste prisonnière de cette relation toxique, malgré les envois en mission aux Philippines, à Taïwan, aux États-Unis et au Canada.
En 2009, la communauté est reprise en main par Rome, et quatre supérieures – dont sœur Marthe – sont exclues de la vie religieuse par le cardinal Barbarin. Épuisée physiquement et psychologiquement, Marie-Laure quitte l’habit six mois après.
« Je n’ai pas décidé d’écrire pour soigner mes blessures, affirme-t-elle. Je veux interpeller l’Église, car des dysfonctionnements perdurent. »
Son témoignage n’apporte pas de nouvelles révélations sur la communauté Saint-Jean, qui a pudiquement reconnu, en 2013, que son fondateur, le P. Marie-Dominique Philippe, « a parfois posé des gestes contraires à la chasteté ». Son originalité réside dans le fait qu’il documente, de l’intérieur, le phénomène encore tabou des dérives sectaires dans certaines communautés catholiques. Le récit, enrichi d’extraits de sa correspondance avec sa famille (177 lettres ont été retrouvées), met en évidence la réalité de « l’abus spirituel », rendu possible quand un supérieur est en même temps directeur de conscience. Il y a alors confusion entre le « for interne » et le « for externe », distingués par le droit canon.
LE DÉSARROI DES VICTIMES
De fait, son expérience n’est pas un cas isolé, même si aucun chiffre n’existe sur les dérives sectaires dans l’Église. Celles-ci concernent souvent des communautés « nouvelles », fondées par une personnalité dotée d’un fort charisme.
En 2015, une enquête canonique a été ouverte visant les Sœurs de Bethléem, et en 2016, les Travailleuses missionnaires de l’Immaculée ont fait l’objet d’une visite apostolique. Parmi les affaires les plus retentissantes, qui impliquent aussi des abus sexuels, on peut citer la suspension du P. Maciel, fondateur de la Légion du Christ, en 2006 ; celle, en 2008, du F. Ephraïm, fondateur de la communauté des Béatitudes ; la condamnation canonique du fondateur de Points-Cœur, le P. de Roucy, en 2011…
En 2013, une quarantaine de victimes et de familles avaient écrit leur désarroi à Mgr Pontier, président de la Conférence des évêques de France (CEF). Celui-ci leur avait répondu dans une lettre très bien accueillie par les associations de victimes, comme l’Avref (2). Dans la foulée, la CEF avait renforcé sa vigilance, en créant différents services, regroupés en une Cellule pour les dérives sectaires. « Notre travail consiste à accueillir, écouter et accompagner les victimes qui se font connaître, explique Mgr Planet, évêque de Carcassonne et Narbonne, placé à sa tête. Nous constituons ensuite des dossiers et alertons les autorités religieuses compétentes: l’évêque, le supérieur de la congrégation, Rome, etc. »
Mais, dans les faits, les choses ont peu bougé. Les dossiers, complexes, aboutissent rarement à des décisions concrètes. Les raisons sont multiples: difficulté à recueillir la parole des victimes, responsabilité diluée entre des acteurs ecclésiaux qui se renvoient la balle, culture du secret, etc. « Sœur Chantal-Marie Sorlin fait un gros travail à la Cellule pour les dérives sectaires, mais son pouvoir d’action est limité. La seule manière de secouer le cocotier est d’aller en justice ou d’alerter les médias », déplore Aymeri Suarez-Pazos, président de l’Avref.
« L’Église ne communique aucune information sur les enquêtes canoniques, regrette de son côté Yves Hamant, dont la fille a été concernée par ces dérives. Or ce problème ne concerne pas juste quelques familles. Il implique l’ensemble des baptisés parce qu’il touche les communautés nouvelles, sur lesquelles l’Église mise pour son avenir. »
Le silence de la Vierge, Marie-Laure Janssens avec Mikael Corre, Ed. Bayard, 260 p.; 18,90 €. |
(1) Félicité, la vérité vous rendra libre, témoignage anonyme d’une ancienne sœur apostolique de Saint-Jean, a été publié en 2014 aux Éd. Sentinelle.
(2) Aide aux victimes des dérives de mouvements religieux en Europe et à leurs familles.
www.pelerin.com/A-la-une/Ces-derives-sectaires-qui-ebranlent-l-Eglise
Ne peut ‘on se demander si dans les sectes, les religieuses peuvent être a leur insu abusées par des hypnotiseurs qui ne leur laisse pas le droit de se rappeler de leurs vie passée entre les mains de ces escrocs qui abusent de leurs connaissance ?
Oui, certains hypnotiseurs ayant toutes sortes de métiers ont été arrêtés pour viols, ayant hypnotisé des gens à leur insu.
Je ne crois pas que l’hypnose a été utilisée ici, mais plutôt l’ abu spirituel